Les Cassandre qui nous assuraient, après la démission forcée du général Flynn, que Trump s'était couché devant l'Etat profond, semblent en être pour leurs frais... Le Donald a été particulièrement virulent ces derniers jours, retournant avec malice l'argument du lien russe à ses adversaires, accusant surtout ouvertement Obama de l'avoir placé sur écoute et demandant l'ouverture d'une enquête du Congrès sur l'affaire. Comme annoncée, la purge du marais a bien commencé. Mais c'est surtout dans le dossier syrien que le rapprochement américano-russe, encore imparfait et timide, est le plus visible. Depuis la prise de fonction de Trump, pas un jour ou presque n'est passé sans que l'aviation US ne filât un petit coup de main à l'armée syrienne dans la zone de Palmyre (voir les comptes-rendus de février du CentCom). Certes, le gros du travail restait l'apanage des Russes, mais l'apport américain, même mineur, mérite d'être relevé. Quel changement tectonique d'avec l'ère Obama, aussi motivé à détruire l'EI qu'un chat à piquer une tête dans l'eau froide... Quant à Manbij, nous l'avons déjà évoquée : récemment, des vidéos ont commencé à circuler, montrant l'établissement d'une petite base des forces spéciales US à Manbij. Message subliminal : si vous attaquez les Kurdes, vous nous attaquez. Avouez que voir les Américains assaillis par leur allié de l'OTAN et les rebelles « modérés » de l'ASL, pourtant armés et financés par Washington pendant des années, ne manquerait pas de sel... Quelques heures plus tard, une nouvelle encore plus incroyable tombait : via les bons offices de Moscou, les Kurdes de Manbij ont passé un accord avec Damas, rétrocédant à l'armée syrienne une partie de leurs gains territoriaux à l'ouest de l'Euphrate afin de constituer une zone tampon les séparant des Turcs. Cerise sur le gâteau, ce rebondissement est également le signe évident d'une entente américano-russe, au moins ponctuelle. Le jour où l'on apprend que des forces spéciales US s'établissent à Manbij pour soutenir les Kurdes, ceux-ci appellent l'armée syrienne à l'aide. Comme l'écrit le Figaro, seul journal à avoir succinctement rapporté l'info : Cette annonce est une surprise totale car ce serait la première fois que des combattants soutenus par Washington sont d'accord pour rétrocéder des territoires aux forces du président Bachar al-Assad. Allons plus loin : les troupes syriennes protégeront maintenant de facto les troupes américaines ! Si l'on nous avait dit ça il y a six mois... Evidemment, rien de tout cela n'eut été possible sans le tremblement de terre provoqué par l'élection de Trump et la redirection de la politique extérieure états-unienne subséquente. Tout cela se précise au fil des jours. Sans surprise, les Turcs ont failli avaler leur loukoum de travers en apprenant l'accord. Ensuite, une certaine confusion a été entretenue. Le Ministère russe de la Défense, peut-être pour faire avaler la pilule au sultan, a précisé que les Kurdes ne remettraient pas seulement à l'armée syrienne la zone tampon mais Manbij elle-même. Soulagement à Ankara qui, dans son malheur (notez le défaitisme de la presse turque), préfère à tout prendre voir Damas occuper la zone que les Kurdes. (A suivre)