Toujours prolixe et généreux en production, Amor Idriss Dokman revient poser ses valises à la Galerie Mohammed Racim pour une escale multicolore dont seul lui a le secret. «L'Algérie, porte de l'Afrique» est l'intitulé de ce voyage au fin-fond de l'âme africaine qui laisse une impression d'agitation féconde à la visite de l'exposition. 62 peintures virevoltantes, des toiles, du tissu, de l'acrylique, des fils cousus, de la limaille de fer, tout cela pour une série de travaux tout en fulgurances, en traits peints, en dessins qui se révèlent en deux temps, des paysages imaginaires, des portraits secrets, des personnages cachés, toute une profusion de scènes africaines, de faux-semblants aux compositions structurées, nerveuses, emplies des secrets les plus fous. Assurément, Dokman a travaillé d'une manière quasi compulsive pour nous livrer des travaux de grands et moyens formats où il fait exploser son talent et les poncifs qui caractérisent la grande caricature de l'Afrique. Pour le plasticien, il n'est nulle question de clichés, on sent qu'il est chez lui dans cette Afrique si puissante dans son évocation. «Désir proclamé», «Bonheur du repos», «Rite de guérison», «initiation à la fertilité», «Statuette motivée», «l'initiation», «Terre précieuse», sont autant de peintures vivaces que le peintre a dédiées à son continent primordial. Dans cette série de travaux, l'artiste expose ses inspirations, montre ses muses, il colle, coud, dessine, gratte, incise, suggère en surchargeant ses supports d'une rage artistique sans limite. Tout naturellement, il déclare qu'il ne fait que ça, même avec toute notre logique critique, il nous semble que l'artiste est hors temps, hors concept usité par les autres, il est libre, se documente, s'imprègne pour nous livrer, comme un indice évident, deux masques qui trônent ensemble sur un pan de la galerie, un autre trône à proximité comme pour nous narguer, pour nous dire combien la société exige de nous le mensonge, le paraître et la non mise à plat des masques qui imprègnent notre surmoi. Dans sa grammaire chaleureuse mais aussi vénéneuse toute en compositions riches et alambiquées, colorées et composées dans la spontanéité la plus féroce, et sans doute la plus empirique. Dokman a assimilé les formes, les structures intimes de cette Afrique si plastique, si artistique qui se livre dans le masque ou dans les appositions de toutes les formes colorées qui donnent au rendu une suggestion de travaux chaotiques mais organisés en fait d'une manière stricte qui laissent apparaître dans l'apparent délire des visages, des personnages, ou des notes végétales qui sortent comme par miracle dans une évidence limpide quand on les a découvert après un deuxième coup d'œil plus avisé. Princesses languides, guerriers peuls oubliés, peuplent un univers fait des humanités les plus fines, des guerres les plus absurdes ou des paix impossibles à oublier. Amor Idriss Dokman laisse dans l'entrée de la grande porte africaine qu'il entrouvre pour nous, l'impression d'un scribe improbable qui, de par son écriture plastique, nous livre les formes les plus anciennes qui puissent exister, il est valeureux dans son sens du partage et sa générosité transparait sur quelques 62 pistes enchevêtrées qui laissent pantois par leur force. Le voyage ici bas se fait en compagnie de deux sculpteurs, Hakim Bouchakour qui fait des masques en bas reliefs repoussant encore plus loin les limites admises de son métal, et Tahar Hadhoud et ses formes volumiques toutes en arrondis et en évocations féminines. Le trio sympathique nous laisse une impression de voyage et le moins que l'on puisse dire, c'est que ce voyage dans le cœur des formes reste farouchement inoubliable. C'est à la Galerie Racim et nul besoin de billet pour aller au fin-fond de notre continent du soleil. «L'Algérie, porte de l'Afrique, exposition de Idriss Amor Dokman, du 25 novembre 2017, en continuation, avec les sculptures de Tahar Hadhoud et Hakim Bouchakou, Galerie Racim, avenue Pasteur, Alger, Entrée libre