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Le barrage de la bureaucratie rentière
Algérie Nouvelle
Publié dans La Nouvelle République le 11 - 07 - 2020

Le président de la République Si Abdelmadjid Tebboune s'est à plusieurs reprises exprimé sur la difficulté qu'il rencontrait à imprimer les réformes de la rupture, dont il est un partisan convaincu, et dont il impute la responsabilité aux milieux de la corruption. Le Premier ministre Si Djerrad, s'est fait l'écho de cette préoccupation lors de son déplacement dans le Sud en montrant du doigt, devant les caméras, les lourdeurs bureaucratiques dans la distribution du logement mais en la mettant sur le dos d'une dérive administrative. Dans une intervention remarquée, sur les ondes de la Radio Chaîne III, dans l'excellente émission «L'invité de la rédaction», le docteur en économie Abdelhak Lamiri y voit une déficience technique. Le pays serait administré et non pas géré en objectifs à atteindre comme ceux que se fixerait une entreprise de la performance économique. Au-delà de présupposés analytiques que l'on devine différents, tous sont en accord sur un point. La bureaucratie algérienne constitue un véritable frein au développement du pays, un ennemi de l'intérieur à combattre sévèrement. Encore faudrait-il pour la confronter s'entendre sur sa nature. Et dès lors que nous abordons, la question de la superstructure de notre Etat, cela nous renvoi immédiatement à la conception que nous nous faisons du marché d'une part et à celle de la nature des élites administratives qui se trouvent depuis des décennies à la barre de l'Etat-National, sans même vouloir parler des effets de structure divers et variés propres aux administrations du développement des corporatismes régionalistes, de classe etc. Nous en sommes arrivés à un point littéralement paradoxal. Face aux pressions impériales, la revendication d'affirmation étatique est plus que jamais à l'ordre du jour alors que dans le même temps, le trop plein de règles, lois, ordonnances, règlementations empêche l'expression des dynamiques sociales et économiques. Nous voulons tout à la fois plus d'Etat et moins de bureaucratie, plus de souveraineté mais pas trop de dépenses militaires, plus de libertés de faire mais certainement pas moins de protection sociale dans une accumulation vertigineuse des contradictions. Le cœur des réformes en cours pour l'Algérie Nouvelle est justement de les dépasser. Mais comment ?
Réglons rapidement une question pour immédiatement situer la problématique qui nous occupe. La loi de l'offre et de la demande est une plaisanterie. Cette règle édictée en dogme par l'école libérale voudrait qu'à toute demande exprimée répondrait une offre en adéquation de cette demande. Cette vision théorique, posant l'individu au centre de l'univers en homos oeconomicus rationnel, emprunte aux mathématiques sa logique réductive méthodologique. Elle fait peu de cas des facultés évolutives du monde qui veulent qu'une cellule vivante plus une autre cellule ne fait pas une somme de cellules mais des plantes, des animaux, des hommes, une société, des cultures. De même qu'un fonctionnaire plus un autre fonctionnaire et pour faire bonne mesure un troisième fonctionnaire n'est pas équivalent à trois fonctionnaires mais à une bureaucratie naissante édictant, règles, lois, hiérarchies, discipline, rapports sociaux, en un mot organisation de la société. C'est pour cette raison qu'un agent économique plus un autre agent économique ne formera jamais organiquement un marché en expression de la somme des besoins des agents économiques s'échangeant des biens et des services. La raison principale en est la présence nécessaire des «fonctionnaires arbitres» ou «régulateurs» pour édicter des règles. Du coup, c'est le marché lui-même qui imprimera ses propres désirs aux agents économiques. Cette logique inversée fut brillamment expliquée par l'économiste américain Keneth Galbraith dans «The new industrial State» (1967) où l'auteur montre patiemment comment la publicité, la politique du crédit, celle des prix ne sont que la projection volontaire des technostructures des grands industries américaines – pourtant pays du capitalisme pur – aux fins de vendre des productions qui se fichent de la rationalité des consommateurs. C'est donc la superstructure qui organise le marché mais encore la société civile et non pas le contraire comme voudraient nous le faire croire les doctrinaires. Cette superstructure est technicienne pour l'Amérique, ce que Kenneth Galbraith désigne par le terme de «technostructure» en raison de l'histoire propre des Etats-Unis. Dans son essai visionnaire K. Galbraith posait l'hypothèse audacieuse pour son époque qu'une catégorie nouvelle possédant des connaissances technologiques et organisationnelles a pris le pas sur les détenteurs de capitaux et à voir l'insolence des GAFA d'aujourd'hui (Google, Apple, Facebook, Amazon), nous ne sommes pas loin d'y souscrire. Désormais, nous en sommes au point où en Amérique, un électeur plus un autre électeur ne forme plus un corps électoral tant les algorithmes du numérique sont en constantes propositions de consommations suggérées de nos orientations les plus intimes jusqu'à orienter les comportements des votants.
Que dit notre bureaucratie sur elle-même ?
Qu'en est-il en Algérie ? De quelles références notre superstructure se réclame-t-elle ? Il est un fait historique que dans notre pays, la superstructure fait d'abord allégeance à une «militaro structure», issue de l'effort révolutionnaire des masses populaires pour se doter de ses propres ordonnancements, dans un effort de lutte anticolonial héroïque. C'est la bureaucratie naissante et salvatrice de l'ALN qui nous a permis de déployer durant une vingtaine d'années les logiques matricielles fécondes de l'édification d'un Etat préoccupé essentiellement par sa survie face à des forces néocoloniales qui n'ont pas abdiqué de nous voir échouer dans nos organisations souveraines. Notre Etat est donc issu d'une «révolution militaire» qui a posé l'organisation évolutive de son ordre de combat, puis la maîtrise de la rationalité de la technologie militaire et de sa maintenance et bientôt de sa fabrication comme des objectifs impératifs de court, moyen et long terme en renforcements de l'affirmation qui fait sa singularité. En cela la superstructure de notre Etat fut efficacement secondée par d'autres initiatives techniciennes, celles du pétrole et de son exploitation qui, à partir des champs de puits ont, petit à petit, imposé leurs influences sur l'ensemble du corps administratif, économique, social et jusqu'aux militaires dans un rapport où les aisances de la rente différentielle prirent le pas non seulement sur toutes les autres logiques mais également sur l'impulsion première de l'Etat militaire organisationnel que nous avons difficilement construit après des décennies de résistances populaires. Aujourd'hui, le formatage spontané de la superstructure en direction du marché façonne toute chose. Il donne sens à la rente des hydrocarbures fossiles faisant de tout une valeur strictement commerciale (et non plus industrielle, agricole, culturelle) que cela soit dans l'essor de ses investissements orientés en priorité en direction de la prospection de plus d'énergies fossiles ou dans son volet redistribution dans la répartition inégale du commerce extérieur et des dividendes qu'il procure à une caste parasitaire. La rente et l'accaparement d'une fraction de ses effets se trouvent au cœur de l'administration centrale profitant... aux directeurs centraux. Du coup la bureaucratie qui s'y développe (c'est-à-dire la règlementation) s'articule autour de ce qui a trait de près ou de loin à la répartition des richesses issue non pas directement de la sphère productive mais du domaine de la redistribution des flux financiers en provenance de la vente des rentes différentielles fossiles. Ainsi naissent des flibustiers de l'industrie dont les affaires florissantes sont directement dépendantes des positions qu'occupent les brigands de la rente au sein de l'administration centrale, en experts dans le captage administratif – par l'intermédiaire des dispositifs législatifs comme le montrent si clairement les affaires en cours de jugement – du ruissellement des pétrodollars. Chaque agent économique ne voit dans le détournement des subventions qu'une opportunité de s'enrichir aux dépens des autres acteurs économiques en complicité de responsables nichés au cœur des administrations civiles, militaires mais aussi politique. Aussi il n'est guère difficile de comprendre que les intégrations économiques vertueuses (verticales en filières industrielles et horizontales en progressions managériales et en connaissances) ne pèsent guère pour réaliser des objectifs supérieurs socio-économiques, puisqu'il suffit de capter les rapports de pouvoir au sein de l'administration centrale pour bénéficier immédiatement d'avantages qui ne sont pas dus à l'ingéniosité et au labeur mais réduits à la capacité à détourner des lignes de crédit bancaires par centaines de millions de dollars en synergie d'entregents intéressés. Nous eûmes le droit aux bus Vanhool de l'Etusa et pas ceux de la SNVI, aux tracteurs Massey Fergusson en lieu et place de nos excellents tracteurs PMA, à l'importation de tubes de transport de gaz d'Italie et certainement pas ceux d'Anabib etc... Nous avions besoin de fabrication de véhicules, nous eûmes le droit à des pneus gonflés.
Repenser le rapport à la rente pétrolière
Aussi changer le positionnement de notre économie revient dans une impulsion initiale à réformer d'abord les structures centrales de l'Etat. Pour y arriver, il est certainement nécessaire de mettre en œuvre des dynamiques transversales, capables de contrer des logiques verticales en déperditions d'intégrations de l'action matérielle en nous appuyant sur des techniques managériales, sur le numérique et sur la connaissance scientifique et technologique des choses. Nous en serons les derniers à en disconvenir. Mais nous n'y arriverons pas si nous n'accompagnons pas cet effort premier par deux prérequis : réformer la fiscalité dans le cadre de normes anti-rentières à établir pour inventer une comptabilité nationale en adéquation avec nos objectifs d'évolutions systémiques anti-rentières, s'appuyer sur les forces sociales qui ont le plus à gagner dans les changements en cours. Ainsi, il est indispensable d'impulser en tout premier lieu une logique anti-rentière à l'ensemble des actions entreprises. Pour ce faire, il serait fructueux d'établir un nouvel étalon de la réforme administrative en l'indexant en quelque sorte à une unité de valeur énergétique et non plus à une évaluation strictement monétaire de la mesure des progrès à réaliser. L'avantage est double. Comme l'unité de valeur énergétique est particulièrement basse dans notre pays, elle permet d'envisager des actions de relèvement de la péréquation énergétique sur le temps long nécessaire aux changements structurels. Par ailleurs elle nous autorise à envisager une autre politique fiscale qui prendra appui sur le renchérissement progressif de l'énergie fossile et la défiscalisation totale des énergies renouvelables donnant ainsi un avantage compétitif important à ceux qui s'engageraient dans l'élévation d'eux-mêmes et de leurs entreprises par les économies d'énergie ou par l'utilisation des énergies alternatives. Les marges de transformations économiques sont énormes et peuvent constituer dans un second lieu, en un laps de temps relativement court (5 ans), des points d'appui de pans entiers de la société mobilisés autour d'une démarche politique d'envergure anti-rentière déterminée et socialement connotée. L'agriculture, de ce point de vue-là, représente un gisement populaire d'une puissance incroyable pourvu que nous sachions intégrer la paysannerie au travail, dans une dynamique agro-énergétique renouvelable, de toute première catégorie comme l'expérience brésilienne nous l'enseigne. Nous possédons les potentiels phoenicicoles pour en apporter l'impulsion initiale. La jeunesse et son potentiel créatif (les start-up forment un secteur où la dépense énergétique est négligeable) est une autre ressource populaire mobilisable contre les forces rentières confortablement assises sur leurs prébendes administratives en attente temporaire d'un redéploiement en réflexe de classe possédante ayant très souvent un pied au sein de l'Etat et un autre en dehors, dans une division des taches limpide de la promotion de ses intérêts exclusifs. La réforme pour réussir ne peut absolument pas se contenter de volontarisme politique. Non seulement elle échouera face au barrage d'une administration rentière mais épuisera ses promoteurs. Il serait préférable de prendre le temps de poser des logiques transversales intégratrices s'appuyant sur des mécanismes institutionnels fiscaux à mettre en place en soutien à une politique économique anti-rentière favorisant les forces populaires les plus sincèrement engagées dans la transition énergétique. Nous verrons alors se construire un rapport de force de nature culturelle et politique, un front anti-rentier nécessaire à la défaite des forces conservatrices qui tentent par tous les moyens de profiter de l'accalmie sociale imposé par la Covid-19 pour mettre en échec un programme présidentiel marqué du sceau de la sincérité.


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