Faut-il revenir aux gestes simples pour apprendre à lire ? Une étude menée auprès de plus d'un millier d'enfants de trois à six ans montre qu'écrire son prénom, repérer des lettres ou jouer avec leurs sons reste plus efficace que les jeux éducatifs, dont l'effet demeure modeste, même en complément. L'apprentissage de la lecture commence bien avant l'école primaire. Et, contrairement à ce que l'on pourrait croire aujourd'hui, ce sont encore les gestes les plus simples qui portent leurs fruits. C'est ce que révèle une étude de l'Université d'Etat du Michigan menée auprès de jeunes enfants. Ecrire son prénom, repérer des lettres dans la rue, associer un signe à un son : ces petites actions du quotidien constituent un socle solide pour initier la jeunesse à l'écriture, bien plus que les applications mobiles et autres supports numériques. Les chercheuses et chercheurs ont précisément suivi 1046 enfants, tous âgés de trois à six ans, dans un Etat du Midwest. La majorité d'entre eux présentait un développement typique, et un peu plus de deux cents avaient un trouble de la parole ou du langage. Trois compétences fondamentales ont ainsi été évaluées : la capacité à nommer les lettres, à associer lettres et sons, et la conscience phonologique, c'est-à-dire la capacité à percevoir la structure sonore des mots, à reconnaître des rimes ou à découper des syllabes. L'écrit, moteur des premiers progrès Pour mesurer l'influence des habitudes familiales, les parents ont également répondu à un questionnaire sur leurs pratiques à la maison. Trois grands types d'activités se dégagent. D'abord, les activités centrées sur l'écrit, c'est-à-dire le travail direct sur les lettres et les mots, comme l'écriture, l'observation de mots sur un emballage ou l'entraînement aux sons. Les parents proposent également à leurs enfants des moments de lecture partagée. Il s'agit par exemple de lire un album à voix haute, d'échanger autour d'un récit ou de se rendre à la bibliothèque. Les jeux de littératie, quant à eux, peuvent être matériels ou numériques, depuis les cartes illustrées jusqu'aux vidéos sur l'alphabet. Les résultats montrent que cette organisation de l'environnement domestique est similaire pour tous les enfants, avec ou sans trouble du langage. Mais leur impact n'est pas identique. Si les activités centrées sur l'écrit restent les plus fiables pour prédire les progrès, la lecture partagée ne montre un effet notable que chez les enfants au développement typique. Les jeux de littératie, pour leur part, sont liés à des performances plus faibles dans les deux groupes. L'importance des gestes simples au quotidien Ces conclusions invitent à repenser certaines habitudes et idées reçues dans nos façons d'aborder l'apprentissage. Car, comme l'ont démontré les spécialistes, posséder plus d'outils éducatifs ne signifie pas nécessairement de meilleurs acquis. Les chercheurs insistent plutôt sur l'importance des pratiques concrètes, en particulier pour les enfants qui rencontrent des difficultés de langage. Les outils numériques peuvent garder une place éducative, mais seulement en complément. À cela, plusieurs explications sont avancées. Toujours selon les experts, certains jeux misent surtout sur l'attrait visuel et sonore, au risque de détourner l'attention de l'apprentissage. Quant aux autres, même s'ils sont bien conçus, ne remplacent tout simplement pas l'interaction directe et la pratique active que l'on retrouve dans l'écriture ou l'observation de l'écrit au quotidien. Observer des lettres sur un panneau, parcourir un menu, encourager l'écriture du prénom ou lire à voix haute sont autant de gestes simples à intégrer au quotidien, car l'apprentissage de la lecture commence aussi à la maison. Pour les enfants présentant des troubles d'apprentissage, l'étude conseille de considérer les jeux comme un soutien ponctuel et de les employer avec parcimonie, en privilégiant des routines axées sur l'écrit.