Mohamed Laghdaf Aoua est le responsable des Communautés sahraouies en Europe. Militant et responsable sahraoui, il est engagé depuis longtemps dans la défense du droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. Il intervient régulièrement dans les mobilisations politiques et citoyennes en Europe et à l'international pour dénoncer l'occupation du Sahara occidental et porter la voix des prisonniers sahraouis, des populations des territoires occupés et des réfugiés vivant dans les camps. Il est aux premiers rangs dans l'action du Front populaire de libération de la Saguia el-Hamra et du Rio de Oro (Front Polisario), reconnu par les Nations unies comme représentant légitime du peuple sahraoui. Mohsen Abdelmoumen : Quelle est votre impression concernant cette mobilisation de la communauté sahraouie ce 10 décembre devant les institutions européennes à Bruxelles ? Mohamed Laghdaf Aoua : La mobilisation d'aujourd'hui, 10 décembre 2025, devant la Commission européenne à Bruxelles constitue l'une des expressions éclatantes du rejet sahraoui de toutes les formes de manœuvres indignes et de complots criminels perpétrés contre le peuple sahraoui et sa cause juste. Cette mobilisation est l'une des formes de dénonciation et de condamnation qui prennent une dynamique ascendante, avec des méthodes variées, depuis tous les espaces et lieux où se trouve le peuple sahraoui en lutte. La mobilisation se poursuit et se poursuivra jusqu'à ce que la voix sahraouie atteigne toutes les tribunes et tous les cercles de décision à travers le monde. Les communautés sahraouies en Europe enregistrent une présence active, consciente et remarquable, tant par le nombre que par la qualité, afin de faire parvenir les voix des détenus et prisonniers civils, ainsi que celles de nos proches réprimés dans les territoires occupés du Sahara occidental. Il en va de même dans les camps de la dignité et de l'honneur, où tous condamnent avec les termes les plus fermes les tentatives de contournement du dispositif de l'arrêt de la Cour de justice européenne du 4/10/2024, qui consacre le droit exclusif et permanent du peuple sahraoui sur ses richesses et ses ressources souterraines et hydriques, ainsi que sur son espace aérien. Que pouvez-vous nous dire concernant les rapports de force actuels et les manœuvres indignes menées par l'occupant marocain ? Notre conviction demeure inébranlable : le conflit entre la force du droit et le droit de la force est un conflit éternel et récurrent dans l'histoire de l'humanité en général, et dans les causes des peuples et des nations en particulier. Cependant, les rapports de force sont façonnés par des facteurs et des circonstances qui se construisent et s'acquièrent, et l'un des éléments les plus déterminants pour les faire pencher est la lutte des peuples et leur détermination à arracher leurs droits. Sans aucun doute, plus de cinquante années de résistance en sont la preuve la plus éloquente. Nous sommes un peuple porteur d'une cause juste et d'un droit certain et manifeste. L'ampleur des coalitions, des complots, de l'oppression et de l'extermination auxquels nous avons été confrontés s'est révélée faible et dérisoire face à notre lutte, notre détermination et notre persévérance. C'est pourquoi nous savons comment rassembler les facteurs de notre force, capables de créer de nouveaux équilibres, imposant une reconsidération de la manière dont nos droits sont traités, en dehors des logiques de marchandages et des services rendus par l'Etat d'occupation marocain vassal. Quelle est votre analyse de la dernière résolution adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies concernant le Sahara occidental ? La dernière résolution du Conseil de sécurité international sur la question sahraouie, adoptée fin octobre 2025, présente des déséquilibres dans sa structure et des hésitations tant dans son préambule que dans son dispositif. Cette situation résulte de la vigueur des débats dans les coulisses et lors des séances du Conseil, en raison de la contradiction entre, d'une part, les cadres juridiques régissant le rôle du Conseil de sécurité, de l'Assemblée générale et des différentes institutions des Nations unies, et, d'autre part, la volonté – et même la pratique – visant à briser ces fondements en introduisant de nouveaux concepts et méthodes consacrant la loi de la jungle, l'imposition de décisions unilatérales et leur soumission aux calculs de profits et de pertes. Ainsi, la force de la cause sahraouie, la clarté de sa justesse et la lutte du peuple sahraoui derrière son représentant, le Front populaire de libération de la Saguia el-Hamra et du Rio de Oro (Front Polisario), avec le soutien des alliés et amis au sein du Conseil de sécurité, au premier rang desquels l'Algérie sœur, ont freiné cette dérive. La prolongation du mandat de la Minurso pour une année supplémentaire constitue une confirmation du principe du référendum comme traduction du droit à l'autodétermination. De même, la mention des deux parties et le maintien de l'ouverture à toutes les propositions de discussion sur la base de l'autodétermination du peuple sahraoui représentent une consolidation du principe de légalité et une protection de ses valeurs contre leur piétinement au sein de cette institution internationale. Mon pays, l'Algérie, a toujours soutenu la cause juste du peuple sahraoui, ainsi que celle du peuple palestinien. Quel est votre message au peuple algérien et à son Gouvernement ? Mon cher frère, quelle que soit l'éloquence des messages, la richesse de leur contenu ou leur ornementation par des mots d'éloge, de reconnaissance et de gratitude, ils ne sauraient exprimer pleinement la profondeur et la valeur de ce que mérite l'Algérie, en tant que peuple, Gouvernement, société civile et forces politiques. L'Algérie ne peut être mieux décrite que par la formule de ce grand leader africain historique qui l'a qualifiée de « Mecque des révolutionnaires ». Une description qui fut, demeure et demeurera juste et authentique, et qui s'enracine toujours davantage dans la conscience de tous les opprimés, des déshérités et des porteurs de causes justes à travers le monde. Les positions de l'Etat algérien sont l'expression fidèle de la Déclaration de la Révolution de Novembre, comme en témoignent clairement ses positions sur la Palestine et le Sahara occidental. Et nous, Sahraouis, rendons grâce à Dieu pour cette géographie qui nous a offert un voisinage riche de toutes les valeurs de générosité et de noblesse : l'Algérie. Entretien réalisé à Bruxelles