Le mercredi 24 décembre 2025, l'Assemblée populaire nationale (APN) algérienne votera la proposition de loi portant sur la criminalisation de la colonisation française en Algérie. Le texte comprend 54 articles et prévoit notamment de qualifier les actions militaires françaises menées contre le peuple algérien de «crimes contre l'humanité». L'occasion pour nous d'apporter les preuves documentaires de ce crime contre l'humanité, rédigées in situ par les protagonistes colonialistes français au cours de la conquête génocidaire de l'Algérie par la France. L'extermination et la déportation préconisées par les conquérants et penseurs français métropolitains En histoire, quelques récits et témoignages directs légués par les principaux acteurs impliqués dans les évènements rapportés par leurs écrits recèlent plus de «trésors historiques» et d'objectivité scientifique que des centaines de livres rédigés postérieurement par des historiens idéologiquement marqués, sur le fondement de la seule lecture d'ouvrages aux paradigmes politiquement orientés, publiés par d'autres historiens assermentés soumis à l'orthodoxie académique étatique. Autrement dit, par les mêmes mandarins universitaires au cerveau ankylosé à force d'étroitesse paradigmatique et de vacuité méthodologique, auteurs de contes de fées historiques, non de faits historiques. Qui mieux que les témoins oculaires ou les observateurs contemporains des tragédies éclairent l'histoire avec leur documentation composée sur le vif, à l'instar du reporter de guerre contemporain qui immortalise les événements avec sa caméra ? La colonisation de l'Algérie a conservé de nombreux précieux documents historiques rédigés par les acteurs de la conquête, les premiers colons, militaires, médecins, penseurs français. Quelques extraits des correspondances et mémoires des acteurs de la première phase de la colonisation suffisent à mesurer l'ampleur des massacres, à discerner la volonté des autorités coloniales françaises d'exterminer la population algérienne, à corroborer la culpabilité de la France génocidaire devant le Tribunal de l'Humanité. Ainsi, ces témoignages attestent de l'étendue des crimes génocidaires commis par les conquérants français, des opérations exterminatrices de la puissance coloniale. Ces différents récits démontrent que, face à la résistance du peuple algérien, l'extermination et la déportation étaient constamment préconisées par l'ensemble des conquérants, notamment par certains penseurs français métropolitains. Dès le début de la conquête, le caractère génocidaire de la colonisation est admis et justifié par l'ensemble des occupants, en particulier le boucher Bugeaud : «Il n'y a pas d'autres moyens d'atteindre et de soumettre ce peuple extraordinaire». Ce faisant, dès les premières années de la conquête de l'Algérie, le caractère barbare du déroulement de la colonisation est reconnu officiellement par une commission parlementaire française en 1834. À cet égard, la politique génocidaire de l'entreprise coloniale s'illustre par la baisse vertigineuse de la démographie. Au lendemain de la capitulation d'Abdelkader en 1847, sur une population algérienne estimée à 3 millions à la veille de la conquête française, il ne reste plus dans le pays que 2 millions d'habitants, soit une chute de plus 33%, décimés par les politiques génocidaires des autorités coloniales françaises, en particulier son armée à la tête de laquelle se hisse la figure hideuse du maréchal Bugeaud et ses criminels acolytes, Cavaignac, Pélissier, Armand de Saint-Arnaud, etc. À la tête de 100.000 hommes, ces militaires génocidaires pratiquèrent la politique de la terre brûlée. Sans conteste, cette politique de la terre brûlée, en particulier les enfumades, constitue un crime contre l'humanité, en vertu des textes des tribunaux de Nuremberg et de Tokyo élaborés par les Alliés pour juger les criminels de l'Allemagne nazie et des autres pays de l'Axe. Autrement dit, du point de vue du droit international, la colonisation de l'Algérie par la France constitue un crime contre l'humanité. Laissons la parole aux acteurs et témoins directs de cette conquête génocidaire française de l'Algérie. Preuve de la politique génocidaire de la conquête française par la prose coloniale Dans la nuit du 6 au 7 avril 1832, la tribu des Ouffia est exterminée près d'El-Harrach par le gouvernement du duc de Rovigo. Voici ce qu'écrit Pellissier de Reynaud, officier et diplomate établi en Algérie au moment de la conquête génocidaire : «Tout ce qui vivait fut voué à la mort ; tout ce qui pouvait être pris fut enlevé, on ne fit aucune distinction d'âge ni de sexe». Cependant l'humanité d'un petit nombre d'officiers sauva quelques femmes et quelques enfants. En revenant de cette funeste expédition, plusieurs de nos cavaliers portaient des têtes au bout de leurs lances et une d'elles servie, dit-on, à un horrible festin». Le commandant Cavaignac, à la tête d'un régiment de Zouaves au début des années 1840, est le premier militaire à inaugurer la méthode de tuerie par asphyxie appelée les «enfumades», préfiguration des chambres à gaz du régime nazi. En effet, pourchassant des résistants réfugiés dans les grottes du Dahra, après l'échec des pourparlers, devant le refus de leur reddition, le commandant Cavaignac ordonne d'enfumer les grottes. Tous les membres de la tribu des Sbéhas, femmes, hommes et enfants, réfugiés à l'intérieur des grottes, meurent asphyxiés. Relatant cette opération d'enfumage, son homologue le général Canrobert écrit : «On pétarada l'entrée de la grotte et on y accumula des fagots de broussailles. Le soir, le feu fut allumé. Le lendemain quelques Sbéahs se présentèrent à l'entrée de la grotte, demandant l'amân(1) à nos postes avancés. Leurs compagnons, les femmes et les enfants étaient morts». Avec la généralisation des « enfumades», en 1845 le maréchal Bugeaud enjoint au colonel Pélissier d'user de cette méthode : «Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, imitez Cavaignac aux Sbeha. Enfumez-les à outrance comme des renards». Chef d'Etat-major de la province d'Oran, le colonel Aimable Pélissier exécute les instructions de Bugeaud en assiégeant un millier d'hommes, de femmes et d'enfants réfugiés dans des grottes du Dahra. Résultat : ils meurent asphyxiés à la suite des «enfumades». Face aux critiques soulevées par certains contre ses massacres, Pélissier rétorque froidement : «La peau d'un seul de mes tambours avait plus de prix que la vie de tous ces misérables». Autrement dit, de tous les Algériens. En fait de cruautés génocidaires perpétrées lors de la conquête d'Algérie, le lieutenant-colonel Armand de Saint-Arnaud se hisse en haut du podium. En juin 1844, dans une correspondance, Armand de Saint-Arnaud expose avec force détails ses méthodes en matière de guerre d'extermination : «Je ne laisserai pas un seul arbre debout dans leurs vergers ni une tête sur les épaules de ces misérables Arabes... Ce sont les ordres que j'ai reçus du général Changarnier et ils seront ponctuellement exécutés. Je brûlerai tout, je les tuerai tous». (A suivre) Khider Mesloub [1] Amân est un terme arabe, « sécurité, sérénité ») utilisé pour désigner la garantie donnée à un adversaire qui se soumet d'avoir la vie sauve, d'être pardonné