La loi criminalisant les crimes coloniaux français a été votée, hier, à l'Assemblée populaire nationale (APN) marquant ainsi une date majeure dans l'histoire politique et mémorielle de l'Algérie qui ouvre la voie aux autres pays africains anciennement colonisés.C'est une commission installée en mars dernier, composée des représentants de tous les groupes parlementaires, reflétant le consensus de tous les courants politiques sur cette question, qui a préparé le projet de loi. Elle a fait appel à toutes les compétences, aux experts et aux juristes intéressés par les questions mémorielles et les crimes commis contre l'Algérie, l'Homme et l'Histoire durant la période 1830-1962. L'Algérie a mis en même temps en œuvre une des recommandations de la Déclaration d'Alger issue de la conférence internationale sur les crimes coloniaux en Afrique, tenue récemment à Alger. L'idée de cette loi criminalisant le colonialisme a été lancée il y a plusieurs années et relancée par le Président Abdelmadjid Tebboune qui a décidé de faire de la question de la Mémoire une priorité pour l'Algérie. Pour Abdelkader Soufi, expert en politique internationale, qui a intervenu, hier matin, à l'émission ''L'invité du jour'' de la Chaîne III de la Radio algérienne, cette loi vise «à établir un cadre juridique clair pour qualifier, reconnaître et condamner les crimes commis par la puissance coloniale française en Algérie entre 1830 et 1962». Il a affirmé que «cette loi, structurée en cinq chapitres, définit pour la première fois de manière exhaustive les crimes perpétrés durant plus de 130 ans de colonisation», ajoutant qu'«elle établit un cadre juridique précis pour des actes commis de 1830 jusqu'à 1962, ce qui constitue une avancée historique», expliquant que la nouveauté essentielle réside dans «la classification détaillée des crimes, incluant désormais des faits longtemps marginalisés ou passés sous silence». Parmi ces crimes figurent, selon lui, «la torture», «les exécutions sommaires», «les massacres de masse», «les enfumades», mais aussi «les kidnappings» et «les viols, des pratiques rarement reconnues dans les textes officiels auparavant». «Cette loi définit tous les types de crimes qui ont été commis et recensés, et leur donne enfin une qualification juridique claire», affirme Abdelkader Soufi, soulignant que «ces actes sont désormais reconnus comme des crimes contre l'humanité, voire comme un génocide, ce qui, selon lui, honore le travail des rédacteurs du texte et celui du Parlement algérien». L'expert estime que cette initiative marque la fin d'une longue période de retenue diplomatique de la part de l'Algérie. «L'Algérie a longtemps été cordiale dans sa relation avec la France, mais le retour n'a jamais été à la hauteur», affirme-t-il. Il rappelle que, depuis 1962, la majorité des Accords conclus ont davantage servi les intérêts français que ceux de l'Algérie. Pour lui, «l'adoption de cette loi intervient dans un contexte charnière où il devenait nécessaire de faire évoluer la position officielle de l'Etat algérien». Un autre volet central du texte concerne l'interdiction de la glorification de la colonisation française. Ce point est considéré par Abdelkader Soufi comme fondamental. «Il n'y a rien à glorifier dans une occupation qui a commis des massacres, torturé des Algériens et pillé les richesses du pays pendant plus de 130 ans», insiste-t-il, estimant que la loi introduit ainsi des dispositions pénales visant toute tentative «de justification» ou «d'exaltation» du colonialisme, notamment dans les discours publics ou médiatiques. Cette mesure vise particulièrement les discours nostalgiques de «l'Algérie française», encore présents dans certains cercles politiques et médiatiques. «Parler des prétendus bienfaits du colonialisme, c'est ignorer qu'il s'est construit sur les corps et le sang des Algériens et des Africains», déclare M. Soufi, rappelant que les infrastructures souvent mises en avant ont été édifiées par une main-d'œuvre exploitée et dans un contexte de violence systémique. La loi aborde également la question cruciale de «la restitution des biens et des archives». Abdelkader Soufi souligne que «de nombreuses archives relatives à la Guerre d'occupation et à la Révolution algérienne sont toujours détenues par la France». «La revendication de la restitution des archives nationales est une exigence concrète et légitime», affirme-t-il. La loi consacre le principe de l'imprescriptibilité des crimes coloniaux.