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Algérie, un Etat arabo-berbéro-musulman (I)
La politique linguistique d'arabisation
Publié dans La Nouvelle République le 30 - 01 - 2011

Les autorités algériennes ont toujours fait comme si les berbérophones n'existaient pas ! Pourtant, les Berbères comptent en Algérie pour près du tiers de la population, soit soit 8,8 millions d'Algériens représentant ainsi 27,4 % de la population (34,8 millions d'habitants en 2008), contre 72 % pour les arabophones. Plusieurs pays, dont le Canada, la Suisse et la Finlande, ont deux langues officielles pour une population minoritaire moindre qu'en Algérie.
L'Algérie a développé et imposé une idéologie arabo-islamique, qui considère que la diversité linguistique est un danger pour l'unité nationale et un germe de division et que seul l'unilinguisme peut être garant de cette unité nationale.
Ainsi, la Charte nationale de 1986, une loi à valeur constitutionnelle, ne mentionne aucunement l'existence du berbère, la «langue nationale» étant uniquement associée à l'arabe, cet arabe étant par ailleurs l'arabe classique, non l'arabe algérien.
Constitution de 1963 [abrogée]
- Article 4 : L'islam est la religion de l'Etat. La République garantit à chacun le respect de ses opinions et de ses croyances et le libre exercice des cultes.
- Article 5 : La langue arabe est la langue nationale et officielle de l'Etat.
Constitution de 1976 [abrogée]
- Article 2 : L'islam est la religion de l'Etat.
- Article 3 : L'arabe est la langue nationale et officielle. L'Etat œuvre à généraliser l'utilisation de la langue nationale au plan officiel.
Constitution du 23 février 1989 [abrogée]
- Article 2 : L'islam est la religion de l'Etat.
- Article 3 : L'arabe est la langue nationale et officielle.
Constitution de 1996 [en vigueur]
- Article 2 : L'islam est la religion de l'Etat.
- Article 3 : L'arabe est la langue nationale et officielle.
- Article 178 : Toute révision constitutionnelle ne peut porter atteinte :
1) au caractère républicain de l'Etat
2) à l'ordre démocratique, basé sur le multipartisme
3) à l'islam en tant que religion de l'Etat
4) à l'arabe comme langue nationale et officielle
5) aux libertés fondamentales, aux droits de l'homme et du citoyen
6) à l'intégrité et à l'unité du territoire national.
La Charte nationale fut adoptée par référendum le 16 janvier 1986, puis reconnue par le décret n° 86-22 du 9 février 1986 relatif à la publication au Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire de la Charte nationale adoptée par référendum du 16 janvier 1986. Comme pour la Charte de 1976, celle de 1986 fut conçue comme une déclaration de principes générale, plutôt que comme un texte établissant des droits et des obligations détaillés. De longs développements sont consacrés aux fondements historiques de la société algérienne, puis aux références idéologiques que sont l'islam et le socialisme. La langue arabe demeurait la seule langue nationale et officielle, alors que les autres langues, forcément des «langues étrangères», n'étaient citées que par des allusions à la mondialisation, à la science et à la technologie. La Constitution de 1976 déclarait que la Charte nationale était la source fondamentale de la politique de la nation et des lois de l'Etat.
A l'époque, la Charte nationale avait même primauté sur la Constitution, du moins selon la technique d'interprétation. Cependant, la Constitution de 1989 (qui a suivi) ne faisait plus aucune allusion à cette charte. Le mot même de charte est disparu, de même que les articles qui y faisaient référence. La seule charte dont il est question est la Charte des Nations unies. La Constitution de 1989 n'a pas formellement abrogé la Charte nationale ; elle se contente de n'en point faire mention. Il en est ainsi de la Constitution de 1996, celle qui est actuellement en vigueur ; le mot charte n'apparaît qu'aux articles 28 et 95 pour faire allusion à la Charte des Nations unies.
Cette politique d'arabisation a entraîné de nombreuses conséquences fâcheuses. Elle a polarisé les différences entre les élites arabophones et les élites francophones que le système d'éducation continue largement de reproduire ; la politique d'arabisation a favorisé l'émergence du nationalisme berbère. L'arabisation et la poursuite de l'arabité ont eu comme corollaire l'islamité.
La religion musulmane avait échappé au colonialisme français et était même devenue le principal pôle de la résistance algérienne. C'est pourquoi les autorités algériennes se sont toujours appuyées sur une politique d'arabisation car celle-ci consacrait la légitimité de l'Etat dont l'islam était le dépositaire. La religion fut ainsi utilisée comme un instrument pour contenir une possible progression des mouvements laïques et démocratiques. En même temps, la religion a favorisé les mouvements extrémistes islamistes et permis d'augmenter leur influence politique jusqu'à menacer le pouvoir en place.
Or, les Kabyles se sont toujours opposés à cet Etat arabo-musulman dans lequel ils sont exclus comme communauté ethnique. Ils ont toujours refusé cette interprétation de l'histoire exclusivement arabo-musulmane et cette conception arabocentrique de la question nationale. A l'époque, Rachid Ali Yahia, alors directeur du journal L'Etoile algérienne, le journal de la Fédération de France du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), expliquait en 1948 ainsi ce point de vue selon lequel l'Algérie devait être algérienne au risque de tomber dans une autre forme d'impérialisme... arabe.
On le sait maintenant : ce n'est pas ce point de vue de la nation algérienne incluant Arabes et Berbères qui a prévalu en Algérie. Les premiers dirigeants, arabophones, ont préféré conserver le pouvoir pour eux plutôt que de le partager avec la minorité berbère. Pour les arabophones de l'époque, l'Algérie devait être arabe et rien d'autre. La notion de «berbérophonie» était perçue comme une pure invention du colonialisme afin de diviser la grande nation arabe. Il faut comprendre que la communauté majoritaire du pays est arabophone et musulmane et qu'elle ne peut s'opposer à l'arabisation et à sa dimension islamique. Le problème, c'est que l'arabisation se fait sur le dos des citoyens algériens de langue berbère. Dans un Etat démocratique moderne, l'arabisation devrait s'accompagner aussi d'une berbérisation de façon à favoriser tous les Algériens. Dans le cas contraire, c'est un peu la dictature de la majorité.
Le Parlement algérien a adopté, il est vrai, en avril 2002, à l'unanimité, une modification constitutionnelle instituant le berbère comme «langue nationale». Ce geste historique est intervenu à l'approche des élections législatives, alors que le climat tendu par les manifestations et les revendications remettait en cause l'autorité de l'Etat en Kabylie. Quoi qu'il en soit, le statut de l'arabe n'a pas changé, car cette langue conserve son statut de prééminence puisque tamazight n'est qu'une «langue nationale», non une «langue officielle», que l'Etat s'engage à promouvoir, mais non pas à utiliser, contrairement à l'arabe. Compte tenu de l'attachement à l'arabité et de l'antiberbérisme ancrés dans la culture algérienne, tant de la part des autorités politiques que des forces armées, la recherche d'une solution risque d'emprunter la voie de la confrontation plutôt que celle du compromis, au mieux celle de l'évitement qui consiste à temporiser par des mesures symboliques et des promesses non tenues. Au lendemain de l'indépendance, le FLN, parti au pouvoir, a entraîné les Algériens dans le rêve du pays indépendant qui devait apporter le bonheur à tous, tout en réduisant la part berbère au minimum, ce qui a eu comme conséquence de réduire les perspectives d'une Algérie démocratique et moderne. Le véritable problème, c'est que l'idéologie officielle insiste encore sur la supériorité de l'arabe classique et de la culture arabo-musulmane sur la «culture algérienne» véhiculée essentiellement par l'arabe algérien et le berbère.
La législation et le statut de l'arabe
L'article 3 de la Constitution de février 1989 stipulait que «l'arabe est la langue nationale et officielle». C'était la seule disposition constitutionnelle concernant cette langue, mais elle permettait la poursuite légitime de la politique d'arabisation. La Constitution de 1989 a été modifiée le 28 novembre 1996 lors d'un référendum et est entrée en vigueur le 7 décembre 1996. La Constitution de 1996 commence par un long préambule dont un passage fait mention de l'amazighité (la civilisation berbère) comme une des «composantes fondamentales» de l'identité algérienne avec «l'islam et l'arabité».
Cependant, tamazight n'a pas le même statut que l'arabe. Si l'arabe est une langue officielle, ce n'est pas le cas de tamazight qui n'est qu'une langue nationale. Ces statuts de «langue officielle» et de «langue nationale» ne sont pas définis dans la Constitution, mais il est certain que la langue officielle est nécessairement employée par l'Etat, alors que la langue nationale ne doit être qu'encouragée, l'Etat ne s'engageant qu'à œuvrer à sa promotion et à son développement dans toutes ses variétés linguistiques en usage sur le territoire national. Autrement dit, l'Etat algérien ne peut plus, du moins ouvertement, combattre tamazight.
L'article 29 de la Constitution pourrait à la rigueur contribuer à protéger les citoyens berbères, puisqu'il déclare que tous les Algériens jouissent d'une égalité juridique:
- Article 29
Les citoyens sont égaux devant la loi, sans que ne puisse prévaloir aucune discrimination pour cause de naissance, de race, de sexe, d'opinion ou de toute autre condition ou circonstance personnelle ou sociale. Par ailleurs, la Constitution de 1996 a donné plus de pouvoir au Conseil des ministres et au président qui nomme partiellement le Conseil national (Sénat), ce qui permet ainsi de réduire l'influence de l'opposition et prive le peuple algérien d'une représentation démocratique au sein de cette assemblée. Enfin, on pourrait se demander à quelle sorte d'«arabe» on fait référence dans la Constitution. Est-ce l'arabe coranique ou l'arabe algérien ?
Il semble bien que cette ambiguïté ait été voulue car elle permet de jouer sur deux tableaux : un arabe à peu près inconnu du peuple lui-même et essentiellement symbolique et un arabe algérien parlé par tous mais non reconnu officiellement. En cas de problème, il serait toujours temps de se rabattre sur la «langue du peuple», mais jusqu'ici l'Etat algérien arabo-musulman a su jouer habilement sur cet ambiguïté en misant tout sur l'arabe coranique (classique).
La politique d'arabisation
Compte tenu de l'histoire algérienne et des réactions antifrançaises qui se sont manifestées, le statut juridique de l'arabe a été plus nettement défini qu'en Tunisie et au Maroc. Il faut, à ce sujet, noter qu'au lendemain de l'indépendance l'administration publique du pays était restée totalement francisée.
Les 100.000 fonctionnaires algériens formés par la France constituaient une redoutable force de résistance à l'arabisation, mais le régime algérien ne pouvait pas se passer de ses fonctionnaires. Il a donc fallu composer avec ces derniers et procéder par étapes car les fonctionnaires tendaient à s'opposer à la transformation de l'administration coloniale en celle d'un Etat arabo-musulman.
Une trentaine de lois ayant trait à l'arabisation auraient été adoptées, mais aucune ne semble avoir été intégralement respectée. De façon plus particulière, on peut citer le décret du 22 mai 1964 portant sur l'arabisation de l'administration, les ordonnances n° 66-154 et n° 66-155 du 8 juin 1966 sur la justice, l'ordonnance du 26 avril 1968 sur la connaissance obligatoire de l'arabe pour les fonctionnaires, la circulaire du ministère de l'Intérieur de juillet 1976 sur l'affichage, la nouvelle loi n° 05-91 sur la généralisation de l'utilisation de la langue arabe, promulguée le 16 janvier 1991 (adoptée le 27 décembre 1990) et l'ordonnance n° 96-30 du 21 décembre 1996, qui vient modifier quelques articles de la loi n° 05-91 et la «compléter».
Cependant, la loi portant généralisation de l'utilisation de la langue arabe, qui a été promulguée le 16 janvier 1991, fut «gelée» en 1992, puis réactivée le 17 décembre 1996, mais mise en vigueur seulement le 5 juillet 1998.
Mohamed Lyès


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