Les récentes affaires de corruption révélées suite aux enquêtes effectuées par le DRS et impliquant de hauts fonctionnaires de l'Etat pour celles concernant les départements de la pêche et des travaux publics, et les principaux cadres dirigeants pour celle de Sonatrach, ne seront pas les seules à alimenter le fond des discussions de la rue et des cercles d'opinion plus restreints. D'autres scandales vont être portés à la connaissance du public. Du moins si l'on en croit ce qu'écrivent des confrères qui ont rapporté que d'autres enquêtes sont en cours ou en voie d'être engagées tant par le DRS que par l'IGF dans d'autres secteurs. Si l'information se confirme, cela voudrait dire que l'opération anticorruption déclenchée ne serait ni ponctuelle ni limitée à des cas précis, dont le ciblage est pour l'heure perçu pour avoir fait partie d'une stratégie de déstabilisation menée par un clan du pouvoir contre un autre. L'opinion publique, abreuvée de rumeurs sur une lutte de pouvoir qui aurait lieu au sommet du régime, se montre en tout cas sceptique, pour ne pas dire plus, sur les véritables raisons derrière les déballages déjà faits et ceux à venir. Elle l'est d'autant plus que le pouvoir, qui est censé avoir lancé «l'opération anticorruption», ne semble pas vouloir l'assumer et s'enferme dans le mutisme, alors que les plus extraordinaires spéculations circulent sur ses prétendus tenants et aboutissants. La plus singulière créditant, à travers la multiplication de scandales de corruption mettant en cause le haut niveau du personnel dirigeant de l'Etat et de grandes entreprises, la mise en oeuvre d'un scénario visant à mettre Bouteflika en situation de démissionner. Cette lecture et ce qui se passe dans le pays sous couvert de lutte contre la corruption sont étayés par ceux qui la développent avec l'argument que les enquêtes menées ou à venir concernent des institutions et des milieux peuplés de proches du Président. Ce qui leur permet d'affirmer alors que l'ouverture de ces enquêtes échappe à la décision présidentielle et que Bouteflika est mis ainsi devant un fait accompli par les services de sécurité avec lesquels il serait en lutte ouverte depuis des mois. Son silence serait, selon cette même thèse, l'aveu de cette réalité. Toujours selon celle-ci, Bouteflika, qui a promis que la lutte contre la corruption serait l'une des grandes priorités de son troisième mandat, ne peut que laisser faire ces enquêtes, même si elles sont dirigées contre des proches ou des gens de son entourage. En somme, l'on serait devant un scénario ressemblant à celui qui a été monté pour pousser Liamine Zeroual vers la sortie à la fin des années 90. A supposer qu'il en soit ainsi, il n'est pas certain que Bouteflika réagisse et agisse comme l'a fait son prédécesseur, à savoir claquer la porte. La seule certitude qu'ont les Algériens est que leur pays va mal, qu'il ne suffit pas «d'opérations mains propres» aux objectifs obscurs, même quand ils sont présentés comme ceux de la lutte anticorruption, pour le sortir de l'impasse où il est. Son problème est celui d'un système à bout de souffle et qui, malgré cela, persiste à se pérenniser au prix de fausses solutions qui ne font qu'enfoncer la nation chaque fois plus gravement encore.