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Lise au pays des merveilles
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 05 - 05 - 2010

Chère Françoise, depuis que je vis en Algérie, je note tout ce que je vois et tout ce que j'entends, scrupuleusement, avidement, je ne rate pas une miette de la vie ensoleillée, bizarre et pittoresque qui grouille et bourdonne autour de moi. Les sens pepétuellement à l'affût, le moindre objet, le moindre bruit, allèche ma curiosité, la fait saliver abondamment, la fait haleter de fièvre.
Alors, je me jette sur monstylo et consigne l'évènement. J'en ai ainsi bourré de notes deux gros cahiers à spirale. C'est te dire qu'ici, j'ignore ce qu'est l'ennui, mes journées sont bien remplies ! Ce n'est pas comme en France, où une grisaille poisseuse et épaisse m'enveloppait de temps à autre, faisant moisir mes os et ma chair pendant des semaines entières, entraînant ma tête vers les grottes humides où chantent les voix qui appellent à la mort.
Mais comment quelqu'un pourrait-il s'ennuyer dans ce foisonnement d'images, de bruits et d'odeurs, dans ce fantastique bric-à-brac trépidant dans lequel je vis maintenant, qui n'en finit pas de me surprendre, qui n'en finit pas de me fasciner ? Car chaque instant m'apporte dans ses flancs son lot de nouveautés qu'il étale devant mes yeux généreusement comme pour me séduire ! Ah ! Françoise, je prie Dieu, le Clément, le Miséricordieux, de mettre sur ton chemin un Algérien, comme Farid mon mari, qui te proposera le mariage ! Mais il faut que tu te convertisses à l'Islam le plus tôt possible ! Ne perds pas une minute, Françoise ! Car les hommes de ce pays sont éblouis par les étrangères à la peau blanche qui adoptent leur religion ! Ce n'est pas de l'amour qu'ils ressentent à leur égard, c'est de la vénération ! Presse-toi !
Pour te faire baver de jalousie et te pousser à te dénicher au plus vite un époux algérien, un beau brun moustachu, petit et léger, délicieusement inexpérimenté et maladroit, qui perd les pédales avant de monter sur le vélo, je vais t'entretenir d'un des traits de caractère qui font ces gens insolites !
Ma chère Françoise, dans la culture de mon mari, la flatterie occupe une place de choix. Je sais que tu vas m'accuser d'exagération, je vois d'ici poindre sur tes lèvres cette grimace dubitative avec laquelle tu as l'habitude d'accueillir mes propos, mais je l'écrirai quand même, j'affirmerai que pour un Algérien, être régulièrement caressé dans le sens du poil est un besoin peut-être plus vital que celui de se nourrir ou de respirer. Pour te dire la chose d'une autre manière, les enfants de ce peuple sont capables de supporter toutes les misères que tu pourrais imaginer, mais ils ne survivraient pas une seconde à un manque de flatteries.
Depuis que je suis ici, je les vois tous les jours aller et venir, discuter et rire, dans des espaces encerclés de tas d'ordures puantes, zébrés de sachets en plastique de toutes les couleurs, de mouches harceleuses, de chiens qui errent la gueule ruisselante de salive, de motos et de véhicules montés par des fous à ligoter, sans la moindre trace de gêne ou de désapprobation sur le visage. Mais, jusqu'à maintenant, je ne crois pas avoir vu autour de moi quelqu'un parmi eux vivre plus de deux jours sans cajoleries. Pourtant, je te le répète encore une fois, la rigueur avec laquelle je les observe ferait pâlir de jalousie un flic chevronné.
Ma chère Françoise, généralement, lorsqu'ils se rencontrent, après de longues embrassades enflammées, les Algériens s'échangent des flatteries. C'est un spectacle inoubliable ! Tu décèles alors sur leur visage les frémissements délicieux qui inondent leur chair. Ils jouissent, ils se régalent comme lorsqu'ils mangent un plat de couscous à l'agneau ou dégustent des gateaux ruisselant de miel.
Ma chère Françoise, à l'Algérien, tu peux faire avaler les flatteries les plus volumineuses que tu souhaites. En cela, il rappelle la gueule d'un serpent qui peut s'ouvrir très largement et avaler une proie de taille phénoménale. Glouton, il t'en redemandera, non pas avec des paroles, il est timide, mais avec des yeux humides et grouillants de prières, des joues ramollies, la lèvre inférieure pendante, il te fera comprendre qu'il désire que ta langue ne s'arrête jamais de le goinfrer de ces gentillesses sucrées. Mais à aucun moment, mais jamais, tu ne verras apparaître dans ses yeux les étincelles du soupçon. Ce n'est pas comme en France où tes paroles sont examinées au microscope, où tu ne peux jamais prononcer un mot sans faire grimacer ton interlocuteur ! Oh ! Françoise ! je suis arrivé à la conclusion qu'un escroc étranger pourrait transformer ces innocents en esclaves dévoués, rampant devant ses pieds voluptueusement. Il lui suffira de les flatter. Car la flatterie est pour un Algérien ce que le virus du sida est pour le corps humain : elle détruit son système défensif. Il n'est alors que consentement, il ne sait plus refuser, il s'ouvre à tes demandes, et tu peux faire de lui ce que tu désires. Docile comme un bélier apprivoisé, il te précédera en sautillant de joie sur le chemin qui conduit à l'abattoir, dans la main le couteau avec lequel tu comptes lui trancher la gorge. Encore une fois, le doute tortille tes lèvres et plisse tes yeux ! Tu exiges des preuves ! Très bien ! Voici alors comment j'ai abouti à ce résultat.
Dans certaines circonstances, la femme se doit d'employer la flatterie pour obtenir de son mari l'objet de son désir. Par exemple, lorsqu'elle a envie d'aller papoter avec une voisine, ou sortir en ville faire un tour et lécher les vitrines. C'est qu'elle a appris, étant encore jeune fille, qu'un époux Algérien répond presque toujours par un non à une demande directe. Car, dans la culture de Farid, dire oui aussitôt fait partie des signes qui caractérisent un homme que sa femme mène par les oreilles. Dire non est un signe de virilité. Comme les moustaches. En vérité, c'est plus compliqué que ça, c'est plus profond : j'ai découvert que l'homme, avant d'accorder la permission à son épouse, attend d'elle une poignée de succulentes flatteries. Evidemment, la femme sait cela. C'est un rituel sacré.
C'est pourquoi, afin d'obtenir de son mari ce qu'elle désire, elle procède comme le renard du conte chantant le plumage du corbeau qui tenait en son bec un fromage, elle commence par le flatter.
S'il s'agit d'une femme au foyer, elle préludera par exemple ainsi : «Les hommes de ce pays ne sont plus ce qu'ils étaient jadis ! Quand le fouet sifflait sans répit aux longues oreilles des femmes à longueur de journée ! Maintenant, elles sillonnent les rues sans retenue, parfois dans des tenues qui te donnent l'impression de vivre dans un pays étranger ! Bientôt, ces dévergondées se promeneront complètement nues dans la rue ! Où sont les hommes de naguère ? Où sont-ils ? Ah ! si je pouvais rester tranquillement dans mon foyer ! Mais les obligations, les devoirs qui nous sont imposés, nous poussent violemment vers ces rues peuplées de barbares ! Et je ne peux quand même pas te demander de tout faire !...»
Si par contre, il s'agit d'une femme qui travaille, elle lui racontera par exemple qu'une de ses amies lui a dit un jour : « Tu as de la chance ma sœur, tu as épousé un bel homme. Dis-moi où as-tu déniché ce beau gosse ? Surveille-le bien ! je pourrais te le choper un jour ! » Il te faut bien remarquer qu'elle attribue le compliment à une amie. En effet, l'Algérien se méfie des paroles mielleuses qui appartiennent à son épouse, mais adore celles qui proviennent de la bouche des voisines, des amies ou des collègues de celle-ci. Cependant, quelques jours après avoir obtenu l'autorisation, l'angoisse s'empare de l'épouse qui n'oublie pas de revenir sur le sujet pour effacer tous les fantasmes dangereux qu'aurait produits entre-temps l'imagination de son mari : «Au fait, mon amie s'est trompée, il ne s'agissait pas de toi. Comme elle porte des verres, elle t'a confondu avec une autre personne.» Car l'Algérien fantasme sans trêve, ma chère Françoise ! C'est une machine qui n'arrête pas de fabriquer des images. Un Algérien qui ne rêve pas tout le temps est comme un dinosaure, il n'existe pas. Comme la flatterie, les fantasmes font partie de la culture du peuple de mon mari. Je t'en parlerai un jour. J'ai pris sur le sujet des dizaines de notes.
Mais il n'y a pas que les couples, Françoise, qui respectent le rituel de la flatterie. Farid m'a raconté que, dès qu'un Algérien est nommé à un poste de responsabilité, tous les subalternes doivent accourir, pour le submerger de câlineries ! La cérémonie se divise en deux étapes.
Dans un premier temps, les subalternes doivent dénigrer tout ce qui a été fait par le prédécesseur. Il faut noircir le tableau sans lésiner. Ce qui ne veut nullement dire que c'est la vérité ! C'est la tradition qui veut ça. Après quoi les langues s'occupent de la viande du nouveau patron. C'est un besoin qui doit être satisfait quotidiennement ! Farid m'a longuement expliqué que flatter un chef est un devoir à ne pas confondre avec la flagornerie ! Il m'a dit : «Dans notre culture, pour qu'il puisse s'adonner convenablement à ses devoirs de responsable, un chef doit être flatté. Même lorsqu'il s'agit d'un type médiocre, le devoir exige de nous de lui masser son amour-propre ! Les étrangers ne comprennent pas ce rituel, et nous jugent avec les lunettes de leurs propres coutumes. Mais Dieu merci, de plus en plus de femmes étrangères se convertissent à l'Islam ! Elles seront les porte-parole de notre civilisation ! Au fait, Françoise s'est-elle décidée ?»
Mais il est temps maintenant, Françoise, que j'arrête ce flot de paroles qui jaillit de mon gosier ! J'aurais aimé te parler encore des Algériens et de la flatterie, mais mon mari me demande. De temps à autre, il me demande de lui parler en Français ! Il adore m'entendre gazouiller en notre langue ! Ses yeux s'illuminent, son visage s'épanouit, et il murmure : « Encore, Lise, encore ! Je t'en supplie ! ne t'arrête pas ! Continue! Oh ! oui ! Oh ! oui ! Ce ne sont pas des paroles qui sortent de tes lèvres, ce sont des merveilles ! Oh ! Mon Dieu ! Quelle délicieuse langue !»


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