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Sidi le Président
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 24 - 11 - 2011

Sidi le Président, quand votre doigt béni appuiera sur le bouton du magnétophone, si la chose est sur le chemin de mon destin, c'est ma voix qui sortira du ventre de votre appareil.
Je m'appelle Behhardound znaguih, et comme le déclarent les sons qui composent mon nom, je suis un citoyen algérien depuis le premier hurlement que j'ai poussé entre les mains expertes de Fatna, cette infatigable accoucheuse qui courait de maison en maison, sans interruption, enveloppée dans un voile délavé et usé, pour délivrer les femmes formidablement fécondes de Benhchichat, mon village natal, Sidi le Président. Les nuits étaient alors percées de vagissements aigus jusqu'aux premières lueurs de l'aube. Alarmés, les chiens et les chats poussaient des lamentations lugubres, les museaux pointés vers les étoiles. Car chaque matin apportait sa fournée de bébés qui bientôt envahissaient la rue, pleurards, gueulards, enfiévrés, pleins d'énergie, les mains armées de pierres et de bâtons, traquant les innombrables bêtes poilues qui vivent parmi nous. Où sont les femmes de jadis, Sidi le Président ?
Mais la nostalgie a entraîné ma langue loin de ce que je désire vous confier, Sidi le Président. Cependant, je voudrais auparavant vous supplier de me pardonner une tare que je suis condamné à subir jusqu'à la fin de mon existence sur la terre. C'est que, par moments, je suis obligé de me racler fortement la gorge afin de la débarrasser de la pâte visqueuse qui s'y accumule de temps à autre et transforme mes paroles en coassement. J'implore à genoux l'indulgence de vos oreilles sacrées, Sidi le Président.
C'est le tabac qui est la cause de cette poix, m'a informé le médecin, il vous tuera si vous ne cessez pas immédiatement de fumer, a-t-il ajouté en pointant sur ma poitrine un doigt et des yeux funestes. Terrifié, j'ai piétiné mon paquet de cigarettes sur le seuil de son cabinet comme on piétine un scorpion. Mais trois jours après, quelque chose s'est détraqué dans ma tête et j'ai commencé à extravaguer.
C'est ainsi que j'ai fourré notre malheureux chat dans un sac que j'ai vidé en catimini dans un chantier où travaillent exclusivement des Chinois. Ces petites créatures aux yeux bridés et à l'estomac bizarre ne l'ont pas raté, puisqu'il n'est jamais revenu à la maison. Des regrets acides brûlent encore ma conscience, Sidi le Président.
Encore pire, j'ai failli fracasser la tête de mon épouse avec la louche qu'elle venait d'employer pour me servir une assiettée de lentilles, l'accusant de n'avoir pas convenablement salé et pimenté le potage. La pauvre femme s'est retrouvée avec un pansement autour d'un crâne complètement rasé à la place du foulard qu'elle noue habituellement autour de ses cheveux teints au henné. Elle a pleuré ses mèches flamboyantes pendant des mois, la malheureuse. Ce souvenir me broie encore le cœur, Sidi le Président.
Mais c'est surtout lorsque je me suis aperçu qu'un dégoût haineux envahissait mon cœur à la vue de Moussa mon fils que j'ai pris peur. Ce garçon, je ne l'ai jamais beaucoup blairé, je l'avoue, Sidi le Président. Son nez tordu m'a toujours pour ainsi perturbé. Dès que mon regard tombe sur cet organe, mes nerfs se mettent à crisser et j'éprouve un besoin cuisant de faire du mal. En plus, cette créature de Dieu ne se contente pas d'avoir sur le museau un pif qui pousse vers le crime : elle renifle sans arrêt.
Alors, craignant de lui tordre le cou, j'ai galopé vers une boutique et je me suis acheté deux paquets de cigarettes. Après mûre réflexion, j'ai choisi d'empoisonner mes poumons, plutôt que de devenir un assassin. Sidi le Président, vous m'approuvez, je n'en doute pas un instant.
D'un autre côté, pour vous dire toute la vérité, je vous avoue que le tabac m'est aussi indispensable que ma mère. Sidi le Président, il y a neuf choses dont la pénurie pourrait m'esquinter le cerveau : la pomme de terre, l'huile, le sel, le pain, le café, la cigarette, le sucre, la limonade et la télévision. D'ailleurs, je ne suis pas le seul à le penser. Ils sont très nombreux ceux qui sont de mon avis. Nous en parlons chaque jour ici. Comme certainement partout dans la patrie. Mais ce n'est pas du tout pour vous parler de moi-même que j'enregistre ma voix dans cette machine que m'a prêtée Mankour notre député. Je me suis oublié, vous étalant ma petite vie calme et paisible, sans un grain de pudeur. En vérité, c'est au sujet d'autres citoyens que je désire vous entretenir, Sidi le Président.
C'est Mankour notre député qui a eu cette idée. « Tu sais parler, m'a-t-il dit. Ta bouche ne ruisselle pas de sottises gorgées de haine et de bruits comme celles des autres. Dans ce village qui rappelle une immense menuiserie, tu es le seul qui possède une langue digne d'être appelée une langue au lieu d'une scie rouillée. Tu n'es pas fait pour gâcher cette bouche divine parmi ces idiots grinçants. Mais je vais m'occuper de toi. C'est mon rôle d'élu. J'ai pensé à quelque chose qui va t'ouvrir les portes de la capitale. J'en ai parlé longuement avec ta fille. L'idée la fait bondir de joie. Elle s'est mise à pleurer. Elle est très sensible.
Ecoute-moi. Je vais te prêter un magnétophone pour que tu puisses enregistrer ta voix. Choisis un sujet qui te tient à cœur et raconte le dans une cassette. Je la remettrai au Président de la République en personne. Il sera ravi d'entendre une voix humaine et vivante comme la tienne. Ça lui fera oublier pour un moment les chiffres que produisent à flots bouillonnants les ministres algériens. »
J'ai accepté, Sidi le Président. Je n'ai pas hésité une seconde, je me suis enfermé dans une pièce et j'ai mis la machine en marche. Aussitôt, c'est à Miloud qui est enfermé en ce moment dans un hôpital de fous que j'ai pensé. C'est de lui que je vais vous parler. Voici ce qui s'est passé, que Dieu vous protège.
Le pauvre Miloud vivait tranquillement du produit de son épicerie, consommant les jours que Dieu lui a destinés, lorsque, brusquement, il s'est mis à déconner. Jamais on n'a vu chose pareille à Benhchichat. Un diable a pénétré dans sa tête qui s'est mis à lui chuchote des idées extravagantes. L'autre jour, pour vous donner un exemple, il est entré dans un bain public réservé aux femmes. Ce fut la panique. Le bain s'est transformé en un poulailler rempli de femelles jacassant à tue-tête. L'épouse de Kouider le maçon gît en ce moment sur un lit d'hôpital. En fuyant l'homme qui a surgi devant elle, la malheureuse a glissé sur un morceau de savon.
On dit que son squelette est dans un état lamentable. Ma sœur Yamina, qui a assisté au malheur, m'a raconté qu'elle l'a vue s'élever dans les airs à plus de dix mètres du sol. C'est l'épaisse graisse qui enrobe son corps qui a prolongé sa vie, m'a-t-elle affirmé. Si c'était ta femme, a-t-elle ajouté avec un rictus jaune sur les lèvres, elle serait en ce moment dans la tombe avec des côtes plantées profondément dans les poumons et le coeur.
C'est vrai que mon épouse est très maigre, Sidi le Président. On dirait que son estomac est un nid rempli de bêtes qui dévorent tout ce qu'elle bouffe. Ses os jaillissent de son corps comme les piquants d'un hérisson. Pas une robe n'a échappé à ces épines. Pourtant ma mère a tout essayé pour l'engraisser. En vain. Au fil des années, au lieu de s'arrondir, mon épouse s'aiguisait. Mais que peut-on contre son destin ? Aucun homme, Sidi le Président, ne peut prétendre avoir été aussi patient que moi. Aujourd'hui, je suis capable de dormir profondément sur un lit de feuilles de figuier de Barbarie.
Pauvre Miloud ! Après ce scandale, il a continué à vivre parmi nous comme si rien ne s'était passé. Bavardant, riant, serrant des mains, travaillant, priant. Le connaissant, nous avons compris que c'était là un signe de folie et qu'il fallait nous attendre au pire dans les jours qui venaient. Nous avons eu raison. Cette fois-ci, c'est dans un lycée qu'il est allé créer la zizanie. Il a traumatisé plus de trente adolescentes. Les médecins qui s'occupent de la tête tentent désespérément de leur faire oublier ce qu'elles ont vu. On dit qu'elles n'arrêtent pas de trembler. Un enseignant qui lit beaucoup nous a dit qu'il leur est arrivé ce qui arrive à quelqu'un qui s'attend à une chose et qui se retrouve devant une autre. Mais ce n'est pas tout ! Une enseignante célibataire qui était présente est tombée gravement malade. Ma sœur Yamina, qui est allée la visiter, m'a rapporté que la pauvre avait les yeux de quelqu'un qui est fasciné par quelque chose, et qu'elle pousse de temps à autre un long soupir qui déchire le coeur.
Mais il est temps de vous laisser travailler, Sidi le Président. La patrie vous attend. Je suis un incorrigible bavard. Cependant avant d'arrêter cette machine, j'ai quelque chose à vous demander. Il s'agit de Mankour notre député. Je voudrais faire quelque chose pour cet homme qui n'a pas hésité une seconde quand j'ai eu besoin de son aide. En effet, c'est lui qui a dégoté un boulot pour ma fille Latifa. Elle est obligée parfois à s'absenter pendant des jours, mais elle adore son travail. C'est ma préférée. Nous nous entendons bien. Elle me fait oublier le nez biscornu de Moussa mon fils, celui dont je vous parlé tout à l'heure, le renifleur, Sidi le Président. J'ai subitement envie de fumer, mais je fumerai quand je vous aurai exposé ma demande.
Sidi le Président, la maladie bizarre qui a détraqué le cerveau de Miloud, qui nous dit qu'elle ne frappera pas ailleurs ? Bien sûr, c'est Dieu qui décide, mais je veux dire que personne n'est à l'abri de ce malheur, que le Seigneur vous protège. Je ne le souhaite pas, mais elle pourrait par exemple attaquer un ministre. Ils sont là-bas depuis trop longtemps. Les chiffres, c'est très mauvais pour la tête. N'oublions pas que Miloud était un épicier. Mais il ne faut pas attendre que ça arrive. Un ministre pourrait brusquement se mettre à imiter Miloud devant des étrangers et des étrangères. Je ne parle pas des Chefs arabes qui sont nos frères. Je parle surtout des Dames qui viennent de temps à autre pour profiter de notre expérience. Ce serait une catastrophe. Nous n'avons nullement besoin de problèmes. C'est pourquoi il faut songer à un moyen pour les pousser à démissionner. Avant qu'il ne soit trop tard. Il y va de l'avenir de la nation. Il vous faut de nouveaux hommes autour de vous. Comme Mankour notre député…
Sidi le Président, que Dieu prolonge votre vie et que la paix soit sur vous.


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