Agrément du nouvel ambassadeur d'Algérie à Djibouti    Tassili Airlines: la liaison Alger-Paris opérée deux fois par jour à partir du 5 juillet    Ghaza: le bilan de l'agression sioniste s'élève à 34.683 martyrs    La Gendarmerie nationale met en garde contre le phénomène de l'arnaque et de l'escroquerie sur internet    Krikou met en exergue la place importante de la femme au sein du projet institutionnel du Président de la République    Journées internationales du cinéma à Sétif: projection honorifique du film "Tayara Safra" de Hadjer Sebata    Ghaza: plusieurs martyrs et blessés au 212e jour de l'agression sioniste    Natation/Championnats d'Afrique Open: l'Algérie décroche six nouvelles médailles, dont trois en or    Infarctus du myocarde: des artistes prennent part à une opération de sensibilisation et de formation aux premiers secours    Faid appelle les banques à proposer des produits innovants adaptés aux besoins des citoyens    Les médias ont contribué avec force dans la lutte du peuple algérien, avant et pendant la guerre de libération nationale    Le président de la République décide d'assurer la prise en charge médicale de l'artiste Bahia Rachedi et la transférer à l'étranger    Abbas a salué la décision de la République Trinité-et-Tobago de reconnaître l'Etat de Palestine    Unesco : Le Prix Guillermo Cano pour la liberté de la presse décerné aux journalistes palestiniens    Le wali honore la presse locale    Ça se froisse de partout !    Kheireddine Barbari chef de la délégation sportive algérienne aux JO 2024    L'entraîneur demande la résiliation de son contrat    A Monsieur le président de la République    Lettre ouverte Excellence, Monsieur le Président de la République    Pénurie et gaspillage de l'eau    Du nouveau pour la protection des travailleurs !    La kachabia à l'épreuve du temps    Lettre ouverte A Monsieur le Président de la République    L'Organisation nationale des journalistes algériens appelle à poursuivre les efforts pour relever les défis    A Monsieur le président de la République    La CPI déclare que ses activités sont «compromises» par les menaces    La styliste palestinienne, Sineen Kharoub, invitée d'honneur    Hasna El Bacharia inhumée au cimetière de Béchar    Recueillement à la mémoire des martyrs de l'attentat terroriste de l'OAS du 2 mai 1962    Le président de la République appelle à la réforme de l'OCI    Les prochaines présidentielles sont le symbole de la légitimité populaire des institutions et le garant de la stabilité institutionnelle    Grand prix de cyclisme de la ville d'Oran : Nassim Saïdi remporte la 28e édition    Ouverture de la 10e édition du Forum africain de l'investissement et du commerce    AG Ordinaire du Comité olympique et sportif algérien : adoption des bilans et amendement des statuts    Le CNJA salue les réalisations accomplies par le secteur    La protesta estudiantine occidentale face aux lobbies sionistes.    Megaprojet de ferme d'Adrar : « elmal ou Etfer3ine »    ALORS, MESSIEURS LES DIRIGEANTS OCCIDENTAUX : NE POUVEZ-VOUS TOUJOURS PAS VOIR LES SIGNES ANNONCIATEURS DUN GENOCIDE A GAZA ?    Témoignage. Printemps Amazigh. Avril 80    Le Président Tebboune va-t-il briguer un second mandat ?    L'imagination au pouvoir.    Le diktat des autodidactes    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Ils revendiquent la régularisation de la Pension complémentaire de retraite: Sit-in des mutualistes de la Sonatrach devant le siège Aval    Coupe d'afrique des nations - Equipe Nationale : L'Angola en ligne de mire    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



L'ère de la vulnérabilité
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 01 - 11 - 2014

NEW YORK – Deux études récentes démontrent à nouveau toute l'ampleur du problème des inégalités aux Etats-Unis. La première, le rapport annuel sur l'évolution des revenus et de la pauvreté rendu par le Bureau du recensement américain, a démontré qu'en dépit d'une prétendue reprise économique depuis la Grande Récession, les revenus des citoyens américains ordinaires continuaient de stagner. Les revenus médians des ménages, ajustés à l'inflation, demeurent quant à eux en dessous de leur niveau d'il y a 25 ans.
Il a longtemps été considéré que la plus grande force de l'Amérique ne résidait non pas dans sa puissance militaire, mais dans un système économique envié par le monde entier. Mais pourquoi s'agirait-il aujourd'hui pour les autres Etats de reproduire un modèle économique en vertu duquel une large proportion de la population – si ce n'est une majorité – connaît une stagnation de revenus alors même que ceux des plus fortunés grimpent en flèche ?
Une deuxième étude, le rapport 2014 sur le développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement, vient corroborer ces conclusions. Le PNUD publie chaque année un classement des Etats, selon leur indice de développement humain (IDH), qui mobilise diverses dimensions du bien-être au-delà des simples revenus, parmi lesquelles la santé et l'enseignement.
L'Amérique se classe en cinquième position en termes d'IDH, derrière la Norvège, l'Australie, la Suisse et les Pays-Bas. Une fois les inégalités intégrées à ce score, elle perd de nouveau 23 places – une chute parmi les plus vertigineuses pour un pays hautement développé. L'Amérique se retrouve alors en effet derrière la Grèce et la Slovaquie, des pays que l'opinion publique n'a pas pour habitude de considérer comme des modèles, ou comme des concurrents de l'Amérique au plus haut des tableaux.
Le rapport du PNUD se concentre sur un autre aspect de la performance sociétale : la vulnérabilité. Il souligne en effet qu'en dépit de la réussite de nombreux Etats dans l'extraction de nombreux individus de la pauvreté, la vie quotidienne d'un grand nombre de ces personnes demeure précaire. La survenance d'un événement relativement mineur – tel que l'apparition d'une maladie au sein de la famille – serait précisément susceptible de faire replonger celle-ci dans la déchéance. La mobilité descendante constitue ainsi une menace réelle, là où les perspectives de mobilité ascendante demeurent limitées.
Aux Etats-Unis, cette mobilité ascendante constitue davantage un mythe qu'une réalité, tandis que vulnérabilité et mobilité descendante constituent une expérience largement partagée. Ceci s'explique en partie par la nature du système de santé de l'Amérique, qui abandonne encore aujourd'hui les Américains les plus pauvres à une situation précaire, et cela malgré les réformes du président Barack Obama.
Les plus défavorisés flirtent constamment avec la faillite, ainsi qu'avec son lot de répercussions. Maladie, divorce ou perte d'emploi suffisent bien souvent à les y plonger. La loi de 2010 sur la protection des patients et les soins abordables (ou « Obamacare ») avait pour objectif d'atténuer ces menaces – un certain nombre d'indicateurs solides révélant effectivement une réduction prochaine et significative du nombre d'Américains n'étant pas assurés. Néanmoins, et notamment en raison d'une décision de la Cour suprême ainsi que de l'obstination des gouverneurs et parlementaires républicains, qui dans deux douzaines d'Etats américains ont refusé d'étendre le programme Medicaid (assurance santé destinée aux plus défavorisés) – et bien que le gouvernement fédéral prenne en charge la quasi-totalité de la facture – 41 millions d'Américains demeurent privés d'assurance santé. Lorsque l'inégalité économique se transcrit en distorsion politique – ce qui est largement le cas aux Etats-Unis – les gouvernements ne prêtent que peu d'attention aux besoins des moins fortunés.
Ni le PIB, ni l'IDH ne reflètent les changements au cours du temps ou les différences entre les Etats sur le plan de la vulnérabilité. Pour autant, en Amérique et ailleurs, on constate nettement une baisse de la sécurité au sens large. Ceux qui disposent d'un emploi s'inquiètent de leur capacité à le conserver, tandis que ceux qui n'ont pas cette chance redoutent de ne jamais en décrocher.
Le récent ralentissement économique a véritablement saigné la richesse de nombreux individus. Aux Etats-Unis, et même à partir de la reprise du marché boursier, les revenus médians ont chuté de plus de 40% entre 2007 et 2013. Ceci signifie que nombre de personnes âgées et d'approchants de la retraite s'inquiètent aujourd'hui pour leur niveau de vie. Des millions d'Américains ont perdu leur maison ; plus nombreux encore sont les millions d'entre eux confrontés à l'insécurité liée à l'éventualité de perdre un jour la leur. Toutes ces insécurités viennent s'ajouter à celles que connaissent depuis longtemps les Américains. Au sein des quartiers pauvres du pays, des millions de jeunes hispaniques et afro-américains sont confrontées à un risque de disfonctionnement ou de partialité du système policier et judiciaire ; il peut leur suffire de rencontrer la mauvaise humeur d'un officier de police pour se retrouver sans motif derrière les barreaux – ou pire encore.
L'Europe reconnaît traditionnellement l'importance de l'appréhension de cette vulnérabilité, à travers le fonctionnement d'un système de protection sociale. Les Européens ont compris que les meilleurs systèmes de protection sociale pouvaient même permettre d'améliorer la performance économique dans son ensemble, les individus étant davantage disposés à prendre les risques nécessaires à une plus forte croissance économique. En bien des régions d'Europe, un taux de chômage élevé (12% en moyenne, 25% dans les pays les plus affectés), combiné à une érosion de la protection sociale induite par l'austérité, aboutit néanmoins aujourd'hui à une montée sans précédent de la vulnérabilité. Ainsi le déclin du bien-être en société pourrait-il se révéler bien plus grave que ne l'indiquent les mesures conventionnelles du PIB – chiffres d'ores et déjà suffisamment maussades, la plupart des pays enregistrant un revenu réel par habitant (ajusté à l'inflation) inférieur aujourd'hui à celui d'avant-crise – soit un demi-siècle perdu.
Le rapport de la Commission internationale sur la mesure des performances économiques et du progrès social (que je préside) a souligné que le PIB ne constituait pas un bon outil de mesure de la performance d'une économie. Les rapports du Bureau du recensement américain et du PNUD nous rappellent toute l'importance de cet aspect. Beaucoup trop a d'ores et déjà été sacrifié sur l'autel d'un fétichisme autour du PIB.
Indépendamment du rythme de la croissance du PIB, lorsqu'un système économique échoue à conférer un gain à la majorité de ses citoyens, et qu'il voit croître en son sein une population exposée à une insécurité grimpante, il constitue au sens fondamental un système économique en échec. Quant à ces politiques qui, à l'instar de l'austérité, aggravent l'insécurité tout en érodant les revenus les plus faibles et le niveau de vie d'un large pan de la population, elles se révèlent tout aussi défaillantes sur un plan fondamental.
Traduit de l'anglais par Martin Morel
* Prix Nobel d'économie, est professeur à l'Université de Columbia.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.