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A propos de l'ouvrage «Les vies de Mohammed Arkoun», de Sylvie Arkoun : Quand la pensée de Mohammed Arkoun devient audacieuse, critique et libre !
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 15 - 06 - 2015

Quel beau témoignage apporté par Sylvie Arkoun sur son père qu'elle souhaitait profondément connaître dans ses différentes vies, celles du grand penseur critique algérien et de l'homme tourmenté dans sa vie quotidienne, pris dans le beau piège de la dynamique intellectuelle qui accorde une place centrale aux idées.
Sylvie Arkoun ne cessera, depuis 2010, de se documenter et d'accumuler les témoignages des membres de sa famille, des collègues et amis de son père qu'elle n'aura connu qu'aux derniers temps de sa vie, pour nous restituer des pans de ses vies qui lui étaient totalement inconnus. On comprend mieux à présent la trajectoire sociale complexe et riche de l'érudit passionné qui n'a pas cessé de toutes ses forces de questionner les différents dogmes et croyances politco-religieux en Orient et en Occident.
Mohamed Arkoun, le philosophe humaniste, a vécu son enfance dans le village de Taourirt-Mimoun, faisant partie de la tribu des Aït-Yenni, en Kabylie. Il n'a pas cessé, depuis son plus jeune âge, d'être profondément habité par la curiosité intellectuelle sur les différents mondes sociaux et religieux, à tel point que son souhait explicite formulé avec insistance à son père, était celui d'intégrer l'école, le plus rapidement possible, malgré son jeune âge. « En bravant pour une fois l'autorité paternelle, a tapé du pied et répété sur un ton haut et ferme « Papa, je veux aller à l'école. Je veux lire.»
UN CAPITAL CULTUREL PLURIEL
Mohammed Arkoun a connu un nomadisme scolaire nourrissant intellectuellement, lui permettant d'être très tôt confronté à la question du fait religieux, en fréquentant le collège des Pères Blancs d'Aït Larbaa, poursuivant ensuite ses études secondaires auprès de son père, à Aïn el-Arba dans la région d'Oran.
Il va intérioriser durant ses années de scolarité une posture de questionnement sur les mondes qui l'entourent, inculquée par ses différents enseignants passionnés par leur travail de transmission des savoirs dans un contexte où se côtoyaient deux religions, deux langues et trois cultures, lui permettant incontestablement d'accéder à un capital culturel pluriel et critique. Dans ses correspondances avec le père Maurice Borrmans, l'ami de toujours et le confident intellectuel, dont certaines ont été publiées dans l'ouvrage, Mohammed Arkoun reconnaît explicitement sa dette à l'égard de l'enseignement qui lui a été prodigué par les Pères Blancs : « Soyez assuré cependant que les Pères Blancs sont à jamais attachés à ma vie en tant que représentants, parmi d'autres certainement, d'une idéologie élevée et vécue. Tout homme qui réfléchit doit se pencher sur cette idéologie je ne dis pas religion pour amener le débat sur un terrain strictement philosophique, donc susceptible de toucher tous les hommes pour en sonder la valeur et y conformer, le cas échéant, sa vie. » (Correspondance en date du 7 octobre 1954).
Ses années de jeunesse studieuses semblent avoir été décisives dans la construction progressive de sa carrière universitaire brillante menée en France. Loin de se contenter du statut de professeur d'université, il a su avec abnégation et conviction aller au bout de ses idées portées par un savoir pluriel immense qui ne concernait pas uniquement le champ des religions, mais aussi et de façon souvent centrale les sciences sociales. Elles lui apparaissaient comme le phare lui permettant de décrypter de façon distanciée et critique les différentes théologies, et notamment l'islam dans un esprit humaniste. « Il ne défendait pas l'humanisme, il le vivait littéralement ».
LA PRODUCTION D'UNE PENSEE ORIGINALE ET AUDACIEUSE
Dans la préface de l'ouvrage rédigée par Joseph Maïla, co-auteur avec Mohammed Arkoun de l'essai « De Manhattan à Bagdad. Au-delà du bien et du mal », celui-ci indique la formidable constance dans la posture du savant et ce, depuis son jeune âge. « Dès cette époque de jeunesse, il refuse de faire dans les formulations usuelles du dialogue inter-religieux, dans ses syllogismes convenus, dans ces rencontres où chacun se tient dans l'ouverture, se fait accueil de la parole de l'Autre, revêt d'humilité et garde la certitude d'être dans la vérité. Mohammed Arkoun est déjà sans complaisance. Lui, le chercheur d'une vérité essentielle, il ne veut pas sacrifier au rituel des consensus entendus ni aux logiques de la belle concorde ».
Sylvie Arkoun découvre un père qui a de façon viscérale mobilisé toutes ses forces et son énergie dans la production d'une pensée originale, puissante et critique. Il n'a pas hésité pas à s'attaquer de façon frontale, rigoureuse et approfondie aux idées reçues, à une histoire religieuse mystifiée et idéalisée, sans analyse distanciée, se présentant comme la « vérité » racontée par le « gardien de la loi » selon son expression.
Elle met en exergue les dépassements intellectuels opérés et souhaités par son père qui considérait à juste titre qu'on ne pouvait pas comprendre et décrypter l'ordre social, politique ou religieux profondément enchevêtré, qu'en « le déplaçant, le transgressant et le subvertissant », selon ses propres mots. Ce qui fait la force de la posture scientifique de Mohammed Arkoun, c'est le refus de s'inscrire dans un discours convenu, conformiste, faisant l'apologie des forces sociales dominantes. Il n'a pas hésité à embrasser la réalité dans sa complexité, autrement dit dans sa profondeur socio-historique, relevant aussi bien la grandeur de l'islam des lumières du Xe siècle épris de savoirs et d'humanisme, à un islam présent géré dans les espaces politiques, dogmatique et fermé, devenant « le pilier du fameux triangle anthropologique : vérité, sacré et violence ». Il a privilégié avec beaucoup de constance la critique constructive sous-tendue par une érudition socialement reconnue des différents systèmes politico-religieux. Ce qui lui permet d'évoquer les « ignorances institutionnalisées » dans les deux camps aussi bien en Occident qu'en Orient, à propos de l'islam.
UN INTELLECTUEL INDIGNE ET SOLITAIRE
Sylvie Arkoun nous présente son père comme un intellectuel profondément solitaire, indigné et insatisfait. Peut-il en être autrement quand il n'est pas aisé de mobiliser à l'extrême la raison critique pour dévoiler sans concession les enjeux importants qui traversent nos sociétés face à des ordres sociopolitiques qui utilisent tout ce qui est en leur pouvoir, pour se reproduire à l'identique ? Sa vision lucide sur les « croyances-vérités », assénées par tous ceux nombreux qui se perçoivent « attaqués », confondant critique et attaque, quand il s'agit de façon courageuse de déconstruire leurs dogmes, et d'opérer un travail anthropologique sur les différents systèmes politico-religieux. Mohammed Arkoun, avec la distance critique qui était la sienne, ne s'est jamais plié aux logiques extrêmes représentées tout autant par une laïcité dogmatique et fermée sur elle-même qui rejette la religion, tout en défendant avec une extrême vigueur un islam humaniste riche de sens multiples et de lumière parce que ouvert aux différents savoirs.
Il aura réussi à produire une pensée novatrice, ouvrant un champ du possible pour transformer par le bas l'ordre politico-religieux. Comme le souligne pertinemment Joseph Maïla, « l'objectif de sa recherche intellectuelle consistait dans la quête d'une pédagogie du renouveau ». Il ne cessera, en effet, auprès des différents gouvernements français, de demander de façon urgente la création d'un institut d'études scientifiques de l'islam, mais sans résultats significatifs. Dans son ouvrage «Humanisme&Islam» (2007), il montre les dérives de notre système éducatif excluant toute connaissance historique critique des différentes religions, condition pourtant impérative pour accéder à l'intelligibilité des problèmes actuels. « Il se considérait comme le soldat d'une bataille menée par lui seul, et rien ni personne ne pouvait l'arrêter. Il n'était pas convaincu d'avoir raison : il vivait sa raison, il était cette raison », selon les propos de sa fille.
La belle obstination de Mohammed Arkoun à user de la raison critique est sans doute la cause de son humiliation subie dans son propre pays en 1985 par le prédicateur Al-Ghazali qui va publiquement l'exclure du 19e Sommet islamique organisé à Bejaia. De nouveau, il s'est retrouvé seul sans aucun soutien des officiels qui ont privilégié le mutisme au courage politique. Il écrit à son ami Maurice Borrmans : « Pour une fois, je ne bouge pas ; où plutôt, j'ai fini de bouger. Je reviens de Bougie où j'ai assisté avec Merad au 19e Sommet. Epreuve physique, intellectuelle et morale très dure comme chaque année, surtout pour moi parce que je me place toujours en 1ère ligne de combat. Combat dur et décevant, on avance à reculons. Décevant et fatiguant » (lettre datée du 3 août 1985). Il a été profondément marqué par cette exclusion qui a eu lieu dans son propre pays ! Le refus de toute reconnaissance, comme beaucoup d'autres intellectuels critiques algériens, le conduira à choisir d'autres cieux plus cléments, plus attentifs et plus réceptifs à une œuvre monumentale qui reste, sur bien des aspects, encore à découvrir. « Derrière le masque du savant, la souffrance de l'homme ; derrière la vigueur outrée de l'imprécation, la solitude déchirante du penseur solitaire » (Joseph Maïla, préfacier de l'ouvrage).


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