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Le fait religieux, problème de définition
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 24 - 10 - 2015

A certains égards, les articles sur la religion de N. Marrouf (1) suscitent quelques interrogations sur le palliatif de l'observation de la société algérienne et les égarements théoriques.
En effet, la lecture de quelques textes parus dans le Quotidien d'Oran nous incite à réagir sur l'emploi des concepts et leur impact sur le contexte social et historique des sociétés étudiées. En l'occurrence, loin de nous insurger en censeurs de la pensée, nous allons examiner le placement des concepts vis-à-vis de la réalité étudiée. D'un certain point de vue, nous n'ignorons par les grandes difficultés du contexte social de production des textes publiés, mais il demeure urgent de signaler la contexture des idées déployées pour relater les enjeux socio-politiques.
De prime à bord, il convient de mieux définir les concepts de mythes, croyances et rites. Ainsi le constitutif du cadre géométrique de la Méditerranée, espace du mythe, est irrecevable comme tel pour la simple raison que la production mythique est tributaire d'une fondation de l'origine ou de l'explication du monde telle que l'enseigne le structuralisme.
De la sorte, faire des croyances le récipiendaire de la création mythique est un raccourci qui, ipso facto, réduit les rites en de simples résidus de la religiosité qui, de fait, les dépouillent de sa substantialité lui enlèvent la sociabilité par lesquelles la religion se distingue des autres pratiques sociales. Ces constatations liminaires nous conduisent à recadrer l'analytique du sujet dans un contexte de la production littéraire qui n'endommage pas trop l'utilité générale des notions fondamentales de l'anthropologie.
QU'EST-CE QUE C'EST UNE STRUCTURE DE LA MYTHOLOGIE MAGHREBINE ?
Nous allons nous efforcer de redéfinir la structure mythologique. Pour le faire, il est impératif de préciser le sens des mots mythe et structure. La voie didactique nous impose de confondre plusieurs définitions données par les dictionnaires. D'après le vocabulaire de la philosophie et des sciences humaines, l'explication thématique donne au mot mythe par l'ethnologie: «et qu'il raconte une histoire, mais qui reste et restera vraie pour une société déterminée» (2). Par contre, la structure comme organisation et système: «est un ensemble d'éléments tel qu'on ne puisse définir la fonction et la variation de l'un d'entre eux indépendamment de celui des autres.»(3)
Nonobstant les considérations théoriques sur le structuralisme, école qui a au besoin dominé les sciences humaines, l'idée d'une structure mythologique maghrébine de par son unicité est une fantaisie discursive eu égard à la pléiade des récits mythiques qui alimentent les différents groupes sociaux au fil du temps historique. En effet, en suivant les principes du structuralisme, le lien indéfectible du récit au temps empêche toute diffraction de la structure d'ensemble et de l'uchronie des événements. De la sorte, amalgamer les différentes traditions culturelles et en faire une osmose d'homogénéité enlève toute crédibilité aux conditions historiques qui les ont vu naître. Alors le répondant, historique de la religion préhistorique des premiers amazighs dont le continuum phylogénétique remonte au moins à 20 000 ans av. J.-C., est omis autant que les dieux amazighs, recensés par A. Belfaida (4). Dès lors, l'étude du syncrétisme religieux autour de Saturne par M. Leglay (5) répond plus aux exigences des études sur l'antiquité qui réduisent les dieux locaux en de simples figures d'assimilation de la religion romaine.
A la croisée des chemins, des pans entiers du fait religieux et, en l'occurrence, des récits mythiques qui auréolent des identités présentes. Par exemple, le mythe fondateur de Carthage qui sacrifie les Berbères de ce temps-là contribue à agencer la trame historique de la Tunisie moderne (6). Autant dire qu'il y a autant de récits fondateurs que de traditions culturelles. Leur énumération est fastidieuse. Néanmoins des corpus entiers comme la tradition touarègue(7) attribuent au géant Almrolquis, l'invention de l'écriture berbère, la langue, la poésie, le chant et le violon. Par ailleurs, nous devons à Lacoste Dujardin (8) un essai de synthèse sur la mythologie kabyle qui corrobore le mythe des origines sous le titre : « Les premiers parents du monde » recueilli par Frobenius(9).
Ainsi, la liste est longue pour répondre aux besoins de l'exhaustivité de toutes les divinités berbères qui ont submergé leur conscience.
Pour autant réduire, la religion des Berbères (10) à une simple évocation anecdotique(11) l'enveloppe dans une certaine inertie et enlève au récit mythique son potentiel dans la stratégie adoptée par les locuteurs pour fonder un nouvel ordre des choses comme le fait brillamment A. Hammoudi (12) lorsqu'il narre les aventures de M'hammad B.Nasir.
LA RELIGION POPULAIRE AU TEMPS DE L'ISLAM MAGHREBIN: QUELQUES FAITS D'HISTOIRE
Il ne s'agit pas pour nous de faire l'inventaire des travaux ayant trait à l'islam maghrébin. Et il est difficile de trouver une étude complète sur le sujet parce qu'une importante bibliographie existe. De ce fait, le livre d'Edmond Doutté (13) est l'illustration de l'enchevêtrement des pratiques incantatoires et de l'interprétation religieuse du texte coranique. Il se peut que la portée exotérique a fortement influencé l'histoire de l'islam maghrébin. Incarnation d'une certaine tradition populaire de la religion musulmane, le culte des saints (14) s'impose à la société. En effet, l'anecdote rapportée par N. Marrouf est l'expression de la puissance politique de Sidi Khaled qui sur-imprime la conscience collective des gens de Tawghzout. Loin de signifier une symbolique du pouvoir, elle incarne le pouvoir même du saint. A. Hammoudi (15) en donne l'exemplarité de la compétition entre l'Etat central et les pouvoirs locaux organisés autour de la sainteté à Tazerwalt et Dila. J. Berque (16) en fait la principale figure insurgée du Maghreb. Bref, indépendamment de la pesanteur idéologique de l'orthodoxie musulmane, l'oubli de la mémoire collective d'Ibn Khaldoun, grande figure intellectuelle du Maghreb est à mettre à l'actif de la nette séparation de la fameuse dichotomie de la ‘'amma‘' et de la ‘'khassa'', structurant la société maghrébine de l'époque. La propagation du pouvoir du saint dont on dit qu'il est l'émanation du maraboutisme doit nous inciter à la situer par rapport à l'idéologie officielle des différentes dynasties qui se sont succédé au Maghreb. Loin de constituer une trame idéologique linéaire, les Etats maghrébins se sont dotés de différentes doctrines (sunnisme, kharidjisme, chiisme) pour consacrer au final la suprématie de l'asharisme incarné par Ibn Toumert et dont Abdelmoumem en fut l'organisateur et Ibn Rochd, le doctrinaire officiel (17). Il faut rappeler qu'il participa à une réforme de l'enseignement (fondation de Medersas) qui a été mise en œuvre par Abdemoumen, premier homme d'Etat almohade. Par la suite, Ibn Khaldoun s'érige en défenseur de l'orthodoxie sunnite sous la bannière du malikisme dont il ne cessa de se quereller le leadership avec Ibn Arafa, une des grandes figures théologique de la période hafside. La séparation de l'islam de l'Etat et celui du peuple s'illustre par la montée en puissance des ordres religieux qui donneront au Maghreb jusqu'à la Nahda une vigueur spirituelle dont les zaouïa ont été les principaux foyers culturels et de l'animation politique.
LES ORDRES RELIGIEUX, LE REFORMISME MUSULMAN ET L'ISLAMISME RADICAL
A l'appui de ses idées d'une islamologie féconde, M.Arkoun (18) date l'ankylose(19) de l'islam à la mort en 1406 d'Ibn Khaldoun. Le point d'arrêt de la spéculation théologico-philosophique en Islam inaugure une nouvelle ère avec la montée en puissance de la pensée «irrationnelle». La longue nuit de la pensée musulmane culminant avec la rationalité discursive du célèbre trio formé par Ibn Tofayl, Ibn Bajja et Ibn Rochd qui incarne à lui seul l'almohadisme théologique et la rationalité analytique d'un certain conservatisme figé d'Ibn Khaldoun, loin s'en faut d'une représentation intégrale de toute l'histoire des idées en islam, a engendré des réflexions théologiques des ulémas, considérées à tort de mineures. Ainsi, toute la période qui s'étale du début du XVème siècle au XIXème siècle a vu naître l'idéologie de la sainteté comme matrice et vecteur d'un islam populaire.
La principale caractéristique de la sainteté c'est sa propagation profonde au sein de la société et sur tout le territoire du Maghreb. L'évanouissement de la pratique rationnelle propre à quelques grandes figures intellectuelles se confond avec la pénétration religieuse d'un islam pluriel qui a donné naissance à des ordres sous l'instigation de grands maîtres religieux. Le temps des saints se répartit la temporalité islamique en revendiquant à l'endroit des droits politiques et une maîtrise de l'exégèse coranique.
Organisés sous la houlette d'un saint homme, les tariqa investissent la société pour disputer à l'Etat central le contrôle social total. Repères intangibles d'une islamité organisée, les ordres religieux se transforment en instance de contrôle où gravitent les canaux de transmission du savoir et de légitimation dans le cadre d'un vaste réseau de zaouïa. Pour peu que cela tienne, l'envahissement colonial n'ayant que faire de ce système le réduisit à néant en organisant une déscolarisation générale des populations dominées et en soumettant quelques notables locaux au service de l'administration française.
Par le biais de la modernité tant recherchée en Egypte et en Tunisie d'alors, l'idée de la renaissance (Nahda) fit son chemin jusqu'à organiser les mouvements d'émancipation des peuples colonisés. A l'indépendance de ces pays, cet islam qui combattit aussi bien l'idée de l'associationnisme des marabouts que de leur allégeance au système colonial, se transforma en islam de l'Etat autoritaire.
En fin de compte, l'échec flagrant de l'autoritarisme étatique et la faillite de l'idéologie communiste ont favorisé la revendication par le militantisme islamique d'une indépendance malmenée par les «Nationalistes» et restée à leurs yeux inachevée envers l'Occident. En peu de temps, depuis les années quatre-vingt en Afghanistan et progressivement un peu partout dans le monde, l'islam radical se dote d'un projet impérial, l'Etat islamique, le Califat total.
Coincé entre la réalité des Etats nationaux et la géopolitique des grands ensembles mondiaux, USA, Europe, Chine, Russie, il n'acquiert aucune adhésion des masses populaires mais tout le contraire des adeptes des sensations fortes du djihadisme en tant qu'ultime situation eschatologique dont une large part de l'affiliation provient des laissés pour compte. En fin de compte, le résultat est sans équivoque, le Califat total fait fuir des milliers de personnes forcées par la violence inouïe du totalitarisme religieux. Sous la contrainte, elles abandonnent leur propre foyer pour demander asile paradoxalement à l'Europe occidentale qui est décriée par beaucoup en empruntant des voies tortueuses au péril de leur vie.
Pour peu que cela tienne, l'idée du califat se dilue de plus en plus en de simples gesticulations guerrières et laisse place petit à petit à des communautés religieuses réunies autour d'un imam. Il semble probable que la pullulation des mosquées coïncide avec le départage de la religion populaire et de l'islam de l'Etat. C'est ce qui semble correspondre à la surabondante offre de religiosité qui, à certaines périodes, canalise les besoins humains en spiritualité.
Il est temps pour nous de croire au temps réversif de l'islam (humaniste) en lieu et place d'une arrogante méprise mutuelle de tous ceux qui se font la guerre.
*Anthropologue, Paris.
Bibliographie
1 - Le Quotidien d'Oran des 13. 14. 15 et 16 septembre 2015. N. Marrouf, Mythes et croyances populaires au Maghreb.
2- Louis-Marie. Morfaux, Vocabulaire de la philosophie et des sciences humaines, A. Colin, Paris, 1980.
3- Idem,
4- A. Belfaida, Religion et sacré chez les Imazighen, IRCAM, Rabat, 2011.
5- M.Leglay, Les syncrétismes dans l'Afrique antique, colloque de Besançon, 1973.
6- Cl. Gutron, L'archéologie de la Tunisie, jeux généalogiques sur l'antiquité, Karthala, Paris, 2010.
7- M. Aghali- Zakara et J. Drouin, Traditions touarègues, l'Harmattan, Paris, 1979.
8- Lacoste-Dujardin, Eléments de mythologie kabyle dans Dictionnaire des mythologies et des religions des sociétés traditionnelles et du monde antique, Flammarion, Paris, 1981.
9- L. Frobenius, Les premiers parents du monde, TISURAF, 4-5, GEB, Paris, 1979.
10- R. Basset, Recherches sur la religion des Berbères, E. Leroux, Paris, 1910.
11- N. Marrouf, p, 6
12- A. Hammoudi, Sainteté, Pouvoir et Société, Les Annales ESC, Paris, 1980.
13- E. Doutté, Magie et religion dans l'Afrique du Nord, J. Maisonneuve et P. Geuthner, Paris, 1984
14-M. Kerrou, L'autorité des saints, Editions, Recherches sur les civilisations, Paris, 1998.
15- A. Hammoudi, p 616.
16-J. Berque, Ulémas, fondateurs, insurgés du Maghreb, Sindbad, Actes Sud, Paris, 1982.
17- M. Geoffroy, L'almohadisme théologique d'Averroès, AHDLMA, 66, 1999.
18- M. Arkoun, Pour une critique de la raison islamique, Maisonneuve et Larose, Paris, 1984
19- Classicisme et déclin culturel dans l'histoire de l'islam, Maisonneuve et Larose, Paris, 1977
-L. Gardet, De quelle manière s'est ankylosée la pensée religieuse de l'islam ?
-G. Arnaldez, Comment s'est ankylosée la pensée philosophique dans l'islam ?


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