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Abdelkader Lakjaâ, un prof et un ami
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 11 - 11 - 2020

  La dernière fois que l'occasion m'a été donnée de le voir, une dizaine de jours avant qu'il nous quitte, on avait parlé de sociologie, d'anthropologie, de la ville, de cours et d'examens. Ce que je ne souhaitais nullement, c'était que nous nous attardions sur son état de santé.
Le connaissant (que trop bien) je savais qu'il avait cette aversion, caractérisant les grands esprits, celle de se confier sur ses états d'âme, sur son état de santé, ce qui me rendait la tâche d'éviter le sujet que plus facile. Ce qui m'a été compliqué d'esquiver par ailleurs, c'était d'entendre une énième plainte sur les choix de carrière qui étaient les miens. Il avait eu vent que j'avais accepté un poste administratif à la Fac, il n'avait pas du tout apprécié cela et, usant de son plus beau ton ironique, il a tenu à ce que je le sache, à ce que je l'entende.
Ce que j'ai mis en ouverture de ce texte est ce qui, pour moi, résumerait feu Abdelkader Lakjaâ. J'explique.
C'est en 2002 que j'ai fait la connaissance de Monsieur Abdelkader Lakjaâ. Je dis monsieur, parce qu'à l'époque il n'était pas encore professeur de l'Enseignement supérieur, il n'était même pas docteur de la discipline qui le passionnait tant, la Sociologie. Jeune étudiant de licence, j'ai eu le privilège comme des centaines d'autres étudiants de suivre ses cours portant sur la Sociologie de l'espace (urbain). La toute première impression qu'on peut avoir en sortant d'une séance de chez ‘el oustad', est celle qu'on vient tout juste de s'arracher à une plage symboliquement limitée et par l'espace et par le temps, d'une réalité à part, d'une dimension, non pas parallèle, mais disons… en décalage avec ce qu'il nous a été donné de connaître jusqu'alors. Au ton de la voix, à la manière d'agiter délicatement les mains dans l'air pour ponctuer la série d'idées qu'il débitait, mûrissait la conviction que rien, par la suite, n'ébranlera dans l'esprit du jeune apprenant, à savoir que ses leçons étaient préparées avec rigueur, l'exposé calculé au nanomètre. Il était l'incarnation de l'enseignant, un modèle d'intégrité et de sérieux. Je ne saurai énumérer toutes les fois où j'ai vu mes convictions réduites en cendres rien qu'en tendant l'oreille à ce qu'il disait. L'un des plus grands et des plus utiles des enseignements que j'ai pu avoir dans sa classe, c'est une certaine conviction que la « vérité » est inatteignable, nous ne pouvons qu'observer des « réalités » incertaines et en changement permanent, et que la fiabilité du décryptage de ces dites réalités dépend d'un capital de connaissances, d'une abondance de données objectives et d'une somme de prédispositions subjectives, pour une grande part. Auprès d'Essi Lakjaâ, j'ai également appris que dans le jeu de l'apprentissage rien ne doit être laissé au hasard, la mission se doit d'être efficace quitte à déstabiliser, quitte à choquer. C'est ainsi que, quand j'ai rejoint le centre universitaire de Relizane en tant qu'enseignant stagiaire de Sociologie, Abdelkader Lakjaa était l'un des principaux modèles que j'essayais de mimer (maladroitement) dans l'accomplissement de ma mission.
En tant que directeur de thèse, ses doctorants pourraient l'attester, il était intraitable, mais ô combien humain. Intraitable parce qu'il veillait à ce qu'il y ait au bout du chemin un texte qu'on soutient avec fierté, humain parce qu'il daignait laisser de la place à la négociation, à l'affrontement d'idées, à l'échange. Je me rappellerai toujours ce point d'interrogation monumental dessiné au stylo rouge sur l'épreuve d'une section que je lui avais soumis pour l'apprécier. Avec beaucoup d'assurance et presque autant de prétention, j'avais annoncé telle une découverte, à peu de chose près, ceci : « Avoir la climatisation dans un bidonville, avec les blocs moteurs placés bien en évidence sur les façades des baraques, demeure un marqueur social dans ce milieu, un signe distinctif informant sur le rang des occupants de la construction… ». Il avait, après « me » l'avoir relu, juste posé cette question à laquelle je n'ai pas pu trouver de réponse : « Qu'en sais-tu réellement ? ». Cela aurait très bien passé si l'idée avait était formulée à la forme interrogative, mieux encore, si je l'avais avancée comme hypothèse, mais de la poser de la sorte, telle une assertion qu'on ne peut remettre en cause, était juste inacceptable. « Observer, m'avait-il signifié, c'est bien, très bien même, mais essayer de comprendre c'est beaucoup mieux, n'est-ce pas ? ».
De son œuvre on apprend autant sur l'homme qu'il était que sur les réalités qu'il observait. Il a publié des dizaines d'articles en français et en arabe, dans des revues nationales et internationales, dirigé des livres et des numéros de revues, monté des projets de recherches, mené des enquêtes dont la plus célèbre reste celle sur les jeunes en milieu urbain, en 2012. Toute cette production et tous ses travaux de recherche indiquent sur la cohérence et la ténacité de l'homme. Hormis ses textes de jeunesse, traitant de la sociologie du travail, il a eu comme un déclic avec l'enquête menée à Ras El Ain « Religion dans l'espace domestique -résidentiel, Là : Les Planteurs -Ras el Ain-Oran », URASC, 1992. Il avait comme qui dirait, trouvé ce qui allait devenir le fil ralliant l'ensemble de son œuvre. Mais le texte qu'il affectionnait particulièrement, même s'il est loin d'être le meilleur, c'est un article sans prétention publié dans un numéro d'Insaniyat dont il avait lui-même assuré la coordination « La ville creuset d'une culture nouvelle ». On peut aisément comprendre, en parcourant l'article, pourquoi ce texte comptait autant pour feu Lakjaâ, c'est tout simplement parce qu'il avait fini par comprendre qu'il tenait là, entre les mains un objet d'étude, le sien de surcroît, celui qui se situe entre un citadin qui se renie et une urbanité qui émerge. Abdelkader Lakjaa s'est éteint le 7 novembre 2020, laissant derrière lui un vide que rien ne saurait combler.
*Département de Sociologie, Université ‘Mohammed Ben Ahmed' - Oran 2


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