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Conférence de Lugano: Projet de «Plan Marshall» pour l'Ukraine. Principes et réalités.
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 07 - 07 - 2022

Programmée depuis bien avant le début des hostilités militaires, cette conférence avait pour objet une assistance occidentale pour le développement de l'Ukraine en vue de son intégration à l'ensemble européen aussi bien du point de vue de sa prospérité que de sa protection contre son voisin de l'Est.
Les lundi 04 et mardi 05 juillet 2022 étaient présents: la présidente de la Commission Européenne, 8 chefs de gouvernements (Lituanie, Pologne, République Tchèque...), 15 ministres, 38 pays représentés, 19 organisations internationales, 350 représentants du secteur privé, 210 représentants de la société civile. Le Premier ministre ukrainien Denys Chmygal est accompagné du président du parlement Rouslan Stefantchouk et d'une délégation d'une centaine de personnes. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait lui participé par vidéo-conférence. La Suisse est le lieu adéquat pour ce genre de rencontre. La Confédération partage avec l'Autriche une neutralité ancienne et opportune. Elle a, plus que l'Autriche, l'avantage d'héberger les coffres-forts les plus discrets de la planète.
Les pays occidentaux sont étonnés que de très nombreux pays du sud (d'Afrique, d'Asie et d'Amérique Latine) se soient abstenus à l'ONU de condamner l'intervention militaire russe en Ukraine. Leur vote en Assemblée Générale du 02 mars a beaucoup surpris et inquiété.
Les explications les plus diverses et parfois les plus offensantes ont été avancées : la haine de l'Occident, les souvenirs des occupations et atrocités coloniales, l'antagonisme religieux (le «choc des civilisations» cher à S. Huntington, dernier avatar d'une très vieille querelle qu'on peut faire remonter au moins à E. Renan), le «chantage» exercé par la Russie sur les pays importateurs de céréales menacés de famine...
Il est vrai que l'Europe et les Etats-Unis sont en perte de vitesse. Economiquement et politiquement, leur influence est battue en brèche par la Chine et la Russie. Ils perdent des parts de marchés en Afrique où des pays changent d'alliance. Les anciennes puissances coloniales sont remerciées et priées de cesser leur protection militaire. Il en est de même en Amérique Latine où des élections portent au pouvoir des gouvernements qui prennent peu ou prou distance avec Washington (Nicaragua, Bolivie, Venezuela, Colombie, Argentine...). Même le Brésil de Bolsonaro a refusé de s'aligner sur l'Europe et les Etats-Unis et a rejoint les BRICS.
C'est sous un angle plus vaste qu'il faudrait considérer et appréhender l'attitude de ces pays à l'égard de la situation en Ukraine.
Les européens, malgré le mythe d'une Union qui devait instaurer une paix éternelle sur le continent, ont désormais la guerre à leurs portes. Le conflit demeure médiatique, c'est-à-dire de l'ordre des images dont la principale fonction n'est pas de re-présenter, mais d'abstraire et de déréaliser les événements. Les bombes ne tombent pas (encore ?) sur Berlin, Londres ou Paris, mais les Allemands, les Anglais et les Français sentent l'odeur de la poudre...
Pour les Africains, les Asiatiques et les Sud-américains, l'insécurité c'est l'ordinaire.
L'ordinaire dont les Européens n'en voient que les images télévisées. Les villes et les pays rasés par les bombes, dont personne ne s'émeut au nord de cette planète, les Irakiens, les Afghans, les Libyens, les Palestiniens, les Somaliens ou les Yéménites ne suivent pas la mort à la télé : ils en ont une expérience immédiate.
Ce n'est pas la Conférence de Lugano et la mobilisation en faveur de l'Ukraine qui atténueront leurs critiques et leur défiance à l'égard de l'Occident quand ils pensent aux problèmes quotidiens qui affectent leurs populations : en matière d'alimentation, de nutrition, de santé, d'éducation, d'adduction d'eau, de protection de l'environnement... quand à toutes ces promesses des pays développés et des institutions internationales en charge de la charité internationale.
Tant de sollicitude, tant de référence au droit (par ailleurs outragé), tant d'affection, tant de générosité stupéfie, pour un ex-pays extra-muros, par-delà l'ex-«rideau de fer».
750 Mds: euro. C'est le coût estimé par le premier ministre ukrainien du programme de reconstruction de son pays. Quelques comparaisons suffisent à en mesurer l'importance. Il représente un tiers de la dette française (2 091 Mds: euro) ou le plan de relance économique européen pour faire face à la pandémie, voté en juillet 2021 ou bien 5 fois le Plan Marshall (160 Mds$ en dollars constants) qui a servi à la reconstruction de l'Europe de l'Ouest en 1945. 750 Mds$, c'est plus de trois fois le PIB de l'Egypte pour faire vivre plus de 100 millions d'Egyptiens. 750 Mds$, c'est environ 30 fois le PIB du Soudan qui a un nombre d'habitant similaire à celui de l'Ukraine.
Le Tiers-monde n'est pas insensible au malheur d'autrui et n'est ni pour ni contre la Russie, il sait en revanche ce que lui coûte tous les jours la mondialisation libérale, la «globalisation heureuse» «ruisselante» de bienfaits pour tous, que ce soit avant ou après la chute du Mur de Berlin.
Kiev envisage un scénario en trois étapes.
1.- Aide à la population touchée par la guerre : elle compte plus de 10 millions de déplacés et 5 à 6 millions de réfugiés hors d'Ukraine.
2.- Projets de reconstruction (infrastructures, équipements publics, électrification...)
3.- Préparer «l'Ukraine de demain : européenne, verte, numérique».
Question : qui va payer ?
1.- La banque européenne d'investissement (BEI) prévoit de mettre à la disposition de l'Ukraine 100 Mds: euro tout prévenant que l'usage qui en sera fait sera entourer par une grande vigilance. L'argent du contribuable ne sera (un jour) débloqué que sous une rigoureuse garantie. En tout état de cause 100 Mds: euro, c'est une goutte d'eau, c'est loin de suffire.
2.- Kiev propose de saisir les avoirs russes gelés à l'étranger estimés entre 300 et 500 Mds$. Ne serait-il pas juste que les destructeurs et les agresseurs soient les payeurs ? Il y a des précédents.
N'est-ce pas ainsi que l'Irak de Saddam Hussein et la Libye de Kadhafi ont été pillés, leurs avoirs à l'étranger détournés sans que la (mauvaise) conscience des grands de ce monde et des Hautes Consciences ne soit troublée ?
Il échappe à ceux qui tiennent ce raisonnement que la Russie n'est ni l'Irak ni la Libye. Tout le monde connaît la répartie :
- Question (adressée aux Etats-Unis) : Pourquoi avez-vous attaqué l'Irak ?
- Réponse : Parce qu'elle n'a pas la Bombe.
- Question : Pourquoi n'avez-vous pas attaqué la Chine ?
- Réponse : Parce qu'elle a la Bombe.
De nombreux aspects de ce plan méritent un examen attentif.
1.- Ce programme en réalité couvrirait tous les besoins de l'Ukraine avant même les dégâts occasionnés par la guerre. Il s'agirait en fait d'une intégration accélérée de ce pays à l'UE. L'état dans lequel se trouve l'Ukraine aujourd'hui réinitialise le projet prévu avant le 24 février. D'un certain point de vue, si on laisse de côté les souffrances subies par la population, l'attaque russe serait être rétrospectivement considérée comme une bénédiction.
2.- Deux poids deux mesures. Des pays candidats en attente de leur intégration à l'UE ont manifesté leur irritation devant la priorité et l'empressement à admettre l'Ukraine. C'est le cas des pays des Balkans, la Georgie et la Turquie. Les moyens mobilisés en sa faveur ont aussi mécontenté d'autres membres des 27 en difficulté.
3.- En contrepartie de quoi (à supposer que l'on parviendrait à saisir légalement les avoirs russes pour les mettre à la disposition de la reconstruction de l'Ukraine) les autres contributeurs publics et privés se mobiliseraient-ils pour l'Ukraine ?
4.- Un préalable n'a pas été, semble-t-il, considéré : de quelle Ukraine parle-t-on ? La reconstruction de l'Ukraine concerne-t-elle aussi le Donbass (largement détruit) et toutes les parties du pays sous occupation russe, y compris la Crimée ? Ou alors faudra-t-il attendre la reprise (par la force ou la négociation) de toutes ces régions ? La guerre peut encore durer des mois voire des années. Il faudra donc préciser l'usage et la destination des sommes demandées.
5.- Avant le 24 février, l'Ukraine (dirigée par le même gouvernement présidé par V. Zelensky) faisait partie des principaux pays corrompus dans le monde : classé 122ème sur 180 par Transparency International1. Question : qui ferait confiance à cette Ukraine ? Sachant que, programmée depuis longtemps, la lutte contre la corruption et la réforme des institutions inquiétaient tous les pays sympathisants résolus à aider l'Ukraine.
D'où toutes les autres questions: qui ? Comment? Dans quels délais ? Selon quels critères ?...
Retour au réel.
Personne n'est dupe. Tout le monde a bien compris que l'Ukraine n'est qu'un pion dans un jeu qui la dépasse et où elle pourrait jouer le rôle du dindon de la farce.
Examinons une hypothèse qui n'est pas invraisemblable, d'autant moins qu'elle a été agitée dès le début du conflit et que les difficultés militaires ukrainiennes la remettent à l'ordre du jour y compris au sein de l'exécutif à Kiev.
Si demain la Russie parvient à s'imposer et à imposer une sorte de compromis ou de statut quo acceptable par toutes les parties, il est probable que l'Ukraine retiendra moins l'attention des médias et recueillera une sympathie plus faible, noyée dans une actualité qui sera alors portée sur d'autres sujets et vers d'autres problèmes. Chacun connaît la versatilité et l'infidélité des médias moutonniers qui passent d'un sujet à un autre avec une agilité stupéfiante, comptant sur l'inusable amnésie des citoyens-consommateurs. Face à une guerre atomique mondiale et à la crise économique et monétaire qui menace de tout emporter, la sécurité et la prospérité de l'Ukraine risquent de ne pas faire le poids.
Les problèmes ne manquent pas : une inflation d'origine exogène, une pression à la hausse des taux d'intérêt (taux réels qui redeviennent positifs), un creusement des déficits et l'accroissement de l'endettement dans un contexte qui tend à la stagflation, une chute de l'euro face au dollar (ce qui renchérit le coût des importations et favorise l'inflation), des spread qui se tendent entre les taux allemand et ceux des autres pays de l'Euroland, ce qui place la BCE dans un dilemme impossible, coincée qu'elle est entre la défense de la monnaie, la lutte contre l'inflation et la stabilité de la zone dont elle a la charge.
Ailleurs, la situation n'est guère meilleure. La crise économique dégénère en crise politique (en Bulgarie, en Argentine, à Sri Lanka, en Equateur... et même en Grande Bretagne et en France).
L'Amérique «leadership behind»
Les spin doctor américains pourront toujours suggérer de garder plusieurs fers au feu.
La déstabilisation de la Russie de V. Poutine, principal objectif initial de Washington qui ne s'en cache pas, ne sera pas perdue de vue pour autant. «Quoi qu'il en a coûté», l'ensemble des sanctions mises en oeuvre a atteint la plupart de ses objectifs:
1.- Raffermir la mainmise des Etats-Unis sur l'Europe désormais solidement unie autour de l'OTAN et de Washington,
2.- Casser les liens entre l'Union Européenne et la Russie avant de démanteler complètement le projet eurasiatique qui menaçait l'hégémonie américaine et le pacte atlantique.
3.- Porter un coup décisif au mercantilisme allemand, à son expansion commerciale et surtout à ses liens privilégiés avec Moscou2. De nombreux pays européens ont sans doute approuvé et applaudi discrètement à cette facette de l'intervention américaine.
4.- Celle-ci finirait par altérer les fondements de la résistance russe en la privant de ses principales ressources (commerciales, financières, technologiques...).
5.- Une pression adéquate sera exercée sur la Chine à la fois pour limiter ses marges de manoeuvre en Asie-Pacifique et en Afrique ainsi que ses capacités d'assistance à son allié russe.
La question n'est pas savoir si tout cela produira les effets attendus. L'important est que si les calculs ne tombent pas juste on sait d'avance qui paiera la facture.
La dette américaine relève de l'astronomie : plus de 30 000 milliards de dollars. Mais on sait que via le dollar et les marchés financiers, sous la protection d'une justice extraterritorialisée et d'un Pentagone omnipotent, c'est encore et toujours le reste du monde qui solde la note de l'Oncle Sam.
Inutile d'évoquer celle de la France ou de l'Italie que les «pays frugaux» menacent de répudiation, protégés, mais pour combien de temps, par la signature allemande.
La Conférence de Lugano s'est achevée sur une note charitable : quelques engagements mineurs qui n'engagent à pas grand chose et sur une pétition de principes généraux.
Exercice dans lequel l'Occident excelle.
Qu'attendre de plus de banquiers dont la politique est strictement rivée sur le calcul rigoureux de la solvabilité de ses clients ?
Hélas ! La solvabilité de l'Ukraine d'aujourd'hui se résume à bien peu de chose : un pays en voie de destruction totale, occupé à plus de 20%, amputé des régions les plus riches, privé d'accès à la mer et à ses clients, déserté par près de 6 millions des siens expatriés aux quatre vents (rapidement intégrés dans des pays démographiquement vieillissants)... arrimé aux pays les plus endettés de la planète.
L'Ukraine n'est assurément pas un bon placement.
A l'inverse du complexe militaro-industriel qui a vu s'envoler ses commandes, ses profit et la cote de ses titres sur les marchés financiers.
Notes
1 https://transparency-france.org/actu/indice-de-perception-de-la-corruption-
2021-de-transparency-international-la-grande-stagnation-de-la-france-face-a-la-corruption/
2 L'Allemagne vient d'enregistrer son premier déficit commercial depuis 1991.


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