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L'ALGERIE PROFONDE : ELLE N'A JAMAIS ETE A L'ECOLE ET POURTANT… Hadja Mimouna range sa plume
Publié dans Réflexion le 05 - 12 - 2010

Le petit humain peut se prendre pour quelqu'un alors qu'il est moins que rien. C'est courant. L'orgueil et la folie des grandeurs ont tué, tuent et tueront encore. Il est des gens qui vous marquent et que vous n'oublierez pas jusqu'à votre dernier souffle. Hadja Mimouna BENADDA c'est une sommité. C'est quelqu'un qui ne se prend point pour quelqu'un. Elle ne se fait pas de bile dans la vie. C'est une grosse pointure de la taille d'Abou El Alaa El Maâri, de Diogène de Sinope et de Nietzsche. Mais avec la célébrité en moins. Désormais, elle va le savoir.
Non, elle n'est pas poète ou écrivaine. Philosophe, oui elle l'est. Une école de la vie, oui elle l'est. Elle est d'une sagesse sans limites. Avec elle, on apprend des tas de choses. De chez elle, sont sortis des ingénieurs et des licenciés. Je crois même une doctorante. Mais aussi d'autres moins diplômés, mais lettrés. Dans sa smala, vous pouvez traiter de biologie, d'économie, de soins de bébé, de sciences de l'éducation, de peinture, de mécanique, d'alpinisme et même de bibliothéconomie.
Dans son école, on apprend la franchise. Elle vous apprend à dire votre mot en le précédant d'un sourire, en l'y accompagnant et en l'y suivant. Trois en un, si je puis dire. Non, disons trois pour un. Son franc-parler et sa droiture ont toujours fait sa force.
Dans son escarcelle, qu'elle escamote dans sa poitrine, hormis ses économies, vous trouvez son khôl et son stylo. Un numéro de téléphone, une adresse, un remède, un imprimé à remplir et voilà Hadja vous tendant son précieux stylo. Vous ne m'avez pas compris. Elle vous le tend pour que vous lui notiez sur son calepin les précieuses lettres et les inestimables chiffres qui lui serviront un jour. C'est qu'elle n'a jamais été à l'école. Je veux dire, l'école où l'on apprend à décrypter les mots et à dresser les chiffres. Il y a toujours quelqu'un pour la tirer de l'embarras avec son bloc-notes. Heureusement.
En famille, dans la rue, au hammam, Hadja se fait respecter. Elle n'a jamais froid aux yeux. Sa peur, elle l'a domptée, dès son enfance et dans sa jeunesse, elle l'apprivoisa. Bouclage, ratissage, fouilles, convocation, humiliation, perquisition, barrages, couvre-feu… Rien que ça ! Et puis un jour, elle se réveilla sans les troupes coloniales et deux enfants en bas âge. Patiente, elle se contentait de l'apparition une fois l'an de ce cousin et mari, qui a investi en elle son amour et sa confiance. Le patio étant un signe extérieur de richesse dans ce beau pays, Hadja Mimouna s'en acquit sans coup fourré. Il est plus question de cette grande cour que chambres et d'autres commodités. Le patio, haouch, c'est ainsi qu'on l'appelle est la liberté même. 'indépendance. Sans quelques ceps de vignes s'entrelaçant au dessus du perron des pièces, le haouch ne serait qu'un vulgaire poulailler. Et Hadja Mimouna n'y manqua de bichonner ses plants qui lui ont tant donné. Hadj Mohamed, son défunt mari, se chargeait une fois l'an de la taille et de la tresse. Une tresse qui ombrage les siestes d'été.
Tisserande et potière à temps perdu, mais aussi par la force des choses, elle s'estimait heureuse d'avoir à sa portée ses œufs et son lait. Ce sont-là les bienfaits du haouch, cette spacieuse cour où la maîtresse de maison agit avec la carte blanche du mari. Hadja Mimouna n'est jamais tombée dans la nécessité ou l'indigence. Elle avait de tout. Même les voisines recouraient à sa basse-cour et ses chevrettes. Comblée et gavée par la vie, elle ne recourait point au service de ses brebis, elle devait tout à ses chèvres. Le pessimisme n'a pas lieu de cité. Tout est entrepris par la grâce d'Allah. Il n'est dit nulle part que l'optimisme est une exclusivité des lettrés et académiciens. Hadja a appris et nous a enseigné qu'il faut être d'une humeur égale à soi-même. A sa grandeur. Elle sait accabler l'excessif, ménager le pondéré et tarauder le besoin. Combien de pages a-t-elle tournées durant sa vie ? Enormément. A soixante et onze ans, elle est toujours là, inchangée. Ses plus beaux jours furent quand elle s'acheta une belle génisse. Le soir, quand Miloud le berger apparait avec son troupeau à l'orée de la pinède, ce beau fond de décor de Zemmora, Hadja ressort de son mental la liste des voisins à pourvoir en cette fin de journée de ce lait, don d'Allah.
La politique française du regroupement familial a fait que des milliers d'épouses de nos émigrés abandonnèrent « veau, vache, chevrettes et couvées » pour se retrouver dans un monde qui n'est point le leur. Ici, comme partout en Europe, on consomme à outrance et le fric n'a pas d'odeur. Il faut décupler la sueur de son front si l'on veut parvenir à joindre les deux bouts. Il faut dormir moins aussi. Hadja rejoignit son cousin de mari avec sa progéniture et s'établit en région parisienne. Le temps de mettre un peu d'ordre et retour au bercail. « Non, rien ne vaut notre chez nous. » Un maître mot. Elle revint souvent chez elle avant que la fatigue due à l'âge ne l'en arrima pour « longtemps » au pays du froid et du ciel sombre.
Elle a le mal du pays, mais ne se plaint pas en France. Elle est au milieu de sa smala. Un semi-exil. Les enfants ont grandi. Ils ont grandi dans nos us et coutumes, malgré un sevrage précoce pour certains d'entre eux du brillant soleil et de la couleur ocre du beau pays de leur papa. La marche forcée du temps fit de Hadja Mimouna une pensionnaire. Sa pension, elle l'a eue sans fournir le moindre effort. Elle avait une autre tâche plus importante. Satisfaire elle-même ses huit enfants dans la plus pure tradition algérienne des mères-courages. Il n'est pas question de cantines, de nurses et de crèches. L'amour maternel est plus fort que le franc de jadis et le boitant euro d'aujourd'hui. Hadja Mimouna considère sa retraite comme un tribut de guerre comme l'est la langue française à Kateb Yacine. A la différence que le français de Hadja est un français en phase terminale. Un français agonisant. Ce qu'elle perçoit comme pécule devrait être considéré comme des indemnités, qu'elle dit. Des indemnités des nuits d'épouvante, de frayeur, de peur et d'effroi, de l'expropriation et de l'appauvrissement, de l'exil, des misères et des famines fabriquées de toutes pièces.
Hadja Mimouna n'a pas changé d'un iota. Nourriture saine dominée par le seigneur des mets, le rfiss des Hararta, et aussi par le couscous roulé de sa main experte qui défierait toutes les rouleuses de France. Prières à l'heure. Respect des jours de jeûne. Le Ramadan, c'est une grande fête. Laïd, c'est tout allégresse. Enfin, Zemmora des Hararta en miniature en région parisienne. A une chose près.
A Zemmora, son haouch flambant neuf lui sert de Résidence de Printemps. Un double printemps : l'Algérie et la saison. Rajeunissement garanti en cette source de Jouvence qu'est Zemmora et ses collines verdoyantes parsemées çà et là de tulipes dorées à l'odeur enivrante. Et les nues de femmes, encore en haïk pour certaines, formant des grappes inertes sur les prés en herbe, apparaissent à mille lieues, défiant leurs mâles dominants et moins dominants. Tout Zemmora se saoule et s'imprègne de son printemps et Hadja Mimouna avec.
Habile en matière de vie, Hadja Mimouna vous apprend mille et une choses insoupçonnables. Si ses enfants ont réussi à l'école et par l'école, c'est important de le préciser, c'est que la maman respectait à sa façon le savoir. Selon sa philosophie que je veux dire, car ce n'est point une façon dans la réalité des choses. Que l'on juge. La grande dame ne jette jamais les restes de son pain à la poubelle. Toute petite, comme l'ont fait ses aïeux, elle frôle des lèvres la miche de pain abandonnée, touchait son front avec et la rangeait dans quelque coin. Le pain, c'est un bienfait d'Allah. Chose normale et banale, me diriez-vous en Algérie, aussi dans l'acte que par la pensée.
Mais en toute philosophe qu'elle est, elle nous apprit qu'il y a plus grand bienfait que le pain. Le kalam ! La plume ! Oui, chez Hadja Mimouna, la plume a une estime particulière. « Si j'avais été à l'école, je ne me serais pas limitée au volant d'une voiture, mais bien aux commandes d'un avion, dit-elle encore à ses enfants. » Et puis, Hadja Mimouna n'a jamais jeté ses stylos qui mettent bien du temps à s'épuiser. Elle les range tout comme sa miche de pain. Elle connait la puissance de cette dérivée du verset coranique : « Lis au nom de ton Seigneur qui a créé. » Un verset de la sourate 19 qui, chronologiquement est classée première durant la révélation du saint Coran. Il n'y a pas lieu de s'aplatir pour quelques mots sur un bout de papier chez les voisins. Les enfants doivent étudier. L'écrivain public ne sera plus qu'un vague souvenir. Partisane du savoir, contrairement à ceux-là qui prônent le boycott de l'école au profit du « tout et maintenant », Hadja Mimouna étonne par sa perspicacité et sa clairvoyance.
« Aimer savoir est humain, savoir aimer est divin, disait Joseph Roux. » Hadja Mimouna sut aimer ses enfants et en fit des amoureux de l'école qu'elle ne fréquenta jamais, mais elle imaginait les effets du kalam à long terme.
A plus de soixante dix ans, Hadja, de là où elle est, supporte les Verts, ne rate jamais le bulletin météo de la télé algérienne, son quotidien reste les infos sur les Hararta et sa meilleure fragrance au pays des parfums et des essences rares reste l'odeur exquise de l'Algérie.


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