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Prendre un verre au Niger
Voyage au fond du désert entre In Guezzam et Assamaka
Publié dans El Watan le 11 - 01 - 2005

8 h à l'un des bouts du désert. Le logo de Naftal flotte, improbable, sur un mur défraîchi et envahi par le sable. C'est encore en Algérie mais cette station-service possède la particularité d'être la station-service la plus au sud du pays et la plus éloignée d'Alger, à 2500 km plus au nord.
C'est le centre d'In Guezzam, rue principale, c'est-à-dire une vague piste de sable où les traces de pneus de camions et de 4X4, empreintes de pieds d'enfants, de sandales targuies et de chaussures militaires s'entrecroisent sans chocs visibles. Je suis à peu près assis sur une pierre au soleil et la pompe à essence est juste en face. La nouvelle est arrivée ; le camion citerne de Naftal a débarqué hier et rempli la cuve. 8 h 30. Des dizaines de véhicules tout-terrain sont là, collés à la pompe. Il n'y a que des Touareg, palabrant et devisant derrière leurs chèches, remplissant leurs fûts rouges et leurs gros jerrycans. L'objectif est évidemment Assamaka, le village frontalier du Niger, à 30 km de là. Un fût de 300 l à 7000 DA se négocie à Assamaka autour de 15 000 DA. A In Guezzam, où la vie est encore plus chère qu'à Tamanrasset, ville déjà parmi les plus chères d'Algérie, vendre de l'essence, de la semoule, du lait ou de l'huile au Niger reste l'activité la plus rentable. De ce point de vue, il n'y a aucune raison de s'en priver, d'autant que le pétrole est lui-même un produit du désert. A midi, il n'y a plus personne à la station-service. Et pour cause, elle est vide, asséchée. Les Touareg sont déjà partis de l'autre côté vendre leur essence. D'autres Touareg sans visage et des militaires sans conviction traînent encore dans les rues sableuses d'In Guezzam. Les quelques chnawa, terme qui désigne les gens du Nord venus trouver quelque chose dans ce coin désolé, font tache dans le décor, tel un pneu crevé jeté dans un désert de pierres. Comme moi, journaliste chenoui dont l'incongruité de la présence saute aux yeux.
Au Sud du Sud
Que faire à midi à In Guezzam ? A ce point géométrique de cet espace temps particulier, il semble évident d'aller prendre un verre à Assamaka, au Niger. Premier échec ; j'ai été voir les policiers des frontières qui m'ont bien expliqué qu'il faut demander un visa à Tamanrasset, à une journée de piste d'ici. Je sais pourtant que, avec un peu de persuasion, on peut me délivrer un laissez-passer au poste frontière. Mais ma fonction ne m'a pas aidé, bien au contraire, l'information ayant été savamment diffusée par les officiels, aucun contrebandier de la place n'a accepté de m'emmener au Niger par des moyens détournés. Heureusement, tout comme les Touareg qui ne sont ni Noirs ni Blancs, tout n'est pas aussi tranché. A 14 h, au moment où le monde entier d'In Guezzam est en train de s'adonner au rituel de la sieste, je trouve un Targui consentant qui demande 2000 DA pour contourner la frontière, me déposer à Assamaka et attendre que je fasse mon petit tour pour me ramener en Algérie. La sortie se fait suivant l'axe principal d'In Guezzam. Plein sud. A la sortie de la ville, la caserne des GGF (garde-frontières) est à gauche et le poste-frontière à droite. La piste passe entre les deux, c'est du sable à perte de vue. Quelques acacias et tamaris isolés font office de panneaux de signalisation et c'est tout. La piste, évidente, est tracée par les incessants camions et 4X4 qui traversent la frontière clandestinement et en une demi-heure, un groupe d'arbres serrés se distingue au loin. Assamaka. Une piste à gauche (vers l'est) mène à Arlit, à 200 km, autre village nigérien qui a récemment pris la place d' Assamaka au niveau de l'importance du trafic frontalier. L'arrivée dans le village se fait par le plateau sableux du Nord et, immédiatement, l'image saute aux yeux. Toutes proportions gardées, Assamaka est à l'Algérie ce que Tijuana est aux Etats-Unis. C'est-à-dire le village frontalier mexicain où les Américains vont s'encanailler, alcools et prostitution en constituant la production principale. En entrant dans ce Tijuana en toub surgi du désert, un groupe de militaires et de douaniers du Niger surgit et nous arrête. Contrôle. Le Targui est connu mais pas moi et je n'ai pas de visa. C'est le refoulement, éventuellement accompagné d'un passage au tribunal suivi d'une forte amende. C'est du moins ce qu'ils m'expliquent, juste avant de proposer un « arrangement » à l'africaine, ce qui était globalement prévu. La négociation démarre à 8000 DA pour atterrir finalement au seuil des 1000 DA, que je donne naturellement en faisant semblant d'être ruiné sur trois générations. Seule condition à cet arrangement entre amis, ne pas sortir d'Assamaka. Ce qui veut dire que je n'ai pas le droit d'aller à Arlit ou plus loin encore vers le sud, à Agadès. Les papiers sont d'ailleurs confisqués et sont à récupérer au retour. Un dernier sourire transfrontalier et bienvenue à Assamaka, le village des voyous du désert. J'ai changé 1000 DA chez un vendeur de viande grillée et récupéré près de 6000 francs CFA. Puis je me suis dirigé vers l'objectif, laissant le Targui derrière, refusant tout contact avec ces lieux de débauche en invoquant le Tout-Puissant dans un étrange mélange de tamachak et d'arabe. Une sombre maison délabrée en toub m'accueille du mieux qu'elle peut. « Policier algérien ? », me demande nonchalamment un jeune Noir préposé au service. Non, pas vraiment. C'est en détaillant les recoins obscurs que je découvre mon nouveau problème. Au fond de cette incertaine taverne du désert, je retrouve les policiers des frontières d'In Guezzam qui m'avaient refusé un laissez-passer. Que faire, au risque d'avoir des problèmes de légalité à mon retour et d'en causer d'autres au Targui qui m'a accompagné ? Dans le doute du grain de sable qui s'insinue dans le moteur rodé, je suis ressorti pour me cacher. Se cacher dans le désert ? Assis sur le sable en plein soleil derrière une maison en toub, je crois que je n'ai jamais attendu avec autant d'impatience un verre de ma vie. Heureusement, près d'une heure plus tard, les policiers sont sortis de la taverne, et la tête pleine, sont repartis. En Algérie. Je suis donc entré de nouveau et me suis installé où j'ai pu, détaillant cet endroit à la hauteur de la situation. En dehors des quelques bancs en bois, le seul meuble est un réfrigérateur du Néolithique fonctionnant avec une bonbonne de gaz (algérienne) en attendant l'électricité. Au menu, du whisky visiblement frelaté et de la bière d'importation, ce que je choisis. « Elles ne sont pas fraîches », m'explique le jeune serveur qui s'en va par la porte de derrière, me laissant en compagnie de jeunes prostituées de la région, incroyablement fines et belles, ainsi que d'un groupe d'allumés locaux passablement agités qui parlent haoussa à vive voix. Le préposé revient un quart d'heure plus tard avec des Amsterdamer glacées. « Où a-t-il été les chercher ? », me suis-je demandé en tentant de visualiser dans ma tête ce village de quelques dizaines d'habitations cernées par le néant des sables. « De la caserne », me répond-il. Sans commentaire, je déguste les objets de ma visite, discute en français mêlé d'un peu d'arabe et m'en vais retrouver le Targui dehors, dormant sous son 4X4. Le temps de récupérer nos papiers et je suis retourné en Algérie par la même piste, laissant derrière Assamaka et la belle Ajja.
Retour à la normale
Les Touareg d'In Guezzam vivent d'In Guezzam et d'Assamaka. Les autres y vont pour s'amuser et les Nigériens taxent tout le monde au passage, sans distinction de race, de nationalité ou de fonction. Chacun trouve son compte dans ces espaces aussi pratiquement flous que théoriquement infinis. Sur la rue centrale d'In Guezzam, longue artère de sable orientée nord-sud, de nouvelles traces de pneus sont venues s'ajouter à la myriade d'empreintes, signe que, malgré l'éloignement et la désolation, la circulation ne s'arrête jamais, l'immobilisme ne signifiant pas autre chose que la mort, voisine de celle de l'acacia pétrifié dans son reg par manque de circulation aquifère. Dans l'univers carcéral qu'est devenue l'Algérie, cernée par des barrières de haute sécurité, des grillages de visas impossibles et de méfiances rationalisées, il est encore possible d'aller à Assamaka, à plus de 2500 km de la capitale politique algérienne, globalement la distance Alger-Copenhague. Il suffit d'aller à Tamanrasset, de prendre la piste d'In Guezzam (1300 DA la place en taxi 4X4) et d'enjamber la frontière pour aller à Assamaka. Et prendre un verre au Niger.


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