Durant les années 2000, dans les immensités désertiques et inhospitalières des Hauts-Plateaux et du centre du Sahara, des chercheurs algériens, avec des moyens rudimentaires, mais de la détermination à revendre, ont fait des découvertes qui ont complètement changé les connaissances sur le flamant rose (Phoenicopterusroseus), oiseau emblématique des milieux aquatiques, et également la perception des scientifiques sur l'importance des zones humides algériennes. En 2003, le professeur Boudjemaâ Samraoui et l'équipe de son laboratoire de recherche sur les zones humides (LRZH, université de Guelma) découvrent une première colonie de flamants à SebkhatEzzemoul (Oum El Bouaghi). On pensait jusqu'alors que les plans d'eau temporaires des régions arides et hyperarides qui se formaient au gré des précipitations et des crues hivernales ne faisaient qu'accueillir, le temps d'un hiver, les oiseaux d'eau migrateurs qui se déplacent sans cesse entre le nord de l'Europe et l'Afrique subsaharienne. B. Samraoui va alors mettre en œuvre un plan de protection de cette première colonie. Les résultats ne se font pas attendre. En 2005, la preuve est faite que les flamants y nichent et, en 2006, le premier baguage algérien (des bagues aux pattes des poussins) peut s'effectuer. En 2009, le flamant rose se reproduit en masse à Ezzemoul avec un nombre record de couples, supérieur à 12 000. Le nombre de poussins bagués est inégalé dans tout le Bassin méditerranéen : 638 poussins bagués sur un total de 6000. En 2009 toujours, l'équipe du LRZH et ses 120 volontaires vont braver de très dures conditions de travail pour baguer des poussins nés au mois de juin sur la sebkha Safioune, près de Ouargla, où une année plus tôt, on avait pu observer la reproduction et la nidification d'une autre colonie. Presque simultanément, une autre équipe, composée de chercheurs de différentes universités algériennes, met en évidence deux autres sites de nidification, le chott Meraoune et le chott Melghir, dans la vallée de l'oued Rhir, au centre du triangle formé par Biskra, El Oued et Touggourt. Les résultats sont stupéfiants : le flamant rose est présent toute l'année sur le Merouane ! Ces découvertes vont modifier de manière significative le statut de l'espèce. Le flamant rose faire passer d'espèce connue jusque-là comme nicheuse en Camargue et hivernante en Tunisie avec 5000 individus dénombrés annuellement à celle d'espèce résidente avec des effectifs de plus de 30 000 individus en Algérie. En 2009, 20 000 poussins ont pris leur envol des sites étudiés, dont près de 2000 sont bagués. On va les retrouver dans tout le Bassin méditerranéen, de la Mauritanie à la Libye au sud, au Portugal et à la Turquie au nord. Le baguage va mettre en évidence que le site de Ezzemoul est l'un des sites majeurs de reproduction en Méditerranée et que les colonies européennes tirent leur origine des colonies nord-africaines où l'espèce est dans son aire naturelle avec des plans d'eau salés gorgés d'artémias, la nourriture préférée des flamants.