Rezig préside une réunion d'évaluation    Deux ministères pour mettre en œuvre les sept axes de la stratégie énergétique de l'Algérie    Nouveaux horaires de travail dans les établissements postaux    Le Portugal annonce officiellement sa reconnaissance de l'Etat palestinien    Les armes du Hezbollah et les leçons à tirer de la Syrie, de l'OLP et de l'Algérie    Des dizaines de colons prennent d'assaut Al-Aqsa    Athlétisme : Djamel Sedjati marque les esprits    L'Algérie reprend sa place et confirme sa voie en athlétisme et en gymnastique    Défaite de la sélection algérienne face au Sénégal    C'est parti pour 2 millions d'étudiants et 75.000 encadreurs pédagogiques !    212 112 élèves sur les bancs de l'école avec un dispositif sécuritaire renforcé    La veuve de l'ex-gendarme et ses 4 filles dorment dans un dortoir collectif privé    Célébration vivante d'un patrimoine musical    Duo posthume Whitney Houston-Callum Scott    L'Algérie, la Chine et la Russie au troisième soir    Bechar: lâcher de 300 canards colvert au lac du barrage "Djorf Torba"    Des pluies sur plusieurs wilayas du pays lundi et mardi    Génocide à Ghaza: le bilan s'alourdit à 65.344 martyrs et 166.795 blessés    Chargé par le président de la République, le Premier ministre effectue une visite de travail dans la wilaya de Jijel    Journée internationale de la paix: Guterres appel à la paix et à la fin des conflits    Tirer les leçons des expériences passées    Le président de la République instruit le Gouvernement d'accomplir ses missions avec une grande rigueur    Brahim Ghali: toute solution ne respectant pas la volonté du peuple sahraoui est "totalement rejetée"    Les organisations de la famille révolutionnaire saluent l'intérêt accordé par Monsieur le président de la République à l'histoire et à la mémoire nationale    ONSC : Hamlaoui a reçu une délégation de notables de la wilaya de Djanet    Le président de la République préside une réunion du Conseil des ministres    Rentrée scolaire: de nouvelles structures renforcent le secteur de l'éducation dans les wilayas du centre    Nasri félicite Djamel Sedjati pour sa médaille d'argent au 800 m à Tokyo    Création d'un comité central chargé du suivi de la réalisation des lignes minières Est et Ouest    L'Algérie, la Chine et la Russie au 3e soir du 13e Festival de danse contemporaine    Ouverture du 13e Festival international du Malouf: célébration vivante d'un patrimoine musical    Aït Messaoudene au chevet des victimes après une attaque de chien mortelle    Ali Badaoui en mission de reconnaissance en Chine    Rentrée scolaire: l'Etat engagé à assurer les fondements du développement cognitif pour une génération éveillée    Athlétisme/Mondiaux-2025 : l'Algérien Djamel Sedjati remporte la médaille d'argent sur 800 m    Basket / Championnat arabe des clubs féminins/Finale : le GS Cosider décroche la médaille d'argent    Programme TV - match du mercredi 29 août 2025    Programme du mercredi 27 août 2025    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le français s'«algérianise»
Interférences de la langue de Molière dans le parler populaire algérien
Publié dans El Watan le 25 - 10 - 2018

Prenez une langue de base, l'arabe algérien en l'occurrence, émaillez-là de mots français, triturez-les jusqu'à ce que l'on en oublie l'origine, saupoudrez de quelques exagérations et de belles figures de style.
Mélangez bien, jusqu'à l'obtention d'une novlangue, que ni les Arabes ni les Français ne comprennent, mais qui se révélera savoureuse si elle est utilisée au service de l'humour ou de la drague. Pour s'approprier la langue, les jeunes en font un usage bien particulier, dont l'utilisation fautive et l'exagération dans l'emploi de la langue sont les marques de fabrique.
C'est un peu comme si l'arabe offrait un canevas dans lequel tous les blancs sont remplacés par des mots en français. Florilège : «Ne tombez pas les mots» pour «n'insultez pas», «couper la route», pour «traverser la rue», «dégoutage» pour «l'ennui», «roppa noirte avec des fleurs de temps en temps» pour «robe noire fleurie»…
Hadjira Medane, spécialise des sciences du langage, ayant mené une étude sur «l'interférence comme particularité du français en Algérie», y tente une explication : «Quel que soit le système et quelle que soit la spécificité de la situation de contact, le passage d'une langue à une autre se fait rarement sans interférences, dit-elle.
Nous pouvons admettre que lors de l'usage de la langue française, l'Algérien, en tant que locuteur bilingue, subit l'influence du système de l'arabe. Du fait de l'influence de la langue maternelle, celui-ci subit souvent des interférences pour ce qui est de l'utilisation de la langue française.» Elle ajoute : «Etant scolarisé depuis son jeune âge dans ces deux langues, le jeune Algérien doit après dix ans de scolarisation être un bilingue maîtrisant parfaitement l'arabe et le français. La réalité est néanmoins toute autre.»
Etonnante est l'analyse de l'influence de l'âge et du niveau d'étude sur le recours à la première langue dans l'usage du «français cassé». Il semble que les jeunes de plus de 20 ans, et surtout ceux du niveau universitaire, commettent plus d'interférences dans leurs productions en «français cassé» que ceux des autres tranches d'âge et du niveau «terminale».
«Les résultats à propos de ces deux variables sont un peu surprenants parce que plus le locuteur est âgé plus sa maîtrise des langues est bonne, mais cela dépend de plusieurs facteurs qui touchent au degré du bilinguisme de l'enquête, explique Hadjira Medane. Le locuteur algérien vit dans un climat plurilingue et devient bilingue à travers le temps. Après l'obtention du baccalauréat, le français devient un outil d'enseignement, de réussite sociale et professionnelle surtout pour ceux qui font leurs études dans cette langue (…)
Après dix ans de scolarisation en arabe, ils se retrouvent à l'université où tout se fait en français (où au moins la documentation est en français). Cette rupture constitue chez les jeunes un malaise et des inquiétudes pour ce qui concerne la réussite dans les études et dans la vie professionnelle. Ce déséquilibre conduit les jeunes à chercher des moyens pour apprendre cette langue représentée positivement.» En bref, cela veut dire que le fait même d'utiliser la langue française (même cassée) témoigne d'un effort d'apprentissage.
Mais tous ne sont pas de cet avis, défendant l'idée selon laquelle ce brassage serait le fruit d'une «non-maîtrise de la langue non assumée» de la langue française.
Consacrant une année de travail aux «stratégies discursives des étudiants et l'utilisation du français» auprès des différentes filières à l'université de Constantine (français, anglais, sciences économiques et informatique), Fatma Zohra Mekkaoui, chargée de cours à l'université Mentouri de Constantine, s'intéresse aux «stratégies discursives des étudiants algériens» (dans un texte paru dans la revue Insanyat, Crasc) Bien que la langue française soit bien ancrée dans les mœurs langagières algériennes, les étudiants, fait remarquer la chercheuse, n'ont pas appris une langue avec ses différents modes de fonctionnement, mais ont appris une nomenclature, un lexique qui leur permet de combler les «vides» laissés par la langue arabe dans des domaines différents (intimité, mode, sport, cuisine,…).
Prenant l'exemple de l'utilisation du français pour les mots se référent aux études, Fatma-Zohra Mekkaoui constate que les étudiants s'approprient d'autres termes spécifiques à leurs études.
C'est ainsi que «polycop» «rattrapage», «amphi» et autre «synthèse» sont devenus quasi présents dans le langage des étudiants. Pour «synthèse», ils font même jouer le procédé de dérivation et forment le verbe «synthéser» qui signifie «passer l'épreuve de synthèse». Bien sûr, l'arabe offre un vocabulaire adéquat à la désignation de ces référents, mais jamais vous n'entendrez un étudiant vous dire «el moudarradj».
Fatma-Zohra Mekkaoui précise, à ce propos, qu'il n'y a pas une concurrence entre deux langues mais entre une langue, l'arabe, et certaines réalisations empruntées au français. Les étudiants font presque naturellement cohabiter mot français et structure phrastique arabe : (Dakhal rattrapage), (Rayah elamphi)…
Aucun étudiant, même parmi les plus grands défenseurs de la langue arabe, ne se hasardera à utiliser le mot «hafila» pour bus, «el Iqama», pour cité, ou «el matâam», pour resto. Les raisons et les motivisations de cet état de fait diviseront linguistes et sociologues (selon le bord idéologique auquel ils appartiennent), mais le fait est que le français fait indéniablement partie de la langue algérienne.
– Le français au service de l'humour et de la… drague
Comment les locuteurs algériens (les jeunes en l'occurrence) s'approprient-ils le français ? Fatima-Zohra Mekkaoui, universitaire, s'est intéressée à la question dans un texte sur «les stratégies discursives des étudiants et l'utilisation du français», paru dans la revue du Crasc Insaniyat.
Elle constate que pour draguer, dans les allées de l'université de Constatntine, les étudiants lancent à la cantonade, l'expression : «Le corps et le décor». Précisons d'abord que les deux articles définis masculins et la conjonction de coordination ne sont pas dits en français mais en arabe : l'article «el» et la conjonction «wa».
«Cette expression, écrit-elle, est quasi présente dans le langage des garçons. Soit entre eux pour parler des filles, soit adressée directement aux filles sous forme de compliment. En utilisant cette expression ‘ramassée', ils disent en bloc leur appréciation sans fournir l'effort de la recherche du mot juste ou approprié. Par- là, malgré eux, ils renseignent sur leur idéal féminin».
Quant aux étudiantes, elles soutiennent qu'elles ne sortiront pas de l'université sans «le diplôme et l'homme». Elles résument ainsi en une seule expression dite en français leurs objectifs dans la vie. «L'université, lieu de savoir et de culture, où l'on est censé étudier, apprendre et se former, se voit attribuer une nouvelle mission : trouver un mari.
L'expression ‘l'homme et le diplôme' prend tout son sens dans ce contexte. Les jeunes filles en sont conscientes et ce sont elles qui ont attiré notre attention sur la chose suivante : passé l'âge des études, il devient très difficile de rencontrer un garçon», explique Fatma-Zohra Mekkaoui. Pourquoi s'expriment-ils en français ? Pour s'exprimer sur leur relation amoureuse, sur le jeu de la séduction ou encore sur ce qui familièrement s'appelle «la drague», ils emploient le français. «Nous sommes en présence d'un paradoxe difficile à admettre.
D'une part, le français est une langue étrangère. D'autre part, elle permet de prendre en charge l'expression de l'intimité. Il faut peut-être tenter une explication qui relève de la psychologie», explique Fatma-Zohra Mekkaoui. Et d'ajouter : «Les jeunes filles, par exemple, vous diront toutes : ‘Je suis indisposée' ou bien : ‘J'ai mes règles'. Aucune de celles avec qui nous avons travaillé ne s'est exprimée autrement qu'en français concernant ce sujet. Pourtant, les équivalents en arabe classique ou en arabe algérien existent. Ils sont perçus comme impudiques ou honteux.» A. B.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.