Vocables - «Le dictionnaire des mots d'origine française dans la Daridja algérienne : les influences du passé sur le parler algérien» est une publication signée Aomar Aït Amrane et parue aux éditions Dar Khettab. Voilà une publication qui a emprunté une voie originale dans le domaine de l'édition. Un dictionnaire des mots de langue française incorporés dans notre «derdja», la Daridja. La langue de tous les jours et de tout un chacun dans la rue. Langage de la communication à grande échelle dans notre société. L'innovation de cet outil de recherche et didactique, on le doit à Aomar Aït Amrane qui a réalisé un travail de recherche sociolinguistique sur une centaine de termes usités dans le parler algérien. Des locutions qui se sont intégrées dans le discours oral et investi l'espace social. Cependant, l'Algérien a depuis longtemps «incorporé» des mots de la langue française dans sa propre langue «en leur faisant subir, selon sa maîtrise de l'outil, toutes les altérations possibles jusqu'à en modifier complètement la linguistique locale, ce qui a fait que certains vocables se sont algérianisés sous l'effet des nombreuses transformations dont ils ne cessent de faire l'objet». Comme le constate, le préfacier Mohand Amokrane Aït Djida, maître de conférences à l'université de Chlef, la situation linguistique algérienne est des plus singulières. En effet, de par sa géographie et son passé historique l'Algérie a emprunté des expressions étrangères au fur et à mesure des siècles, enrichissant sa propre langue courante, la Méditerranée étant pourvoyeuse de brassages humains et de mots venus d'ailleurs. Toutefois, selon M. Aït Djida, aucune autre langue étrangère n'a eu plus d'impact sur le parler des Algériens que le français. 130 ans de colonisation expliquent et justifient ces emprunts linguistiques ayant créé leur propre histoire dans «la Daridja». Le passage des mots d'une langue à l'autre a toujours existé souligne-t-il, en mettant l'accent sur l'inexactitude de la thèse «la pureté d'une langue». Celle-ci, si riche soit-elle, ne peut échapper au «métissage» linguistique par l'intermédiaire de nombreux vecteurs, notamment les flux des échanges commerciaux et ou migratoires. L'universitaire constate qu'avec l'appropriation de la langue française, les Algériens ont formé des concepts spécifiques qu'eux seuls, en saisissent la compréhension pour en avoir fait leur «colonie». Il y a lieu d'écrire qu'il n'y a pas eu de transfert du français vers l'arabe algérien mais une appropriation, du français, par la Daridja dont elle s'accommode pour enrichir son lexique dialectal. Il est incontestable que l'assimilation du français dans le dispositif linguistique de la Daridja lui ôte sa particularité de langue étrangère auprès des locuteurs. Comme pour tous les dictionnaires bilingues, l'ouvrage comporte deux entrées, l'une se rapporte au vocable en langue française et à sa mutation vers la derridja. Dans cette partie, l'auteur propose différentes positions à partir d'un graphique qui oriente le lecteur sur la technique phonologique restituant la mutation du vocable en derridja. L'autre entrée restitue le terme en «derdja» ainsi que sa fonctionnalité dans le langage courant.