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De l'arbitraire administratif aux guichets lazaréens
Publié dans El Watan le 04 - 02 - 2009

Peu de temps après son accession à la présidence, assis dans le bureau ovale de la Maison-Blanche, le président Kennedy prêtait l'oreille à la suggestion d'un visiteur. « C'est là une idée de premier ordre », déclara Kennedy. Puis, à la surprise du visiteur, il ajouta : « Et maintenant, il faut voir si nous pouvons la faire admettre par le gouvernement ».
Son visiteur croyait que l'ordre du Président ferait se précipiter tous les membres de la bureaucratie fédérale pour exécuter ses désirs. Mais Kennedy savait que l'autorité présidentielle, descendant la pyramide bureaucratique à partir de la Maison-Blanche, n'était pas suffisante pour mettre un projet à exécution. Il fallait quelque chose de plus, car un autre genre de pouvoir existe, invisible, mais aussi important que le pouvoir officiel, c'est le pouvoir de la structure officieuse, inférieure à la pyramide, que l'on peut nommer la « face interne » de l'administration. C'est d'elle que parlait le président quand il disait devoir faire admettre l'idée en question par le gouvernement. Lorsque l'on s'attaque à ce sujet, sans préjugé et avec un désir d'analyse, les notions deviennent comme toujours moins simples, les reproches plus difficiles à localiser, le domaine plus rebelle à délimiter et les remèdes moins faciles à trouver. C'est seulement d'un profonde analyse que peut résulter une amélioration, les imprécations n'ayant pour effet que de soulager le cœur, sans changer l'état de fait.
Le pouvoir administratif
Le pouvoir administratif, en abrégé, le pouvoir « A. D. M. » à ne pas confondre avec l'« Arme de Destruction Massive », est au cœur du dispositif. Nous trouvons en priorité tous les services publics disposant, avec la complicité d'en haut, d'un pouvoir, voire de pouvoirs effectifs. Le pouvoir de plaisance : ce pouvoir donne au bureaucrate — du moins dans son imaginaire — le droit de vous laisser mariner, longtemps debout, quel que soit votre âge, votre statut, votre niveau culturel ou intellectuel, pendant que lui affecte une occupation nullement prioritaire ni urgente qu'il peut aisément différer. Communiquer avec un bureaucrate, qui ne vous observe qu'à la dérobée et dont le moral devait être voisin de l'altitude zéro, n'est pas chose aisée.
Nous sommes toujours « ses administrés assujettis » qui n'ont que le droit d'obéir et de servir de cobayes aux fantaisies de sa puissance, à l'exercice de ses prérogatives devenues une sorte de culture physique de l'autorité. Des exemples de ce pouvoir de plaisance peuvent être cités et existent à profusion. Nous les subissons chaque jour. C'est de ce pouvoir dont jouit abusivement le bureaucrate qui fait de lui un personnage « important », utile, déterminant, sans lui tout s'écroulera. A défaut de s'élever au niveau des exigences dictées par les circonstances, en faisant preuve de hauteur d'esprit, il vous rabaisse au sien.
Le pouvoir de complaisance : le supérieur bureaucrate cautionne toutes les dérives de son subordonné, et le subordonné cautionne toutes les dérives de son supérieur. Par une sorte de pacte tacite, une solidarité naturelle sans faille s'exerce en les bureaucrates. Ils ne tolèrent aucune contradiction allant à l'encontre de leur raisonnement dans la plupart des cas obtus et n'admettent aucune critique envers un collègue aussi grave soit la négligence. Le chef bureaucrate vous recommande toujours d'aller vous entendre avec son subordonné, c'est-à-dire vous suggère de capituler tout simplement.
Le pouvoir de nuisance : dans tout système administratif(1) sciemment bureaucratisé, tous les mouvements des administrés, c'est-à-dire du peuple prononcer du bout des lèvres « peu » ou « peuh » (comme Hervé Bazin), sont soumis à des procédures administratives inévitables. Où que vous alliez, APC, douanes, hôpitaux... même en rendant visite à votre tante malade, vous êtes sommé de vous soumettre au diktat du chauffeur de taxi qui ne consent à vous prendre que si votre destination est sur son itinéraire. C'est dire que le « peu » a perdu le dernier carré de souveraineté qu'il lui reste. La bureaucratie, en usant de ce pouvoir de nuisance, peut vous refuser allégrement sans la moindre sanction ni remords la délivrance d'un papier en puisant dans son fonds documentaire de prétextes inépuisables qu'elle avait patiemment constitué tout au long son existence.
Le cumul par « hold-up » de pouvoirs nuisibles à la bureaucratie et à son public détermine l'infantilisme réel des hommes en l'absence d'autorité hiérarchique assumant pleinement son rôle. Quand la surveillance des chefs disparaît, apparaît alors la décontraction des subordonnés et la légèreté des services. La déresponsabilisation et l'insouciance habitent les bureaucrates dont la maturité n'est pas suffisante. L'ignorance des sanctions et les dysfonctionnements qui s'ensuivent dans le travail expliquent la tendance aux dérives, aux bévues, aux bavures commises sans que personne ne s'en offusque, bien plus, admises même par les plus rationalistes. Quelques foyers de résistance subsistent cependant ça et là, de temps à autre, vite neutralisés, défiés, considérés comme provenant d'une autre galaxie. Environné d'ennemis qu'il a lui-même façonnés, comme un insulaire d'eau, le bureaucrate, on le concevra aisément, demeure sur ses gardes. Il est méfiant. Puissions-nous même dire qu'il grandit méfiant, fait carrière dans la méfiance et meurt d'autant plus méfiant qu'à l'instar de ces timides qui ont des accès d'audace, il a été à diverses reprises victime d'attaques foudroyantes de crédulité.
Les tendances maladives de la bureaucratie : le management public exige de l'administration industrielle et générale le bon caractère à la bonne fonction et le bon comportement au bon moment. Ne vaut-il pas mieux un homme équilibré, calme et mesuré comme gardien de but et un homme volontaire, acharné comme avant-centre ? Nous utiliserons des termes qui qualifient des maladies jugées rédhibitoires dans le travail. Il convient ici d'apprécier les relations de l'administration en fonction des tendances mentales des uns et des autres. Nous ne faisons pas dire ou penser dans ce qui suit, ce qui n'y est pas. Nous restons mesurés et humains. La recommandation est d'autant plus insistante que le sujet se prête aux excès et à la démesure. Nous faisons allusion ici dans le texte à une maladie.
L'autisme
Il définit un état psychologique permanent caractérisé par une perte de contact avec la réalité. Ce repli sur soi s'accompagne d'un rejet du monde. Communiquant de moins en moins, l'autiste s'éloigne mentalement de son environnement quotidien. Le visage n'exprime aucun sentiment et la personne reste plongée dans un mutisme profond. Le corps ici, la pensée ailleurs. L'autiste peut développer deux catégories d'isolement :
l'isolement fonctionnel : il s'agit d'une solitude professionnelle qui s'accompagne d'un goût progressif pour l'autonomie, la liberté solitaire et une indépendance complète. Le morcellement des tâches et la concentration individuelle favorisent l'apparition d'une autonomie personnelle proche de la constitution d'un univers clos. D'où découle un repli sur soi et l'exclusion des autres. Les individus touchés par cet isolement maladif refusent les relations, méprisent le dialogue et renâclent à faire l'effort d'adaptation exigée.
La solitude élitiste
L'isolement élitiste est vécu comme uns signe d'excellence et d'élitisme. L'individu ou plutôt le pontife qui développe cette solitude élitiste s'identifie dans son imaginaire à l'aristocrate de l'esprit qui ne saurait se mêler à la médiocrité ambiante. Du haut de sa haute opinion de soi, il juge les autres indignes de partager ses impressions, et ses « vastes connaissances ». Il s'isole dans une solitude supérieure, et évite la tourbe. Jadis, cette « maladie » trouvait son terrain de prédilection dans la classe des hauts fonctionnaires. Aujourd'hui, elle tend à se généraliser et se démocratise de plus en plus, pour toucher l'ensemble des classes sociales les plus insoupçonnées, qui par mimétisme, qui par riposte… préventive (eh oui, elle existe !), qui par défense de sa bulle sociale. Son développement et/ou sa régression sont proportionnels au niveau culturel ambiant.
La construction de la personnalité dépend de son environnement, puisqu'elle cherche à s'adapter à ses exigences. A force de vous entendre dire que vous êtes génial, la conviction ne tardera pas à s'affirmer en vous. A contrario, en vous disant maladroit, on vous rend maladroit, par la pression du dire et la croyance progressive en sa véracité. Une telle adéquation du comportement à des affirmations répétées révèle la puissance du conditionnement par le langage.
Du dilemme du fonctionnaire…
Devant exécuter des lois ou des ordres lointains, qui nécessairement n'ont pas prévus tous les cas, le fonctionnaire se trouve pris entre deux risques :
s'il applique rigoureusement les textes, les affaires n'avancent pas.
S'il fait preuve d'initiative, il exerce un pouvoir, assorti de l'inévitable arbitraire. Il oscille constamment entre ces deux excès et tombe souvent dans l'un ou l'autre. Dans le premier cas, le fonctionnaire s'exposera à de cordiales réprimandes et de vives félicitations. Dans le second, il est éligible à une formule qui combine l'éloge et… la sanction. Les règlements sont toujours plus sévères qu'il ne faut, de sorte à ce que l'administration ait toujours raison. Tout l'art du métier est de savoir violer les règles de façon intelligente. L'administration est un corps vivant qui se défend, régit aux pressions extérieures. Chaque fois qu'elle se jugeait, elle se renvoyait absous, mais elle ne se lassait pas de rouvrir son procès. Dans le réseau de transactions entre bureaucrates et administrés, se conjugue l'adversité réciproque qui moule les attitudes en conséquence. Tout se passe entre l'administration et les administrés comme si les seconds rendaient en haine ce que la première leur donne un mépris. Dès lors, plus la fraude est étendue, plus la réglementation se complique. Cette complication engendre à son tour une réaction défavorable des administrés. Public et administration se façonnent l'un l'autre, de sorte que bien souvent, les reproches faits par l'un à l'autre ne sont en fait que des critiques du tempérament ambiant, s'exerçant à travers la fonction ou la situation.
… à l'univers lazaréen de l'administration
Les administrés vieillissent — selon le lange populaire bien de chez nous — face aux guichets dans une forme larvaire d'un ennui jamais éteint. Beaucoup en vivent et tentent de se frayer une issue à travers ces insaisissables guichets qui, à nouveau, les entourent les envoûtent, les déroutent. Le choc émotif demeure plus puissant que jamais dans cette atmosphères de dégoût, de fatigue, de nervosité et surtout d'attente exaspérée, jusqu'à se surprendre à se comparer au « concentrationnaire » ou à une comédie inhumaine. Aussi, comment ne pas souligner l'extraordinaire « laisser-aller » de ce milieu lazaréen où justement rien n'est tenu, où tout est dispersé pulvérisé, où les journées ont un aspect provisoire, inachevé, où les nuits ne tiennent pas au sommeil, où les consciences se relâchent, où les amitiés se dénouent, où tout se morcelle indéfiniment. Ce témoignage sera d'abord amené à décrire non avec une minutie une situation lazéréenne où la solitude la plus étrange que l'administré ou plutôt le « déporté » aux guichets aura à supporter. Un lazaret serait plus humanisé qu'un guichet.
Le bureaucrate et le technocrate
Dans bien des cas, le bureaucrate est assimilé à un technocrate(2). Nettement péjoratif, le technocrate dépasse le paisible bureaucrate, en ce sens que le technocrate a l'esprit abstrait, au nom du système dans lequel il est inséré, cherche à imposer ses vues sans tenir compte des souffrances et des réalités que vivent les autres, contres lequel ceux-ci sont totalement désarmés. Le technocrate est celui qui sait tout, mais ne comprend rien ; tandis que le bureaucrate est celui qui comprend tout, mais ne sait rien.
Prompt à s'emporter contre la bureaucratie, le public fait preuve d'une remarquable patience et endure, sans se révolter, les difficultés que lui imposent les bureaux. La personne qui proteste n'a toujours pas la partie belle. Devant elle, un employé impassible qui en a vu d'autres et qui sait les réponses à donner, alors que le protestataire fait figure de grincheux ridicule. Devant lui, dans la file, les impatients lui reprochent de retarder leur tour et craignent d'être mal vus de cette autorité, redoutable par sa propre passivité.
Si draconien soit-il, un règlement trouve toujours des accommodements. L'administration se charge de veiller à sa stricte application et de l'enrichir peu à peu de décrets prétoriens. Nous étions déjà habitués à la mentalité de la méfiance d'origine sacrée, qui cerne tous les actes et mine les intentions de tout administré, ce pêcheur en puissance. Du soupçon, l'administration fit un dogme. Ses interdictions devinrent un véritable réseau de barbelés. Les plus influents et les « pistonnés » interviennent à un échelon plus élevé ou dans les coulisses ; les autres, c'est-à-dire certains parmi vous et moi, ce que Hervé Bazin appelle le « peu » ou le « peuh », sommes en quelque sorte écrémés, ne méritant aucun égard.
L'administration sait, comme toute autorité prévoyante, instituer des règlements plus que durs que nécessaires et pratiquer certaines tolérances de façon à pouvoir menacer le récalcitrant d'un retour à la règle. Si le public est contre l'organe, il ne l'est pas toujours contre la fonction. C'est sous la pression de l'opinion que l'intervention de l'Etat s'est constamment développée et que l'administration s'est compliquée. Si les administrés éprouvent le besoin de justice et le besoin de services, ils sont foncièrement incapables, sur une question donnée, de peser à la fois l'actif et le passif. Après avoir accepté ou demandé l'actif, ils repoussent le passif, montrant du reste une certaine logique de défense : demander le maximum pour ne pas être condamnés au minimum.
L'invasion bureaucratique
N'ayant que des adversaires, combattue à toutes les époques, sous tous les cieux, par tous les régimes de toutes les doctrines, particulièrement la doctrine libérale qui fait sienne l'idée si simple que le travail est une marchandise soumise à la loi de l'offre et de la demande fondée sur la devise « Laisser passer Lucifer », qui nous autorise à spéculer sur les salaires, sur la vie des hommes, comme le blé, le sucre ou le café, la bureaucratie subsiste et mieux encore elle se développe et contre tous. Posons le problème de la manière la plus simple pour ne pas dire simpliste : puisque dans « bureaucratie », il y a « bureau » et « cratie », dès lors que les deux inconvénients sont dénoncés, le premier pour son coût de toute nature (financier, économique social...) et le second par son abus de pouvoir, nous avons deux problèmes : • Comment éviter la prolifération des bureaux ? • Comment éviter les abus de pouvoir ? Plus une administration est perfectionnée, plus elle élimine l'arbitraire humain. Dans une administration parfaite, où l'homme joue un rôle d'engrenage, la paresse, la malhonnêteté, l'injustice n'ont plus l'occasion de sévir. De même que la machine est bâtie pour administrer une succession de mouvements prévus une fois pour toutes, de même l'administration ne crée point non plus. Elle applique telle sanction à telle faute, telle solution à tel problème. Une administration n'est pas conçue pour résoudre des problèmes neufs.
Comme bien d'autres fléaux sociaux, la prolifération des bureaux ressemble, toute proposition gardée, à la prolifération des bidonvilles renvoyant une image hideuse de nos villes et la clochardisation de notre environnement citadin. Qui de nous n'a pas assisté à des scènes surréalistes où des troupeaux entiers de moutons traversent nos grands boulevards, gênant considérablement la circulation automobile. Nous ne savons du coup si nous sommes dans une capitale ou à la campagne. L'Algérien semble ignorer que vivre dans une ville passe par le respect de certaines règles élémentaires liées à la vie en collectivité. Eradiquer les bidonvilles, c'est régler la quasi-totalité des problèmes sociaux vécus par la capitale, et accessoirement nos grandes villes. La prolifération de cet habitat dit par euphémisme « précaire » se déroule à ciel ouvert, au vu et au sud de tout le monde avec, parfois, malheureusement, la passivité des autorités. Ce type de pratiques est devenu un créneau juteux et le comble, il n'inquiète personne.
Ce problème récurrent tend à s'installer définitivement et s'imposer nolens volens à tout le monde dans une résignation fataliste généralisée. Habiter Aïn Naâdja, entouré de baraquements, n'est pas du tout réjouissant. L'amère expérience n'est pas près de s'estomper et semble être inscrite dans la durée. Jusqu'à quand ? Seule solution imaginée, la police de proximité dans l'intention bien louable et méritoire de freiner ce phénomène propre au pays les plus sous-développé, les plus arriérés, qui ne concerne en principe pas notre pays. A notre sens, et en toute objectivité, l'Algérie, Dieu merci, n'est pas de ce peloton et encore moins arriérée, loin de là. Alors ! Qu'attendent les pouvoirs publics pour éradiquer une fois pour toutes ces îlots d'indignité, comme l'a si bien dit Monsieur le wali d'Alger ?
Après cette brève évasion, revenons à notre univers bureaucratique. Pour que l'administration cesse d'être un labyrinthe, impénétrable, inconsistant et toujours en état de germination, il faut qu'elle soit transparente, sinon le moins opaque possible, avec un effort constant d'extériorisation de ses activités. En permettant d'éclairer la forteresse, elle donne le moyen non seulement de combattre la prolifération des bureaux, mais aussi les abus de pouvoir. Cette transparence doit être imposée par l'autorité contre la volonté de l'administration de dissimuler son fonctionnement. Il y a certaines administrations qui ne trouvent la lumière que dans l'obscurité. Une administration cesse d'être efficace quand elle n'est qu'une somme de fonctionnaires. Une cathédrale est bien autre chose qu'une somme de pierres. Elle est géométrie et architecture. Ce ne sont pas les pierres qui la définissent, c'est elle qui enrichit les pierres de sa propre signification.
En tout état de cause, la lutte contre les effets néfastes de la bureaucratie viendra du reste des hommes et des experts. Ils ne se méprennent point sur la qualité de leur plénitude ; mais faute d'occasions nouvelles, faute de terrain favorable, ils ne sont rendormis, sans avoir cru en leur grandeur. « Certes, les vocations aident l'homme à se délivrer, mais il est également nécessaire de délivrer les vocations. » Saint-Exupéry Laissons chaque citoyen méditer sur la difficulté de former quelque projet cohérent contre ce montre informe. Sur ce point cependant, nous insistons fermement : la bureaucratie ne se guérit pas par des imprécations. Les invectives contre les bureaux soulagent le cœur et apaisent intérieurement. Non seulement elles ne résolvent rien, mais elles retardent la solution véritable qui ne peut être que le fruit d'une profonde et sérieuse réflexion. On ne s'insurge pas contre une machine, ou en étudie le fonctionnement pour la modifier.
Notes de renvoi :
1) C'est un poète de la pléiade, Pontus de Thyard, qui semble avoir apporté le premier le mot « système » dans la littérature française. L'usage du mot ne se développera cependant qu'à partir de XVIIIe siècle en France. On le retrouve chez trois catégories de gens : les philosophes, les mathématiciens (les astronomes surtout) et les biologistes. Cela s'explique, car la notion « d'ensemble » contenue dans celle de système satisfait un esprit philosophique qui cherche à comprendre l'enchaînement des démarches de pensée, un astronome qui cherche à expliquer les relations qui existent avec les différents astres, un biologiste qui depuis la découverte du médecin anglais Harvey connaît un grand système : la circulation du sang. Par la suite, l'usage du terme se généralisera. Dans le domaine social, économique et politique, il se teintera d'une marque péjorative : un système est une grosse machine engagée dans un processus lent, inefficace et statique.
2) - C'est Howard Scoot qui utilisa le premier ce terme aux Etats-Unis en 1931. Il désignait par ce nom les disciples de Velblen, partisans d'une direction de l'économie pour éviter le retour de la célèbre crise du jeudi noir. Le technocrate est un homme doué de réelles compétences techniques (aussi bien financières, industrielles qu'administratives), et qui par-delà sa spécialité possède un pouvoir politique. Du fait qu'il dispose de toutes sortes d'informations, il influence les décisions par la sélection qu'il opère dans la préparation des dossiers soumis au pouvoir politique. Ce terme est souvent utilisé de façon péjorative, dans la mesure où le technocrate se soucie avant tout de sa propre technique et non des préoccupations sociales.
Sonatrach Siège-Hydra, Alger


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