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Ghania, Malika, Jacqueline et les autres…
Belgaïd Ghania, épouse Drif-Ancienne condamnée aux travaux forcés
Publié dans El Watan le 12 - 02 - 2009

« Soyez toujours le protecteur des opprimés et l'ennemi des oppresseurs. » L'imam Ali
Les amis de la vérité sont ceux qui la cherchent et non ceux qui se vantent de l'avoir trouvée. La guerre, ce n'est pas l'acceptation du risque, c'est l'acceptation pure et simple de la mort. On ne demande jamais au vainqueur s'il a dit la vérité.
Sur la photo jaunie par le temps, on les voit poser : captives, fières et pas trop affectées, du moins si l'on se fie aux apparences. Plus d'une douzaine de jeunes filles, belles comme le jour, Malika, Djouher, Jacqueline et… les autres. Ghania est parmi elles qui esquisse un sourire narquois. En fait, à bien regarder, elles sourient toutes, manière de faire un pied de nez magistral à l'adversité, de narguer leurs geôliers et sans doute pour exorciser ces moments douloureux. Quoi de plus précieux que la liberté qu'on vient de leur confisquer ? On est en pleine guerre d'Algérie. Ces combattantes sont incarcérées à la prison de Pau en France. Conditions difficiles pour ces filles, dont la plupart sortaient tout juste de l'adolescence. Ces filles étaient aussi un symbole éclatant de la lutte du peuple algérien pour recouvrer ses droits.
Et jamais auparavant le mouvement national n'avait connu une si imposante présence féminine. Au cœur du combat, les femmes sont rapidement considérées comme un élément important susceptible de faire basculer le devenir de l'Algérie. La bataille d'Alger, particulièrement, sera un élément déterminant, avec les poseuses de bombes et les réseaux de soutien. Plus qu'une combattante avec les armes, la femme s'occupe de la logistique et de la psychologie envers la population féminine que l'administration française voulait séduire en la dotant d'un statut « émancipateur », jouissant des mêmes droits et devoirs que leurs concitoyennes avec pour la première fois, en 1958, le droit de vote. Belgaïd Ghania se souvient bien de cet épisode qui a marqué sa jeunesse, affirmant que « c'est grâce aux énormes sacrifices consentis que l'objectif a été atteint. » Ne dit-on pas que les grandes révolutions naissent des petites misères comme les grands fleuves des petits ruisseaux ? Le 16 août 1957, à 19 ans, Ghania cette « Française musulmane » comme mentionné sur l'acte d'accusation est condamnée aux travaux forcés à perpétuité pour « association de malfaiteurs et tentative d'assassinat », selon le verdict de la première chambre du tribunal permanent des forces armées d'Alger.
Une famille modeste
Ghania est née le 9 juin 1937 au 23 rue des Mameluks à Alger. Issue d'une famille nombreuse et modeste de onze enfants, elle a fait sa scolarité jusqu'au certificat d'études à la rue Marengo. Son père, Ali, était journalier. Elle habitait un immeuble où elle avait pour voisine la famille de Sid Ali Abdelhamid, dont on ne manquera pas de souligner l'engagement politique. « La politique est venue sans frapper chez nous. On en était imprégnés très jeunes. Pour cela, je rends hommage à lla Keltoum, mère de Sid Ali, et sa fille Saléha qui nous ont aidées à prendre conscience de notre condition d'opprimés.
Il y avait des réunions de femmes venues de tout le voisinage pour écouter, que dis-je, boire les paroles des Mamia Chentouf, Zhor Cherchalli, N'fissa, Fatima Zekkal, Malika Mefti, pionnières en matière de conscientisation et qui venaient régulièrement expliquer le pourquoi de l'engagement de la femme algérienne. Cela se passait déjà à la fin des années 1940. Les réunions étaient ponctuées du nachid Min djibalina. Sid Ali, qui était cadre du parti, complétait cette formation politique. Il était dans la ligne de mire de l'administration en raison de ses activités. Et notre immeuble était souvent envahi par les inspecteurs de la DST qui venaient l'arrêter. Ce sont des moments qui nous avaient marquées. J'ai grandi dans cette atmosphère jusqu'au déclenchement de la révolution. J'étais en contact avec Zhor Tobiche dont le mari Abdelhakim était déjà engagé, puis avec le cousin de ma mère Aliouane Ahmed, militant depuis toujours. J'ai activé avec lui dans la clandestinité.
A sa disparition en 1957, j'ai arrêté momentanément les activités jusqu'au jour où on m'a présentée au frère Saïd Bakel, responsable politique. Avec lui, j'ai transporté des armes, des carcasses de bombe, en faisant partie du réseau de soutien. Mon engagement pour la cause était total. » Ghania travaillait sous la direction de Saïd, chef militaire de la Zone I d'Alger, tué au cours d'un accrochage avec les paras du premier REP, à proximité d'une petite ferme à Chebli. Le Journal d'Alger s'en était fait l'écho à l'époque. « Bakel était pour Alger un personnage important et l'un des dirigeants de ces groupes de choc qui semèrent tant de deuils dans les rues d'Alger. L'homme allait d'ailleurs donner toute la mesure de ses capacités. Le 10 septembre (1957), il réussissait à s'évader d'un cantonnement du premier REP. On le chercha immédiatement à Alger, mais en vain. Le chef politique de la Région I, qui était aussi et surtout le chef du réseau spécial ‘'bombes'', avait gagné le maquis. »
Poseuse de bombes
Lors de son arrestation à ses côtés, Louisette Ighilahriz, une jeune Elbiaroise, blessée et capturée. Eloigné de la ville, le chef militaire de la Zone I n'avait pas voulu commettre l'imprudence de se rendre à Alger. Il n'avait aucun moyen de communication à sa disposition et les agents de liaison qu'il eut pu trouver, encore à Alger, faisaient défaut à Chebli. Il mourut les armes à la main. « Un jour, nous étions à Soustara. Il y a eu une descente et Bakel m'a demandé s'il m'était possible de trouver un refuge. J'ai pensé à une amie, perdue de vue et retrouvée chez ma sœur à Clairval : Malika Ighilahriz, dont les parents possédaient une boulangerie. Elle était avec moi en classe à Bencheneb. Ils avaient une villa inoccupée. J'en ai fait part à Bakel qui l'a réquisitionnée : ‘'La petite mascotte'' qu'elle s'appelait. Malika a adhéré à la cause.
Comme elle était véhiculée, cela a arrangé davantage les choses. Le refuge à Bouzaréah était bien protégé, juste en face d'une caserne et n'éveillait donc pas les soupçons. Bakel m'a demandé de déposer avec Rachid Ferrahi une bombe au centre-ville, c'est ce qu'on a fait, sans trop de dégâts. On a repris le chemin de Bouzaréah. Je ne suis plus retournée à la maison. On est resté au refuge jusqu'à l'arrivée de Guendriche. L'avant-veille, on m'a envoyée avec Malika pour récupérer Zahia Taghlit à Belcourt et sept revolvers à La Casbah.
Ce qu'on ignorait, c'est que Guendriche était ‘'retourné''. A 3 h du matin, on nous arrête à la villa. Les paras étaient partout, la torture a commencé et une humiliation, dont je garde un souvenir infect. Bakel a été torturé comme très peu l'ont été. » Rachid Ferrahi se souvient de toutes ces péripéties, dont il parle avec émotion. « C'est par l'intermédiaire de Ghania, car elle connaissait Malika Ighilahriz, qu'on a pu nous débrouiller un refuge dans une villa inhabitée, appartenant à la famille de Malika. Ghania est une militante discrète, mais décidée qui n'a pas peur du risque, qui s'occupait aussi bien du secrétariat que du transport des bombes. Elle a un caractère bien trempé. Lorsque nous étions dans la clandestinité dans un refuge, elle était avec nous, de même que Zahia Taghlit et Guendriche. Lorsque j'ai été chargé de déposer une bombe au centre-ville, c'est elle qui m'avait accompagné.
Vous devez imaginer la dose de courage qu'il faut avoir dans pareilles circonstances. Et le courage, ce n'est pas ce qui lui manquait. C'est une militante convaincue qui a souffert, traînée de prison en prison. Elle n'en parle pas ou peu, de même qu'elle s'est pratiquement ‘'effacée'' comme nous tous après l'indépendance. Pour illustrer cela, un jour une journaliste du Monde, Mme Beaugé est venue chez moi dans le but de recueillir des témoignages sur la guerre. Ghania devait être de la partie, mais elle n'est pas venue pour des raisons personnelles. C'est vous dire, que c'est une femme qui préfère ne pas s'afficher. » Ghania a fait les prisons de Barberousse, Maison Carrée, Toulon, Toulouse, Rennes et Pau. Dans une lettre pathétique adressée à son avocat, Fatima Zohra Achour, l'une de ses co-détenues à Pau en 1959, décrit l'univers carcéral et la résistance de ses sœurs. « Pour ce qui est de notre situation pendant la grève de la faim, je puis te dire que chez nous la grève continue, seulement la plus grande majorité a été hospitalisée à l'hôpital de Pau.
Je suis parmi celles qui ont été hospitalisées les premières au bout de dix jours de grève de la faim. Je te joins les noms des sœurs qui sont ici à l'hôpital : Slimani Fatima, Danielle Minne, Zehor Zerari, Fatima Kiouane, Djamila Bouazza, Fella Hadj Mahfoud ont été hospitalisées au bout du treizième jour. Quant à moi et Slimani Fatima, Danielle Minne, Zerari Zehor nous avons été hospitalisées le dixième jour de la grève. Toutes les sœurs étaient dans un état vraiment alarmant. Actuellement, nous sommes au nombre de dix filles à l'hôpital. En prison, se trouvent toujours quatre sœurs qui continuent encore la grève, le médecin leur rend visite quotidiennement, elles ne tarderont certainement pas à nous rejoindre. Les dernières arrivées les ont laissées très affaiblies, je vous donne les noms des sœurs qui continuent en prison la grève : Djouher Akrour, Malika Korichi, Belgaïd Ghania ainsi que Jacqueline Guerroudj. » « Je pense cher ami que je t'ai éclairé sur l'évolution de notre situation pendant la grève de la faim. Nous vous sommes toutes infiniment reconnaissantes pour les démarches que vous entreprenez pour que nous obtenions satisfaction. »
Avoir 20 ans en prison
Plongeant dans ses souvenirs, Ghania en extrait des moments inoubliables. « J'ai côtoyé des femmes de conviction, désintéressées, exceptionnelles, des modèles. Aujourd'hui, il y a une nouvelle race d'Algériennes. Evoquer la pertinence de la révolution pour elle c'est un devoir, c'est la libération du joug colonial, c'est retrouver notre identité et notre indépendance. Le droit pour chacun de vivre décemment. J'ai fêté mes 20 ans en prison. On parlait d'avenir, du véritable combat qui allait commencer après l'indépendance. Hélas, beaucoup de nos espoirs ont été déçus, malgré des efforts. Je pensais à beaucoup plus d'équité, de justice entre toutes les composantes de la société. Ce n'est pas toujours évident et ce n'est guère facile.
Ce que je regrette, c'est cette jeunesse livrée à elle-même. On a combattu pour que nos enfants vivent mieux et non pas pour qu'une partie de notre jeunesse se fasse hara-kiri en empruntant des planches pour traverser la mer et quitter ce pays. Cela me bouleverse. On peut peut-être s'accommoder de tout le reste, mais cela est un drame, parce qu'on n'a pas écouté cette jeunesse. On ne l'a pas préparée. C'est une jeunesse intelligente qui veut arriver, qui veut sa part, sa place dans cette Algérie. C'est une fuite en avant dramatique. A mon époque, il y avait des modèles auxquels on s'identifiait. Actuellement, c'est le règne de la débrouille et du trabendo, faute de mieux, érigés en modèles de conduite. » Ghania ne veut pas parler de liberté, ce beau mot qui ne veut rien dire, si les esprits et les hommes sont enchaînés par les vicissitudes de la vie.
« Lorsqu'il y aura la justice pour tout le monde, et lorsqu'on pourra s'exprimer sans danger et sans risque, là on pourra longuement disserter sur ce vocable. » Quant à la démocratie, elle estime que c'est une culture à laquelle il faut se préparer de longue date. « Ce n'est pas du jour au lendemain qu'on devient démocrate. C'est toute une formation de l'esprit. Basée sur le respect mutuel, sur la tolérance et sur l'acceptation de l'autre. » Depuis l'indépendance, Ghania s'est rarement livrée, préférant ne pas s'exposer aux médias. Elle s'est occupée de sa famille, de ses enfants et de son époux, Abdelkader. « J'ai la chance d'avoir un mari pareil. Nous partageons les mêmes convictions. Lui aussi a commencé très jeune la lutte pour ensuite activer avec le regretté Amara Rachid. Après l'indépendance et jusqu'à maintenant il s'occupe à fond pour aider la jeunesse…
Parcours
Issue d'une famille nombreuse et modeste, Ghania Belgaïd-Drif est née en 1937 à La Casbah d'Alger. Comme toutes les filles de son âge, elle a fréquenté l'école de son quartier à la rue Bencheneb. Son éveil à la conscience nationale s'est fait très tôt, puisqu'elle a côtoyé la politique chez les Abdelhamid, ses voisins et auprès de sa famille. Elle s'engage résolument dans la révolution et est arrêtée, torturée et incarcérée dans plusieurs prisons d'Algérie et de France, au même titre que ses « sœurs » combattantes. Elle sera condamnée aux travaux forcés à perpétuité. A l'indépendance, elle se retire chez elle et se consacre à sa petite famille. Elle se dit peinée par la situation vécue par la jeunesse algérienne, délaissée et qui se fait hara-kiri en fuyant le pays dans des embarcations sommaires.


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