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Mohamed boudiaf
Publié dans El Watan le 07 - 11 - 2004

Mohamed Boudiaf était un grand seigneur. Il avait un port d'aristocrate, une intelligence très fine. Il lisait énormément. Mohamed était un homme intègre,
vertueux. Un homme très structuré, un organisateur né. Mohamed Boudiaf était animé d'une volonté de démocratie réelle. Il avait beaucoup souffert du manque de démocratie du PPA, des cooptations. Il pensait que c'était au contraire, en laissant s'épanouir la démocratie, que le peuple algérien avancerait.
Il voulait que l'Algérie intègre la modernité
Notre groupe, qui s'est formé fin 1955, était constitué d'anciens communistes qui avaient peu à peu pris des distances avec le parti. On était des porteurs de valises. Nous avions des contacts très étroits avec certains des nationalistes algériens emprisonnés. C'est dans ces conditions que nous avons eu un dialogue avec Mohamed Boudiaf. Mohamed Boudiaf, c'est d'abord l'interlocuteur que je ne connaissais pas, et avec qui j'ai dialogué à travers les murs de la prison. On s'est connus sans se connaître. On se connaissait d'autant que Gérard Spietzer, qui faisait partie du groupe, a été arrêté et placé en détention avec Boudiaf.
Pendant la période précédant le 1er Novembre 1954, Mohamed Boudiaf a joué un rôle essentiel et a continuellement œuvré à l'unité du mouvement nationaliste. Gilbert Meynier (historien) affirme que Mohamed Boudiaf a été centraliste, ce n'est pas vrai. Boudiaf ne pouvait pas être centraliste, il était pour l'unité. Il a créé le CRUA qui a échoué, puis les 22.
C'est à partir de là qu'a été décidé le recours à la lutte armée, avec l'idée qu'il fallait la lancer et que le peuple suivrait. Il y a tout l'apport de Mohamed Boudiaf, en particulier dans l'OS, au sein de laquelle il a joué un rôle très important. Il s'était même entraîné à devenir un militaire clandestin. Les membres de l'OS éprouvaient pour Boudiaf un attachement filial. Il ne les a pas abandonnés, il les a soutenus.
Les activistes ont lancé le 1er Novembre 1954 en sachant qu'il n'y aurait pas d'alternative, qu'il n'y aurait pas de négociations de troisième force. C'est Mohamed qui est chargé de la logistique. Il avait déjà prévu les voies d'acheminement des armes et des munitions.
Le 1er Novembre 1954, j'étais catastrophée. Je me suis dit, ils vont dans le mur. Cela va recommencer, comme au 8 mai 1945. Lancer l'insurrection dans l'état de décomposition du PPA, c'était, à mon sens, de la folie. A Niort, il y avait Messali, à Alger, le comité central. Deux congrès se sont tenus, l'un au Hamma, l'autre à Hornu. Ce n'était pas une explosion, comme le 8 mai 1945, le 1er Novembre 1954, c'était plus limité. Les Français, au début, n'y ont pas cru. C'est ce qui a peut-être permis la lente ruralisation du mouvement de Libération. A partir du moment où les masses ont été jetées en 1955 dans la lutte, celle-ci prenait une autre tournure. Zighout avait fait du bon travail, militairement parlant, lui qui n'avait rien de militaire. Libérés de prison, Boudiaf et ses camarades sont rentrés en Algérie. Moi, je ne pouvais pas partir à ce moment-là. Je suis arrivée à Alger le 12 ou 13 juillet 1962. La ville était encore en fête.
On avait le sentiment que le peuple algérien s'était levé pour dire qu'il était capable de tout. Notre groupe retrouve Boudiaf. Nous avons parlé toute une nuit. On sentait de fortes tensions. Très vite, on s'est rendu compte que la scission était irrémédiable, que deux options différentes s'affrontaient : l'une consistait en une démocratie bien organisée, et l'autre, c'était l'armée. Lorsque les troupes d'Oujda sont entrées à Alger, nous avons pris (le groupe de Paris) un taxi à destination de l'aéroport. Nous n'étions pas des pieds rouges. Nous venions en Algérie parce que nos amis étaient là, parce que c'était notre combat. Nous pensions pouvoir aider à la renaissance de l'université d'Alger. J'étais prête. Je pensais qu'il allait y avoir un moment difficile, et qu'il fallait que, nous, Français, nous assurions la transition. A ce moment-là, nous étions très liés avec Taleb Ibrahimi et Layachi Yaker.
Une formidable capacité d'organisation
Nous avons suivi, effondrés, l'installation de Ben Bella. Il y a eu une conjonction étonnante des services français – on le trouve dans les archives le nom de Ben Bella – et les services égyptiens pour «promotionner» Ben Bella. Je mène une recherche sur l'action menée sur le long terme par les services de renseignements français, action que les nationalistes algériens n'ont pas pris suffisamment en compte.
Nous apprenons, à Paris, l'arrestation de Mohamed Boudiaf. Un historique emprisonné par l'armée ! C'était quand même incroyable ! Mohamed nous avait envoyé ses notes. Je les ai encore. Le groupe s'est réuni pour décider de ce que l'on allait en faire. Nous avons mis en forme les notes, et cela a donné Où va l'Algérie ?. Le livre était prêt. On allait le publier. C'était en 1963. Un jour, on sonne à la porte, j'ouvre : je me trouve devant Mohamed. Je le revois encore avec son trench-coat. Il me dit : «Je n'ai rien, même pas un bagage.» Il est resté plusieurs mois chez moi.
Pendant presque un an, il tente de faire une percée politique avec le PRS dans l'immigration, d'une part, par la distribution de tracts, des conférences, d'autre part, par un travail vers les anciens de la Fédération de France, mais aussi en province, à travers des tournées. Je me souviens de la première conférence qu'il avait faite. C'était dans une salle du 5e arrondissement de Paris. Il avait parlé du projet qu'il avait pour l'Algérie, un projet de pays démocratique où l'armée rentrerait dans ses casernes. Un homme s'est levé, lui a posé toute une série de questions qui m'ont étonnée par la précision et par le relent des positions de Krim Belkacem. C'était un Français. C'était Yves Courrière, qui écrira Les Enfants de la Toussaint, Le Temps des léopards.
Grand seigneur, Boudiaf l'était, et il donnait sa confiance absolue. Il ne croyait pas en la mauvaise foi des gens. Non, ce n'était pas de la naïveté. C'était de la grandeur d'âme. Il était tellement sûr d'avoir un projet cohérent pour l'Algérie que ceux qui venaient à lui devaient être conquis. Il a été très vite pris en mains par des gens qui n'étaient pas crédibles.
A côté de ceux-là, j'ai vu des gens merveilleux, Boubnider, par exemple, qui a vécu à la maison, lui aussi. J'ai vu arriver des gens de valeur, comme Si Moussa. Mais Boudiaf s'est laissé enfermer par un petit groupe qui a fait barrage.
L'analyse faite par Mohamed Boudiaf du 1er Novembre 1954 (Où va l'Algérie ?, ndlr) est une des meilleures contributions – sinon la meilleure – qui ait été apportée à celui-ci. Il savait de quoi il parlait.
Quand Mohamed Boudiaf a été rappelé en Algérie en janvier 1992, j'ai eu la réaction de tous les Algériens : c'est la dernière chance. Lui seul, par sa volonté, par son intelligence, par sa capacité d'organisation qui était formidable, pouvait sortir l'Algérie de la crise dans laquelle elle était plongée. C'est alors que mon mari et moi lui avons téléphoné. Roger, mon mari, lui dit : «Je suis prêt à venir. Si tu es en danger, il faut te protéger.» Quand j'ai entendu l'intervention de Mohamed sur la corruption, je me suis dit : «Il se met en danger.» Il y avait trop d'intérêts en jeu.
Il fallait combattre la corruption, mais pas le dire. La mort de Mohamed a été pour nous, à la maison, un coup très dur.
Mon mari a eu, à ce moment, une grande dépression, parce qu'il s'est cru fautif de ne pas y être allé. Il a commencé à perdre la mémoire.
Aux origines de la guerre d'algérie
Annie Rey-Goldzeiguer est l'auteur de Aux origines de la guerre d'Algérie 1940-1945 – De Mers-El-Kebir aux massacres du Nord-Constantinois, éditions La Découverte et Casbah. Jeune étudiante à Alger, Annie Rey-Goldzeiguer a vécu les massacres de mai 1945 à Sétif et Guelma. Annie Rey-Goldzeiguer est également l'auteur, avec Jean Meyer et Jean Torrad d'Une histoire de la France coloniale (Pocket, coll. Agora, 1996). Dans l'entretien qui suit, elle raconte : «Je suis revenue d'Alger en juin 1945 où j'étais étudiante depuis deux ans. Le 8 mai 1945, j'étais à Alger. Quand je suis partie, j'ai fait un serment : je ne reviendrai à Alger qu'après l'indépendance de l'Algérie. J'ai été très marquée par les événements de 1945, parce que, quoi qu'on en dise, à Alger, nous voyions un certain nombre de choses. J'ai vu les avions qui piquaient sur le Djurdjura et les bombes qui tombaient. J'ai entendu aussi les bateaux de guerre. Je suis revenue en France en 1945 très anticolonialiste. Je croyais à la révolution, peut-être pas générale, mais au moins en France. J'étais décidée à me battre pour que cet idéal que nous portions réussisse. C'était, d'abord, une libération du joug colonial, une libération de l'individu, et pour moi, l'individu c'était la femme. Je croyais qu'il faudrait une révolution pour transformer les choses, et qu'on pourrait faire une révolution à la Gandhi. La France, ce n'est pas l'Inde. On s'en est rendu compte très vite.»


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