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« La relation qui se lie au Maghreb est fondamentale...
Gamal Al Ghitany. Ecrivain égyptien
Publié dans El Watan le 25 - 02 - 2009

Chaque année au mois de novembre, la Maison des Ecrivains et des Traducteurs de Saint-Nazaire (ouest de la France) réunit une vingtaine d'écrivains du monde entier et les invite à rencontrer leurs lecteurs autour d'un sujet (le lecteur idéal, les bonheurs de Babel, l'invention du livre, lectures lointaines, avoir vingt ans ; cette année ce fut l'histoire et la géographie).
Chaque année encore, la Maison publie à l'occasion du « meeting » le numéro annuel de sa revue Meet, chaque fois consacrée à deux littératures, et ces deux littératures (cette année l'égyptienne et la canadienne) sont mises à l'honneur pendant la durée du colloque. Invitée par les organisateurs de cette manifestation à être la traductrice interprète de l'écrivain égyptien, Gamal Al Ghitany, je dis oui en dissimulant à peine ma joie de pouvoir le rencontrer. Oui, car il est l'auteur d'Al Zeïni Barakat, des Illuminations, celui dont l'écriture transcende les époques. Et au-delà de l'Egypte, et du monde arabe, il est sans conteste un écrivain mondial. Quelque peu timide mais affable, il répondit à mes questions dans une langue faite d'un harmonieux mélange de classique et de dialectal que les Moyen-Orientaux arrivent à rendre sans que l'un ou l'autre des ces deux idiomes ne paraisse affecté. Aussi, me suis-je délectée de ses « ouakhda bel hadretek » et des « ya saiyedati al fadhela » et j'ai tenu à les rendre tels quels lors de cette interview. Profitant d'une petite récréation entre deux rencontres, je lui fis part de mon souhait de l'interviewer pour un journal algérien. Aimablement, il accepta et nous voici attablés dans le coin d'un café près de la salle de conférences. Je branchai mon dictaphone et, toute émue d'être si proche de lui, je me raclai la gorge et commençai.
Vous êtes passé du dessin sur les tapis à l'écriture romanesque, quels sont les points communs que vous établissez entre ces deux activités ?
Oui bien sûr, il existe des points communs. D'abord la création, le dessin sur tapis est une création, l'écriture est aussi une création. A mes débuts, lorsque j'ai commencé mon apprentissage et le travail sur les tapis, je ne voyais pas de relation entre ces deux activités. Mais après avoir commencé cet exercice, j'ai découvert que le travail du tapis m'a aidé dans celui de l'écriture. En fait, je me suis spécialisé dans le tapis classique. Mais c'est bien après que j'ai réalisé ce que m'a appris ce travail : la précision, la miniature, le goût, l'harmonie des couleurs.
Quelque temps après, j'ai commencé à appréhender la philosophie d'un tapis ; j'ai en effet appris à contempler un tapis, à méditer devant sa beauté, sa profondeur et le message qu'il peut nous transmettre. Un tapis est une mémoire, celle des gens qui le fabriquent. C'est la mémoire des faits, des évènements, des couleurs et des étapes de sa réalisation. Quand vous le regardez, vous vous demandez qu'est-ce qui fait qu'un tapis est différent d'un autre ? Tous ces éléments, toutes ces conditions font qu'un tapis reflète lors de sa réalisation la vie des gens et leur vision des choses ; voyez-vous madame, il en est de même pour l'écriture.
Après avoir quitté ce métier, vous vous êtes orienté vers l'écriture ; est-ce qu'il vous arrive d'y retourner parfois ?
Oui, ces dernières années, il m'arrive d'y retourner, mais d'un point de vue philosophique, non pas en tant que producteur ou dessinateur ; j'ai pris, disons, de la hauteur de vue dans ce domaine, c'est l'art que je contemple maintenant… Mon souci est celui d'arriver à la spécificité. Bon, que veut dire la spécificité ? C'est dans le sens où je veux écrire un roman que personne ne peut écrire, l'œuvre d'un tapis est l'une des voies qui conduit à cette spécificité.
Lorsque vous écrivez…
A propos, je suis considéré comme l'un des grands spécialistes en Egypte en matière de tapis. On me consulte parfois lorsqu'il y'a une difficulté quelconque ; il y a quelques années le ministère des Affaires étrangères a fait appel à moi pour l'évaluation d'un tapis rare de Boukhara. On a dit au ministre : il n'y a qu'une seule personne qui peut le faire, c'est Gamal Al Ghitany. Le ministre a dit : « Mais c'est un écrivain. Qu'est-ce qu'il a à voir là-dedans ? » Oui, c'est un écrivain, mais son premier métier est celui du tapis.
Monsieur Al Ghitany, lorsque vous écrivez un roman, avez-vous en vue un lecteur particulier ? Est-ce l'intellectuel ? Le gouverneur ? Monsieur Tout-le-monde ?
Prions sur notre prophète chère Madame ! Je peux vous dire personne, personne… ; depuis plusieurs années, je ne pense à aucun lecteur en particulier. Croyez-moi, lorsqu'un écrivain pense au lecteur, cela le conduit à faire des concessions. Je m'explique : il y a quelques années, j'étais très enthousiaste pour les idées socialistes et notre souci était de nous rapprocher des « masses », comme on disait à l'époque ; par la suite j'ai réalisé que si on appliquait cela à la littérature, ça reviendrait à baisser son niveau, à rendre l'écriture superficielle et plate. Chère Madame, en ce moment, il n'y a qu'une chose qui me préoccupe, c'est le temps ; j'ai peur du temps et je voudrais écrire ce que j'ai en moi, ce que j'ai à écrire.
Je ne suis pas un écrivain à la recherche d'un sujet, j'ai des sujets, j'ai des projets. Ce dont j'ai besoin, je vous l'ai dit, c'est le temps. Alors écrire pour un grand public ou un petit public, ce n'est pas mon problème. Je pense qu'une écriture de qualité arrive à toucher le lecteur et je dirais même à l'atteindre, quelles que soient les conditions de ce lecteur. Si nous prenons l'exemple d'Al Zeïni Barakat, lorsque j'ai écrit ce roman en 1980, certains l'ont trouvé difficile. Mais avec le temps, ce roman est devenu une lecture pour la jeune génération, et maintenant c'est un classique.
Ce qui veut dire que vos écrits sont considérés comme étant difficiles et ne touchent pas aisément le grand public…
Je pense qu'un écrivain, lorsqu'il est sincère dans son écriture, quelle qu'elle soit, peut atteindre le « grand public » et pour preuve Les Illuminations. J'ai écrit un roman dont je ne pensais pas qu'il allait être publié ou diffusé, mais aujourd'hui, il y a deux impressions par an ! Mais bien sûr, je souhaite que mes lecteurs soient nombreux, mais c'est moi qui pose les conditions. (il rit)
Feu le poète Mahmoud Darwich, dans sa dernière période, semblait irrité lorsqu'on parlait de lui comme un poète engagé. En réalité, il aspirait à l'universalité et ne voulait pas qu'on le réduise au domaine de l'engagement. Comment voyez-vous l'engagement en littérature ?
Madame, pour moi, il y a la littérature et la non-littérature… Moi j'étais très proche de Mahmoud Darwich. Par ailleurs, de son côté, il disait qu'en Egypte trois noms comptaient pour lui, trois personnes qu'il aimait et appréciait : Mohamed Hassanein Heikel, Abderrahmane El Abnoudi et Gamal Al Ghitani. Ma relation avec Darwich était saine et exempte de toute susceptibilité ou frilosité ; nous nous respections mutuellement. Avant sa mort, il diffusait un de mes derniers ouvrages : Les Poussières de l'effacement. Concernant Darwich, les gens pensaient que c'est à travers son engagement qu'il s'est fait connaître comme poète ; oui, d'accord, je ne vois pas de contradiction en cela, car en même temps il voulait se réaliser en tant que poète universel.
C'est sa vie, ce sont ses conditions qui étaient ainsi et qui ont fait qu'il devienne un des pères de la cause palestinienne et ce, dès le départ, dès le début. Par la suite dans le monde arabe, la poésie de la résistance s'est propagée, suite à la défaite de 1967. D'ailleurs il en avait conscience lorsqu'il écrivait alors dans un célèbre article : « Epargnez-nous de cet amourdestructeur/ravageur. » A mon avis, M. Darwich a rencontré la cause palestinienne lorsque sa poésie a touché plus avant l'universalité et l'humanité. De ce fait, il l'a élevée aux dimensions de l'universalité. Regardez par exemple la cause du Vietnam, celle de l'Afrique du Sud, celle de la Namibie, elles n'ont pas atteint le degré d'universalité atteint par la cause palestinienne. Pourquoi ? Parce qu'il n'y avait pas de Mahmoud Darwich. Il y a aussi le fait que la célébrité de Darwich lui a fait quelque part du tort ; beaucoup de gens ne l'avaient pas lu, et quand ils l'ont lu, ils ont découvert qu'il y avait parmi eux un Abou Al alla Al Maâri vivant, et nul ne le savait.
Pouvez-vous nous parler de votre relation avec les écrivains du Maghreb. Vous sentez-vous plus proche de celles et ceux d'entre eux qui écrivent en arabe ?
Choufi Hadretek, la relation qui me lie au Maghreb est fondamentale dans ma formation. Prenons l'exemple de Akhbar al yaoum ; au sens large du terme, nous pouvons le considérer comme un journal maghrébin car c'est un journal qui connaît une large diffusion en Tunisie, au Maroc et est très connu en Algérie, parce qu'il a fait connaître la littérature de nouveaux écrivains. De plus, et à titre personnel, j'aime et connais le patrimoine arabe en Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Andalousie et ça va de la musique à l'architecture, à la gastronomie…
Pourtant, il y a des barrières entre le Maghreb et le Machrek...
Malheureusement, mais ces barrières sont récentes. Je vais vous donner un exemple : j'ai été élevé dans « El Gamalya » un vieux quartier du Caire ; à l'époque, au temps de ma jeunesse, je voyais arriver des autocars qui venaient du Maroc, de la Tunisie et d'Algérie. Des autocars qui portaient les noms de villes du Maghreb, tels que Tlemcen, Constantine, Alger, etc. Et le trafic n'a été interrompu qu'avec l'avènement de la « révolution verte » (il rit) avec le chef de la révolution du 1er septembre. Malheureusement, on a mis des conditions à ce trafic et ce, malgré l'appel au nationalisme arabe existant en Libye. Ceci montre la contradiction entre les discours et les faits. Par contre, le lien culturel entre l'Extrême-Occident et l'Orient n'a jamais été interrompu, ne serait-ce qu'à cause du pèlerinage. Car l'Egypte était une station principale de la voie du pèlerinage.
C'est pour cette raison que tous les saints protecteurs de l'Egypte étaient maghrébins : Sidi Ahmed El Badawi El Fassi, Sidi Abderrahmane Es Sabti, Sidi Abou Al Abbas Al Morsi, Sidi Ibrahim Addassouki, Sidi Aboulhassan Assoustari, le plus grand poète soufi est enterré à Demiat, Oui, ils sont nombreux les saints maghrébins en Egypte. Oui, je reviens à votre question sur les écrivains, j'ai des contacts avec eux, que ce soit ceux qui écrivent en arabe ou en français, je ne fais aucune distinction ; pour celles et ceux qui écrivent en français, on connaît l'histoire de l'Algérie, ce sont les conditions qui l'ont voulu. Oui, il y a de grands écrivains comme Rachid Boudjedra, Tahar Ouettar, Djilali Khellas, il y a des poètes et des poétesses. Je suis en relation avec des jeunes en Algérie et je leur consacre une grande place dans notre revue, Akhbar El Adab. Nous ne devons pas cesser de regarder les un vers les autres.
Nous vivons un phénomène particulier depuis plusieurs années dans les pays du tiers monde, mais laissez-moi ici vous poser la question concernant le monde arabe en particulier. Nous trouvons beaucoup d'écrivains et romanciers femmes et hommes qui, lorsqu'ils écrivent, s'adressent à un public occidental dans le sens où leurs écrits se focalisent sur les femmes, la dictature ou l'oppression dont souffrent les sociétés… Vous savez, j'ai lu vos écrits, tous ces thèmes y sont traités, mais cette impression de s'adresser à l'Occident, de le prendre à témoin en quelque sorte ne s'y dégage pas.
Choufi hadretek, ya madame, quand un écrivain écrit et qu'il est sincère et authentique, son texte trouve son chemin par lui-même. Quant à moi, quand j'ai écrit Al Zeïni Barakat, je n'aurai jamais pensé qu'un tel livre allait être été traduit. C'est un texte difficile, écrit dans la langue du XVIe siècle. Plusieurs de mes amis m'ont dit c'est un roman qui parle de la période mamelouk, écrit dans une langue ancienne, avec un style bizarre… Mais nous avons été surpris que ce roman ait été choisi pour la traduction et ce, grâce aux efforts de feu le professeur Djamal Eddine Bencheikh, cet illustre écrivain algérien. Il avait lu le texte et avait négocié pour moi avec la maison d'édition le Seuil, pendant une année ! Nous nous sommes rencontrés à Paris et j'ai signé le contrat. Ouakhda bel hadretek, et c'est à la suite qu'il y a eu les autres bouquins. Après j'ai écrit Les Illuminations, ce livre fait mille pages. Ne serait-ce que d'un point de vue économique, qui allait pouvoir le traduire ? C'est alors que j'ai rencontré Khaled Osman, le traducteur ; il l'a lu, l'a aimé et l'a traduit pour l'éditeur.
Ensuite, il a reçu un prix dans cette salle où nous sommes actuellement. Parmi ceux qui me l'ont attribué, il y avait feu Pierre Lartigue de l'Académie française. Dans son élocution, moi j'entendais « ra, ra, ra… », « formidable, formidable », vous savez, en français ! (rires) Si nous regardons Les Illuminations dont le contenu spirituel s'inspire de Sidi Abderrahmane Ibn Arabi, de Sidi Abdelkader Al Jazaïri, du décès de mon père et de tous les saints qui m'ont entouré de leur souffle, il est écrit dans une langue difficile ; là aussi, je me suis dit : qui va pouvoir le traduire ? Mais il a été traduit et il a obtenu un prix. Par la suite, j'ai écrit Les Poussières de l'effacement, et ça continue. En résumé, ce que je veux dire, c'est lorsqu'un écrivain fait honnêtement son travail et qu'il ne regarde pas les effets collatéraux, son travail aboutit et s'inscrit dans la durée. Tandis que certains écrivains lorsqu'ils écrivent en répondant à des commandes, telles que des thèmes ou sujets que vous citiez, l'oppression des femmes, l'excision des filles, la sympathie à l'égard de l'Etat d'Israël ou l'attaque vis-à-vis de certains leaders arabes, eh bien pour moi ce n'est pas une littérature faite pour durer, c'est une littérature de mauvaise facture !
C'est arrivé que certains écrivent n'importe quoi, comme par exemple : Les Satans de l'Islam ou quelque chose de ce genre. Je veux dire que c'est une voie que certains empruntent. Cependant, je pense qu'en Occident, il y a une conscience ; des écrits de ce genre peuvent faire illusion un moment, ils sont publiés et font tout un tapage, mais ça ne durera pas, c'est ce que j'appelle l'écriture Kleenex…
Revenons à vos écrits. Comment expliquez-vous la place du passé qui travaille et interagit avec le présent. Pourtant, lorsqu'on vous lit, il y a une sorte de « non-temps » dans vos écrits où les différentes étapes historiques sont entremêlées.
Chouffi Hadretek, ouekhda belek, certains m'ont demandé quelle était ma relation à l'Histoire ? Je leur ai répondu que tout est Passé. Ma conception est que l'instant que nous vivons, c'est aussi du passé. J'estime que la création, l'innovation, c'est ce qui construit l'instant que nous vivons ; par exemple, un fait précis datant de l'époque des Pharaons peut m'éclairer sur l'actualité, sur les évènements contemporains. Ou bien, si nous prenons un poète de la période anté-islamique, hé bien ! dans certains cas, je peux me sentir plus proche de lui que d'un poète contemporain, voyez-vous ?
Que signifie pour vous le mot patrimoine (atturath), comment l'appréciez-vous ?
Je n'aime pas ce mot car il signifie pour moi la rupture ; c'est que, lorsqu'on l'utilise, c'est comme si on parlait d'une chose qui se serait séparée, détachée de nous. Vous avez remarqué, tout à l'heure dans mon intervention, que j'avais commencée par « Essalam alaïkoum », et cette expression vient de notre patrimoine arabe et musulman. J'aurais pu dire « Ahlan » ou bonsoir ; mais « Essalam alaïkoum », je la fais venir de loin, je la transpose ici. Et elle est vivante ! Vous savez, il y a trois niveaux dans ma conception de cette question : le passé, le présent et mon imagination de ce qui va advenir. Je profite de la longue expérience de la langue et des écrivains arabes, je me nourris d'eux comme d'une couche sous ma peau ; ensuite, il y a une autre couche, plus large celle-là, la couche de l'humanité.
C'est une question de succession : considérons Moby Dick ou A la recherche du temps perdu de M. Proust, ce sont des écritures dans lesquelles on puise. Pourquoi ne pourrions-nous pas dire que Don Quichotte, c'est du patrimoine ? N'est-ce-pas ? Ou bien Shakespeare, il est toujours présent. Est-ce que quelqu'un trouverait à redire que Al Mutanabbi soit en même du passé et du présent ? Oh non ! Pour moi, le terme de patrimoine est quelque chose de figé, de mort ; alors que la langue, c'est la mémoire et chaque mot y a son cheminement, son histoire.
Merci Seyddi Al Ghitani « Rabbena yekhalliki forsa saïda. » Que dieu vous garde !
Saint-Nazaire le 14 novembre 2008


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