Le Conseil de la nation prend part à Rome à la 2e conférence parlementaire sur le dialogue interreligieux    Forum africain de l'énergie: Yassaâ souligne le rôle stratégique de l'Algérie dans la transition énergétique en Afrique    Attaf reçoit un appel téléphonique de son homologue jordanien    Oran: cérémonie de sortie de la 55e promotion d'élèves officiers et d'officiers stagiaires à l'Ecole Supérieure de l'Air de Tafraoui    Conseil de la nation: Bouzred présente le texte de la loi de règlement budgétaire pour l'exercice 2022 devant la commission des affaires économiques et financières    La manifestation "Alger Capitale de la Culture Hassaniya" du 21 au 23 juin à Alger    Tennis/Tournoi M25 Monastir: Toufik Sahtali qualifié au 2e tour    Il y a 20 ans disparaissait l'icône du style "Tindi", Othmane Bali    Constantine: 11e Festival international de l'inchad du 25 au 30 juin    Adhésion du CODESA à l'Organisation mondiale contre la torture    Bac 2025: plusieurs condamnations à des peines de prison pour fraude et fuite de sujets d'examen    Wilaya d'Alger : Saison estivale, rentrée scolaire et grande campagne de nettoyage au cœur d'une réunion    ANP : arrestation de neuf éléments de soutien aux groupes terroristes en une semaine    Agression sioniste contre Ghaza : le bilan s'alourdit à 55637 martyrs    Chlef: plus de 300 projets enregistrés au guichet unique    Déjouer toutes les machinations et conspirations contre l'Algérie    « Abdelmadjid Tebboune n'a pas accordé d'entretien à des journaux français »    Ligue 1 Mobilis: le leader tient bon à Chlef, CRB nouveau dauphin    Campagne de sensibilisation autour des menaces sur les récoltes de la tomate industrielle    Les MAE de plusieurs pays arabes et musulmans condamnent    Ambiance maussade en Israël où la guerre des ombres devient l'apocalypse publique    Un nouvel élan aux efforts de développement équitable et intégré    Les dernières sueurs de la saison    La finale WAT – MCA décalée à mercredi    Au cœur des Hauts Plateaux de l'Atlas saharien, Aflou offre bien plus qu'un paysage rude et majestueux    Para-athlétisme/GP de Tunis: 11 médailles pour l'Algérie, dont 4 en or et un record mondial signé Berrahal    Agrément à la nomination du nouvel ambassadeur d'Algérie au Koweït    L'USMA stoppe l'hémorragie, l'USMK enchaîne    La télévision d'Etat annonce une nouvelle salve de missiles contre l'entité sioniste    Quels impacts le classement du GAFI (Groupe d'action financière) sur la liste grise et noire dans la lutte contre la corruption ?    La première journée des épreuves marquée par une bonne organisation dans les wilayas de l'Est du pays    Une date célébrée à travers plusieurs wilayas de l'est du pays    Ghaghaa, la fontaine oubliée... ou l'art d'assoiffer la mémoire    C'est parti !    Les lauréats de l'édition 2025 couronnés    L'Autorité nationale indépendante de régulation de l'audiovisuel met en garde    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Un travail de mémoire et de vérité
Publié dans El Watan le 26 - 05 - 2005

Le titre Algériennes emprunté à celui de l'autobiographie de l'une d'entre elles, Louisa Ighilahriz, publiée en 2001 : Algérienne. Elle était présente lors de l'avant-première, le 26 avril dernier dans le nord de la France (à Roubaix). Pour rappeler l'importance du travail de mémoire qui reste à accomplir.
De nombreux Algériens présents dans la salle n'ont pas caché un certain sentiment de frustration à l'issue de la projection. De fait, ce documentaire présenté dans sa version courte
(56 mn), n'apporte aucune révélation. Par ailleurs, il évoque sans doute trop furtivementn la place des femmes dans l'Algérie indépendante. Fruit de 3 ans de travail, ce triple témoignage de moudjahidat arrive 5 ans après celui de Louisa Ighilahriz, le 20 juillet 2000 dans le quotidien Le Monde puis dans l'Humanité, et quatre ans après le récit recueilli par Anne Nivat (1). Ce témoignage en a suscité d'autres comme ceux, en juin 2001 de Malika Koriche, Ali Moulat et Rachid Ferrahi, trois résistants algériens arrêtés pendant la bataille d'Alger. Ils accusent le général Maurice Schmitt, lieutenant à l'époque des faits, d'avoir ordonné et dirigé des tortures à l'école Sarrouy (Alger) durant l'été 1957. Aujourd'hui en retraite, celui qui a été chef d'état major des armées de 1987 à 1991 vient d'ailleurs d'être à nouveau mis en cause.
La mise au grand jour de faits pourtant connus – mais jusque-là largement occultés – et la mise en accusation d'officiers français a depuis suscité des réactions variées et nombreuses. Le 31 octobre 2001, 12 grands témoins (2) ont lancé un appel dans le journal l'Humanité demandant à la France de condamner la torture commise en son nom pendant la guerre d'Algérie. Il aura donc fallu attendre l'aube de ce siècle pour que l'omerta commence à être levée. Jusque- là, le général Jacques Massu, aujourd'hui décédé, a reconnu la réalité, durant la bataille d'Alger, des tortures et des exécutions sommaires. Dans un entretien avec le réalisateur André Gazut (3), en juin 2000, il a même confié que «la torture n'est pas indispensable en temps de guerre» et qu'«on aurait pu faire les choses autrement».
Contrairement à Jacques Massu, le général Aussaresses refuse toute idée de «repentance» de l'Etat français ou des individus. Lui aussi reconnaît la torture, mais il l'a revendique. Evoquant les propos de Louisette Ighilahriz, le général Bigeard (qui a arrêté Larbi Ben M'hidi le 23 février 1957) a dénoncé une «grossière manœuvre» et une machination visant à «donner mauvaise conscience» à ternir l'image et le moral de l'armée française. Maintenant en retraite, Maurice Schmitt continue à nier et à renvoyer l'accusation contre ceux qui le désignent du doigt, allant jusqu'à laisser entendre que les résistants, qualifiés par lui de «terroristes», invoquent des tortures imaginaires pour cacher le fait qu'ils auraient parlé et minimiser ainsi ce qui ferait figure de «trahison» ! (4)
Dénégation contre travail de mémoire
C'est cette entreprise de dénégation qui, finalement, rend utile le film Algériennes de Sellani. Dans cette petite ville du Nord où le documentaire vient d'être présenté, le Centre de ressources et de recherche audiovisuelle de la région avait réuni un public plutôt jeune et très intéressé par ces récits. Trop longtemps négligé ou refusé des deux côtés de la Méditerranée, l'indispensable travail de mémoire y gagne avantageusement ces trois regards de femmes qu'il aurait été si simple de ne pas croiser. Le film, explique Djamel Sellani, est bâti sur trois histoires personnelles : celles d'Eliette Loup, Fatma Baïchi (disparue depuis, et à qui le documentaire est dédié) et, précisément, Louisa Ighilahriz.
Toutes trois, membres actifs du FLN, ont été arrêtées, torturées et violées. La caméra les filme chez elles, à Alger, et les suit sur les lieux où elles ont été détenues et interrogées : la prison de Serkadji (ex-Barberousse), l'école Sarrouy (où le lieutenant Schmitt dirigeait les opérations), la villa Susini, le siège de la 10e DP du général Massu. Jamais, disent-elles, elles n'étaient retournées sur ces lieux douloureux. Face à la caméra, Fatma Baïchi retrouve, presque comme elle les a connu, les locaux de l'école Sarrouy, désormais redevenus salles de classe, où elle a été torturée à l'électricité et où son frère n'a pas survécu. En compagnie de ses deux compagnes, elle franchit, près de 50 ans plus tard, les portes de la prison de Serkadji. Les images des hommes que l'on guillotinait sous leurs yeux, tandis qu'elles chantaient des chants patriotiques algériens, leur reviennent et les lancinent.
Louisette Ighilahriz nous mène vers le puits où les soldats jetaient les cadavres, afin d'effacer toute trace de leur existence. Comme elle l'a fait dans son livre, Louisette raconte encore les traitements qu'on lui a fait subir à la 10e DP («jusqu'à l'impensable, jusqu'à l'innommable», tremble-t-elle) jusqu'au moment où le capitaine Richaud la découvre et la met à l'abri. «Ce n'est pas possible, mon petit. On vous a torturée !», avaient été ses premières paroles. «Moi, se souvient-elle, ne je pouvais pas y croire. Je pensais qu'il se moquait. C'était tellement irréaliste. J'avais été torturée du 1er octobre au 15 décembre 1957 ! Et arrive un militaire français qui semble découvrir et s'étonner !»
De quoi ont-ils peur ?
C'était pourtant vrai. Mais, quand des années plus tard, elle essaie de le retrouver, quand elle parle à la presse française, elle assure avoir subi des pressions pour l'empêcher d'évoquer les tortures. «Cela a commencé 3 mois après les révélations du journal Le Monde», dit-elle.
Des voix anonymes ne cessent de la harceler au téléphone : «Arrêtez votre campagne, cessez de parler de torture.» «Mais pourquoi ceux-là ne veulent-ils pas que je parle ? De quoi ont-ils peur ? Il me semble que des intérêts seraient en jeu, ou alors ce sont certains qui se sont fait passer pour des héros mais qui, finalement, avec le temps, se sont avérés des moins que rien. Certains ont falsifié l'histoire. Je suis contre ces gens qui ne cessent de mentir à notre jeunesse».
Accusations graves que l'on n'entend cependant pas dans le documentaire.
Il n'empêche, Louisette Ighilahriz veut continuer à se battre. Elle a été déboutée après avoir porté plainte contre l'état français (les lois d'amnistie empêchant l'ouverture du dossier). Mais elle espère pouvoir obtenir gain de cause auprès de l'Europe. Par ailleurs, une action est toujours en cours contre le général Schmitt qui l'a accusée de mensonge.
Torture ou «interrogatoire sévère» ?
L'autre question posée par le film de Djamel Sellani est celle du pardon. Les protagonistes n'y sont pas opposés, à condition que la vérité soit dite et que justice soit faite. Pour Henri Pouillot, présent lors de l'avant-première, il convient d'être très prudent. Il y a à peine un an, la revue de Saint-Cyrienne Le Casoar publiait un article de 11 pages intitulé «Torture, cas de conscience : le dilemme des deux immoralités. L'éthique de responsabilité confrontée au
terrorisme».
L'auteur, anonyme, y fait la distinction entre la «torture» et «l'interrogatoire sévère», entre «terroriste» et «résistant». Il évoque les «interrogatoires sévères utilisés lors de la bataille d'Alger en 1957 et les pressions physiques modérées utilisées par Israël depuis dix ans». (5)
«Comment peut-on parler de pardon, alors que certains demandent à la France de définir un cadre à la torture», interroge Henri Pouillot. «Pour pardonner, il faut d'abord être sûr de ne pas recommencer». Auteur de Mon combat contre la torture (6), il a été témoin de tortures lorsqu'il était membre du contingent français durant la guerre de libération.
En 2002, sur un plateau de télévision, le général Schmitt l'a accusé d'être un «menteur et un criminel».
Une Histoire officielle de la colonisation
Lors du débat qui a suivi la projection du film Algériennes, des spectateurs n'ont pas manqué d'évoquer la loi votée à Paris le 10 février dernier et promulguée le 23 février suivant concernant la place qu'il faut accorder à la colonisation dans l'enseignement français.
Ce texte refuse l'idée que la colonisation est une horreur en soi.
Que dit cette loi ? L'article 4 dispose que «les programmes de recherche universitaire accordent à l'histoire de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, la place qu'elle mérite. Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l'histoire et au sacrifice des combattants de l'armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit».
Ainsi, estime le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap), le colonialisme apparaît présenté comme «un modèle de civilisation».
Cela revient pour lui à dicter, via des textes législatifs, «une histoire officielle, contraire à la liberté scolaire et au respect de la liberté de
pensée».
En outre, cette loi prévoit d'inclure la question de l'indemnisation des harkis et la création d'une fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie. Sur ces aspects, les avis peuvent être partagés, mais ils relèvent effectivement du domaine législatif. Mais on regrettera que, dans cette loi, de nombreuses victimes de ces guerres coloniales ne soient pas prises en compte. Il s'agit en particulier de celles et de ceux qui ont refusé de prendre les armes contre les Algériens, qui ont manifesté contre ces guerres coloniales et qui ont soutenu les manifestations des rappelés refusant de partir en Algérie. De nombreux d'entre eux ont été condamnés à des années de prison, décomptées de leurs droits à la retraite. Ils n'ont jamais été réhabilités, contrairement aux factieux de l'OAS et pourtant, eux, ils sont l'honneur de la France».
Et le Mrap de conclure que, s'il est légitime de rendre hommage aux milliers de jeunes Français morts pendant les guerres coloniales de libération, on ne peut oublier «les crimes contre l'humanité commis au nom de la France, en pleine connaissance des pouvoirs politiques de l'époque, et qui n'ont jamais été condamnés : que ce soit la pratique institutionnalisée de la torture, les exécutions sommaires, les viols, les disparitions (…) les villages rasés au napalm, etc.»
(1) Algérienne – Ed. Fayard/Calmann Lévy – 2001
(2) Henri Alleg, Josette Audin, Simone De Bollardière, Nicole Dreyfus, Noël Favrelière, Gisèle Halimi, Alban Liechti, Madeleine Ribérioux, Laurent Schwartz, Germaine Tillion, Jean-Pierre Vernant, Pierre Vidal-Naquet.
(3) L'Humanité, numéro spécial «Toute l'humanité contre la torture» – janvier 2001
(4) France Inter (Radio France) – avril 2005
(5) Le Casoar – revue trimestrielle de la Saint-Cyrienne – avril 2004 – p51
(6) Henri Pouillot – Mon combat contre la torture – Ed. Bouchène – 2004


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.