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Pierre Louÿs. les chansons de bilitis
Publié dans El Watan le 22 - 09 - 2005

Mais qui était donc cette personne, inspiratrice du poète et qui répondait au nom de Meriem Ben Atallah ?
André Gide, dans ses déambulations en Afrique du Nord, à la fin du XIXe siècle, s'était arrêté à plusieurs reprises à Biskra, ville haute en couleurs et en sensations, sous des dehors moyenâgeux. Il ne pouvait trouver meilleur endroit pour satisfaire ses mœurs dépravées. En témoigne son livre Si le grain ne meurt. C'est dans cette ville qu'il fit connaissance de Meriem Ben Atallah à laquelle il avait donné, par euphémisme, le qualificatif de courtisane. La complicité fut totale en ce sens que l'écrivain allait à la rencontre de cette jeune femme dans une maison des Pères blancs, et, dit-on encore, dans le lit même de feu le cardinal Lavigerie. Apparemment, cette relation prit fin le jour où la mère de l'écrivain, outrée par le comportement de son fils, débarqua sur les lieux et fit scandale.
Pierre Louÿs, ami de Gide depuis le lycée, et chercheur, tout aussi que lui, de sensations extrêmes, vint donc prendre le relais. «Une merveille de grâce, de délicatesse et de poésie antique», écrivit-il plus tard à propos de Meriem Ben Atallah. On se demande où il a bien pu dénicher ce côté antique chez cette courtisane malgré elle.
C'était l'époque du symbolisme triomphant, en peinture et en littérature, de la nouvelle vague en musique, des balbutiements de l'art photographique, et, bien sûr, des horizons lointains, exotiques par la force des choses, révélés par l'immense empire colonial français. Gauguin partait pour Tahiti, Pierre Loti vadrouillait dans le monde arabe et ottoman, Debussy apportait du tout neuf en composition musicale. Pour les deux compères, André Gide et Pierre Louÿs, un nouveau type d'écriture était inévitable. Le prosateur s'imposa donc un nouveau style, à consonance biblique et allant de pair avec sa moralité. Le poète, quant à lui, n'hésita pas à tronquer la vérité, à mettre au devant de la scène une créature de pure fiction, en l'occurrence Bilitis, recourant ainsi à une véritable supercherie littéraire.
Point n'est besoin de rappeler la misère physique et morale dans laquelle se débattait alors l'ensemble du peuple algérien. Si l'on se réfère aux écrits triomphalistes de l'époque, le pays semblait pacifié, acquis à la pseudo cause de la civilisation française. On le voit mieux encore sur les cartes postales exotiques de cette période. Meriem Ben Atallah, à l'instar de celles qui ont fait l'objet d'une véritable mystification, cherchait un moyen pour survivre, s'engouffrant de la sorte dans les abîmes de la déchéance. André Gide et Pierre Louÿs, à sa suite, jetèrent donc leur dévolu sur cette jeune femme accomplissant ainsi une sorte de transbordement de leurs penchants dépravés. Des touches exotiques, çà et là, sous la plume d'André Gide, toutefois, le paysage est resté à peu près le même. Pour Pierre Louÿs, il était nécessaire de transgresser l'essence même de la poésie en recourant à un subterfuge qui a fait date depuis. Ainsi, déclara-t-il avoir traduit du grec ancien, des poèmes qu'il fit attribuer à une poétesse contemporaine de la grande Sapho. Les lecteurs furent, bien sûr, enchantés par cette prouesse linguistique, et même en découvrant la vérité des poèmes, et la supercherie de Louÿs, ils demeurèrent sur leur enchantement.
Meriem Ben Atallah est là, sur cette photo datant de 1895 ! Présente et absente à la fois, dans une robe tachetée de cercles blancs, elle, l'habituée aux couleurs chaudes et vives de sa région natale de Ouled Naïel !
On ne peut s'empêcher de dire qu'elle donne l'impression d'être une intruse au sein de ce petit groupe composé essentiellement d'artistes français. André Gide ne fait pas partie de cet ensemble, il est au chevet de sa mère mourante en France. Son acolyte, Pierre Louÿs, brille également par son absence.
Au sein de ce groupe d'artistes à la recherche de nouvelles formes musicales, Claude Debussy tient le rôle principal en s'ingéniant à déchiffrer une partition face à son piano. Il vient de mettre en musique quelques poèmes des «chansons de Bilitis». Forcément, Meriem est loin de se retrouver dans la musique de Debussy, déjà que, en son temps, celle-ci fut considérée comme étant hors normes. Pour elle, les rythmes et les mélodies de sa région n'avaient absolument rien à voir avec ce qui sortait d'entre les doigts du maître assis à sa droite.
Meriem Ben Atallah, savait-elle lire et écrire ? Savait-elle aussi qu'elle faisait l'objet d'une composition poétique et musicale ? La photo est là ; elle montre bien que cette jeune Algérienne a bel et bien existé. Bilitis, quant à elle, n'est que le fruit de l'imagination de Pierre Louÿs. Il faut reconnaître que celui-ci est allé au bout de sa supercherie littéraire, et qu'il a réussi. André Gide, lui-même, et comme agacé par la gloire de son acolyte, revient sur ce sujet un peu plus tard en émettant des doutes sur la source d'inspiration. «Meriem, dit-il, n'est pas exactement Bilitis, puisque, s'il m'en souvient bien, nombre de ces poèmes étaient déjà écrits avant le départ de Louÿs pour l'Algérie.»
Parfois, la littérature nous joue de mauvais tours.
Ce qui est juste et valable pour tel lecteur, dans telle région du monde, ne peut pas forcément l'être pour tous les autres récipiendaires. Dans l'absolu, Les chansons de Bilitis constituent un chef-d'œuvre de la littérature érotique française, par contre, une relecture attentive de notre histoire, et de ce chapitre précisément, révélerait à coup sûr la part de mystification dans tout ce qui a été écrit ou composé par les auteurs français en cette fin du XIXe siècle.


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