La Cour des comptes, qui est, rappelons-le, sans président depuis la fin de fonction de Nadir Benmarouf par le président de la République, le 8 janvier 2025, vient de publier son rapport ce mois de décembre 2025, comprenant 13 notes d'insertion et 38 recommandations, classées dans trois parties, relatives respectivement aux administrations de l'Etat, aux collectivités locales et aux établissements et entreprises publics. La Cour des comptes, dépendante directement de la présidence de la république et non de l'Exécutif, selon la Constitution, est l'institution suprême de contrôle des deniers publics, travaillant directement en collaboration avec l'ensemble des services de sécurité et les autres organes de contrôle. Selon les normes internationales, qui devraient s'appliquer en Algérie, le contrôle de la qualité de gestion a pour finalité d'apprécier les conditions d'utilisation et de gestion des fonds et valeurs gérés par les services de l'Etat, les établissements et organismes publics et, enfin, l'évaluation des projets, programmes et politiques publiques, la Cour des comptes participant à l'évaluation, au plan économique et financier, de l'efficacité des actions, plans, programmes et mesures initiées par les pouvoirs publics en vue de la réalisation d'objectifs d'intérêt national et engagés directement ou indirectement par les institutions de l'Etat ou des organismes publics soumis à son contrôle. Il s'agit de poser les véritables problèmes, pour une application efficace sur le terrain. La Cour des comptes, qui doit éviter cette vision répressive mais être un garde-fou, une autorité morale par des contrôles réguliers et des propositions, peut jouer son rôle de lutte contre la mauvaise gestion et la corruption qui touchent tant les entreprises que les services collectifs et les administrations. Le manque de transparence des comptes ne date pas d'aujourd'hui, mais depuis l'indépendance. J'ai eu à le constater concrètement lors des audits que j'ai eu à diriger, assisté de nombreux experts et de cadres dirigeants d'entreprises publiques entre 1974/2016 : sur Sonatrach entre 1974 et 1976, le bilan de l'industrialisation 1977-1978, le premier audit pour le comité central du FLN sur le secteur privé entre 1979 et 1980, au niveau de la cour des comptes, les contrôles sur les surestaries et les surcoûts au niveau du BTPH en relation avec le ministère de l'Intérieur, les 31 walis et le ministère de l'Habitat de l'époque où j'ai eu l'honneur de co présider une réunion avec M. Abdelmadjid Tebboune lorsqu'il était alors Wali, l'audit sur l'emploi et les salaires pour le compte de la présidence de la République (2008), l'audit, assisté des cadres de Sonatrach, d'experts indépendants et du bureau d'études Ernst &-Young, «le dossier des subventions des carburants -Ministère Energie, 8 volumes, 780 pages-Alger 2008»,) le dossier Pétrole et gaz de schiste, opportunités et risques et l'audit sur la situation économique premier ministère( 7 volumes 800 pages entre 2014/2016). Concernant Sonatrach et les différents audits que j'ai eu à diriger avec des experts, assisté des cadres du secteur ministère de l'Energie et Sonatrach, il nous a été difficile de cerner avec exactitude la structure des coûts de Hassi R'mel et de Hassi Messaoud, tant du baril de pétrole que du MBTU du gaz arrivé aux ports, la consolidation et les comptes de transfert de Sonatrach faussant la visibilité. Sans une information interne fiable, tout contrôle externe est difficile, et dans ce cas la mission de la Cour des comptes est limitée. Dans les administrations, disons que c'est presque impossible, du fait que leurs méthodes de gestion relèvent de méthodes du début des années 1960/1970, ignorant les principes élémentaires de la rationalisation des choix budgétaires. En conclusion, force est de reconnaître qu'en ce mois de fin décembre 2025 Sonatrach « est l'Algérie et l'Algérie c'est Sonatrach » (plus de 97/98% des recettes en devises avec les dérivés) et que l'Algérie a une économie de nature publique avec une gestion administrée centralisée renvoyant à l'urgence d'une véritable décentralisation. Je ne saurai trop insister sur le fait que le contrôle efficace doit avant tout se fonder sur un Etat de droit, avec l'implication des citoyens, tout cela accompagné par une cohérence et une visibilité dans la démarche de la politique socioéconomique, un renouveau de la gouvernance et pour plus de moralité afin de faciliter la symbiose Etat-citoyens. Le fondement de tout processus de développement, comme l'ont démontré Ibn Khaldoun et tous les prix Nobel de sciences économiques, repose sur la morale, l'implication des citoyens et des institutions crédibles. Professeur des universités Dr Abderrahmane Mebtoul