Maîtresse d'un genre de musique qu'elle a eu le mérite de créer et qui ne ressemble à aucun autre. La presse en général et spécialisée en particulier salue «la voix de la liberté», «la nouvelle diva de la chanson arabe», «une chanteuse d'une rare douceur, qui a transcendé les barrières linguistiques et qui arrive à arracher des larmes à ses fans avec sa musique chaleureuse, douce et maternelle». Ainsi, le magazine de référence de la world music, Songlines, lui réserve la une dans sa dernière livraison et met en musique le phénomène Massi en Grande-Bretagne où elle est devenue immensément populaire. «Massi a inventé un style unique, tissé de flamenco, de musique folk américaine, de country et western musique, de musique populaire de La Casbah, le chaâbi, de ses racines berbères, du rock, de la bossa nova et enfin de musique classique arabe. Rien que ça.» Et pour marquer son «indépendance musicale», Songlines souligne que «Souad Massi n'a demandé la permission ou la bénédiction de personne pour donner naissance à ce nouveau genre». Elle a tout juste concocté à partir d'éléments de la musique qu'elle écoutait durant son enfance et son adolescence, et de ce qu'elle a appris avec les Triana d'Alger et Atakor. Souad a conclu en apothéose la semaine dernière une tournée britannique avec un concert magistral au Barbican. Un des deux grands complexes culturels de Londres. Sobre, désormais maîtresse des scènes prestigieuses européennes, la grande fille du quartier de Saint-Eugène (Bologhine) a simplement subjugué une salle comble avec des chansons de son dernier album Mesk Ellil. Elle maîtrise mieux sa gestuelle corporelle et dégage une plus grande assurance, une aura et une envie de communiquer par sa musique qui, sans lui faire défaut lors de ses concerts précédents, ont pris plus de relief, de chaleur et d'émotion. Conteuse de Raoui Elle se balade sur scène, se permet d'esquisser quelques pas de danse en parfaite coordination avec sa musique, ce qu'elle ne faisait pas avant, donnant ainsi la mesure de son talent révélé, éclos et totalement épanoui. Elle est devenue une véritable professionnelle, ce que l'on appelle communément une «bête de scène». Mesk Ellil, explique Souad, «a été inspiré lors d'un concert en Tunisie, quand elle a senti son parfum dans la brise du soir, ce qui a instantanément provoqué une nostalgie pour l'Algérie et son enfance». Sur scène au Barbican, elle a chanté Dar Djedi (la maison de mon grand-père) qu'elle décrit dans ses moindres détails, Ilham, en hommage à son frère qui est resté au pays pour s'occuper de la famille. Elle a aussi chanté Kilyoum, un mélange, dit-elle, de chaâbi et de style capverdien morna. Elle a repris quelques tubes de ses deux premiers albums, Raoui et Deb. -Mesk Ellil démontre la fascination de Souad pour l'intégration de thèmes musicaux divers dans ses productions. C'est peut-être un des avantages de l'exil parisien lui permettant de travailler avec des musiciens de divers horizons. Ceci s'explique par les contributions de Dady Toure, Manu Katche et Pascal Danae, ainsi que le légendaire percussionniste Cinelu et le grand guitariste malien Djely Moussa Kouyate. D'où l'approche musicale ouverte, tendre et généreuse que dégage Mesk Ellil. Massi, pour sa part, donne une explication personnelle au très grand succès de son troisième CD. «J'ai choisi la simplicité, les sons naturels. J'étais enceinte quand on l'a enregistré. Par conséquent, j'avais une excellente ouïe, et je ne voulais utiliser aucun effet qui ne soit pas naturel.» Et d'ajouter : «La grossesse aiguise les sens. C'est vrai. Je sais que toutes les femmes me croiront, et que les hommes douteront. Mais c'est la réalité. Je suis allée à l'essentiel.» L'essentiel reste qu'avec Mesk Ellil, Souad Massi est d'ores et déjà donnée favorite dans la course pour le prestigieux prix de BBC Radio 3 World Music Award.
