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La réconciliation au pays de l'arc-en-ciel
Il y a quinze ans, les Noirs prenaient le pouvoir
Publié dans El Watan le 26 - 03 - 2009

Après vingt minutes de traversée, le ferry accoste sur Robben Island, l'île des phoques. Nous sommes à 7 km de Cape-Town. L'île, qui sépare les océans Atlantique et Indien, est aujourd'hui transformée en musée. Un théâtre témoin du lourd tribut payé pour la liberté et du triomphe de l'esprit sur la bêtise humaine ; un must pour les visiteurs de l'Afrique du Sud.
Trois siècles durant, Robben Island était utilisée comme bagne. Il y a près de 50 ans, elle a été rendue tristement célèbre pour avoir accueilli quelques-uns parmi les prisonniers politiques les plus notoires, victimes du système de l'apartheid, parmi eux Nelson Mandela, futur prix Nobel de la paix. Le lieu est chargé d'émotions fortes. Chaque pierre est un héritage. Une page d'histoire où sont gravés l'indicible crime raciste contre un peuple et la résistance héroïque de ceux qui deviendront les icônes de la libération de ce peuple. Devant la grotte où étaient séquestrés Mandela et ses camarades de l'ANC pendant les longues années de leur détention, le silence est sacré et la scène insoutenable. Dans l'enceinte de la prison où nous sommes guidés par un ancien détenu, on revoit les scènes d'oppression à travers sa voix, ses gestes et le souvenir qui scintille dans ses yeux. De menus détails d'une histoire écrite de dignité et de sang sont passés en revue. C'est à la section B de la prison que l'on goûte au suc de cet héritage universel. Le jardin cultivé au fond de la cour par le prisonnier n°466/64, alias Nelson Mandela, est toujours là pour raconter ce passé, devenu un mythe. C'est là où Mandela cachait, en effet, les feuilles de son futur livre Une Longue marche vers la liberté, qui seront sorties clandestinement dans les semelles d'un détenu libéré. Pour l'anecdote, ce dernier sera désigné dans le gouvernement Mandela comme ministre des Communications. Aux quatre coins du pays, les symboles des méfaits du système Botha et ceux de la résistance et de la victoire contre le racisme codifié sont érigés pour le souvenir. Le travail de la mémoire a été réalisé pour que nul n'oublie les affres de l'apartheid et pour que plus jamais le pays ne retombe dans la tragédie du passé. Rien n'a été laissé au hasard, aucune concession n'est accordée aux bourreaux d'hier sur les pages de la nouvelle histoire. Ici s'arrête le pardon. Une belle leçon de justice et de démocratie. La Rainbow nation est en marche et affirme avoir tourné la page noire. Madiba avait décrété : « Jamais et plus jamais il n'arrivera à ce beau pays de revivre l'oppression de l'un par l'autre ! » Aux visiteurs, le premier pays africain qui accueillera l'année prochaine la coupe du Monde de football, donne l'impression d'être beau et fort. Un pays émancipé qui exhibe fièrement une infrastructure complexe et un parcours enviable sur le chemin de la démocratie.
Soweto regarde vers l'avenir
La seule rue au monde où habitaient deux prix Nobel de la paix, Mandela et Tutu, se trouve à Soweto. Le township, créé au sud-ouest de Johannesburg pour abriter les ouvriers noirs employés dans les mines d'or exploitées tout près du site, regorge de noms et de lieux sacrés de la lutte antiraciste. Les deux symboles ont grandi dans ces rues qui affichent aujourd'hui un nouveau look avec ses jolies maisonnettes avec jardins. Mais Soweto retient aussi d'autres noms et d'autres souvenirs douloureux de ce passé infâme. Dans le Musée de l'apartheid, érigé au cœur de cette ville de plus de trois millions d'habitants, la mémoire est cultivée comme une panacée aux maux d'hier et d'aujourd'hui. Le musée raconte le soulèvement de la population, un certain 16 juin 1976. En cette date fatidique, l'assassinat d'un élève par des policiers blancs, suite à une marche initiée par des jeunes contre l'enseignement imposé en langue afrikaans, provoque l'émeute qui, elle, sera contrée par une répression féroce. La solidarité internationale avec les Noirs fait un grand effet et se traduit par des sanctions économiques contre l'Afrique du Sud. La messe est dite pour l'apartheid qui prendra fin 14 ans après. Aujourd'hui, Soweto est bien différente. Durant son mandat présidentiel, Mandela fera tout pour transformer la vie dans cet ancien ghetto. Il commence par accorder la propriété des maisons à leurs habitants et initie par la suite des mesures censées atténuer le taux de chômage et l'empreinte de la misère, notamment en créant des locaux de commerces et d'artisanat pour les jeunes. Le résultat n'est pas très concluant, mais d'aucuns reconnaissent que Soweto a beaucoup changé. Il fallait construire sur des bases solides pour permettre aux Sud-Africains de reprendre leur destin en main et éviter de s'engager sur des chemins incertains. La laïcité est un credo, même si l'archevêque Desmond Tutu avait refusé d'enlever sa soutane lors des séances d'écoute de la commission Vérité et Réconciliation. En effet, la société est religieuse mais tolérante. L'Islam, introduit au XVIIe siècle, cohabite en harmonie avec les autres cultes, en dépit de la domination de la croix chrétienne. On compte onze langues officielles pratiquées sans complexe et sans conflits identitaires, alors que l'anglais fait office de langue de communication et d'affaires. Aux yeux des malheureux du plus vieux continent, l'Afrique du Sud est devenue une terre d'asile pour les réfugiés politiques et, désormais, une terre de refuge pour les voisins, notamment les Zimbabwéens fuyant Mugabe. De petites communautés d'Algériens et d'Arabes se constituent également dans les grandes villes. Le 21 mars dernier, le pays a fêté la Journée nationale des droits de l'homme. Le concept est adulé. En témoigne le foisonnement des centres et organisations non-gouvernementales œuvrant pour la réconciliation, la démocratie et la défense des droits de l'homme. L'un des exploits de cet activisme est le procès intenté par l'organisation Colomani à IBM et d'autres multinationales pour avoir soutenu l'apartheid, cherchant à créer un précédent judiciaire.
Un sérieux bémol
L'envers de la carte postale est cependant insoutenable. Un océan de bidonvilles (Shanty-town) s'étend à perte de vue autour des ramifications des métropoles. Des centaines de milliers de personnes vivent encore dans ces ghettos qui résistent à l'essor post-apartheid et bravent le discours triomphaliste. C'est l'image éponyme de la pauvreté. La Constitution ne garantit pas en effet le droit au logement ni d'ailleurs les soins gratuits. Ces carences qui fragilisent la stabilité sociale sont résumées par les défenseurs des droits de l'homme dans les droits économiques et sociaux, véritable talon d'Achille des gouvernements ANC et d'une Constitution, qui pourtant donne beaucoup de fierté (à raison) aux politiques, toutes tendances confondues. Cette insuffisance reconnue par tous est l'objet du débat politique actuel. « Classe sociale et couleur de peau se superposent ; beaucoup pensent qu'ils sont pauvres à cause du passé et refusent d'admettre que la politique du gouvernement actuel, dominé par l'ANC, est aussi une source de leurs malheurs », avance l'ex-députée, Janet Love. La réconciliation a ramené la stabilité politique en Afrique du Sud. Cela dit, le retard accumulé en matière de droits économiques et sociaux n'a pas aidé à créer une justice sociale capable de cimenter la nation et favoriser une intégration. Au contraire, cela a poussé à l'explosion de fléaux : criminalité, sida, pauvreté, un triangle des Bermudes qui broie les Noirs et menace de casser l'élan, si ce n'est pire. A Johannesburg, il n'y a pas une seule maison qui ne soit pas protégée par des fils électrifiés dissuadant les éventuels agresseurs. Le recours aux sociétés privées de gardiennage est systématique. La peur quasi présente a profité aux mouvements d'extrême-droite qui recrutent au sein d'une frange de cette population se jugeant délaissée. Le gouvernement doit résoudre aussi le problème de corruption qui gangrène tous les niveaux de l'administration et atténuer les effets de l'ultralibéralisme et de la société de consommation soumise au marché mondial. Cependant, un développement extraordinaire, un modèle a été réalisé en 15 ans, sur tous les fronts et les Sud-Africains peuvent être fiers de leurs exploits, nonobstant le bémol qu'ils se mettent à eux-mêmes.
Justice transitionnelle : une success-story sud-africaine
Face à la question : veut-on la justice ou la paix ? Les Sud-Africains ont choisi la paix. Et c'est ainsi qu'un processus de réconciliation nationale a pris place exceptionnellement pour mettre fin à près d'un siècle d'arbitraire et de conflit entre races, restaurer la dignité humaine et réparer la société. Mais à aucun moment les victimes n'ont été pressées de signer des chèques en blanc. Il y avait des conditions sans quoi le processus n'aurait jamais pu aboutir, s'accordent à dire des acteurs de cette période. Les candidats à l'amnistie, par exemple, étaient soumis, selon le Pr Pietr Meiring, membre de la commission Vérité et Réconciliation, à dire la vérité, faire preuve de transparence sur les faits commis, avec nécessité de l'équilibre entre le fait commis et le motif (politique), et à la fin lire un texte et prononcer expressément la formule : « Je regrette. » Parmi les éléments forts du processus, la commission Vérité et Réconciliation était un mécanisme fondamental. Cette institution menée par l'archevêque Desmond Tutu agissait en forme de tribunal où le bourreau et la victime devaient se faire face. Voici un cas révélateur des bienfaits de la procédure. Devant ladite commission, une femme dont le mari avait été kidnappé, assassiné et mutilé, mais dont le corps n'a jamais été retrouvé, apprend que sa main a été gardée dans un commissariat pour terroriser les Noirs. Grâce aux révélations du bourreau, qui devient ainsi éligible à l'amnistie, la victime finit par récupérer la main et l'enterrer et, au bout du compte, faire le deuil de son mari pour commencer une nouvelle vie. L'effet du processus sur la nation pourrait être résumé dans ce cas. La transparence est tout aussi décisive dans la réussite de la justice transitionnelle, basée sur la dépolarisation, la démocratie, le développement, l'autorité de la loi et la restitution de la dignité humaine aux victimes. Le rapport de la commission est d'ailleurs disponible sur le site internet du gouvernement. La nation sud-africaine a enfanté quatre prix Nobel de la paix. Le succès est dû aussi au leadership fort et au charisme de Mandela et Tutu qui ont pesé de tout leur poids pour engager le processus de réconciliation dans un contexte international pas toujours favorable, sachant que les puissances internationales comme l'Angleterre et les Etats-Unis d'Amérique, ou encore Israël, soutenaient l'apartheid. L'enjeu était fixé sur l'arsenal nucléaire de l'Afrique du Sud que l'ANC, dès la prise de pouvoir, a décidé de démanteler. Mais quand la politique remplace le droit, cela implique des erreurs qui peuvent être fatales pour les Etats et leurs peuples. Plus tard, l'évaluation du processus a montré quelques injustices. C'est ainsi que le président Thabo Mbeki avait créé un groupe composé de représentants du parti pour voir comment rejuger les criminels de l'apartheid. Le hic est que cette commission a entendu uniquement les personnes impliquées. L'action n'ira pas loin puisque le Centre international pour la justice transitionnelle (ICTJ) saisira le président pour lui demander de consulter les victimes avant de prendre une décision, faute de quoi le dossier sera transmis au TPI. Le successeur de Mbeki s'est engagé à ne prendre aucune décision avant de revoir la procédure. Auparavant, la justice a déclaré anticonstitutionnelle une loi qui interdit de critiquer les dispositions touchant aux mesures de la réconciliation. Une loi similaire à l'article 46 de la Charte sur la paix et la réconciliation en Algérie, votée en 2005. Quinze ans après l'entame du processus, la réconciliation est-elle intériorisée par les Sud-Africains ? La réponse est oui, mais peut-être pas à tous les niveaux de la société. D'où le ressac et la résistance de poches de racisme, même insignifiantes, de part et d'autre. Des figures de la gauche communiste, acteurs de la libération et de l'effort de réconciliation, regrettent aussi que toute l'attention se soit concentrée sur la réconciliation au détriment de la construction de la nation. Cela dit, le projet de société, fondement de la réussite du processus, était clairement engagé.
Vers la fin de la discrimination positive
C'est par la voix de l'écrivain sud-africain André Brink que l'on apprend, en juillet 2008 à travers le monde, que la politique dite de la discrimination positive a raté ses objectifs. En pourfendeur du système, l'illustre écrivain juge que cette politique a « atteint des extrêmes ridicules ». Cette politique, mise en œuvre en 1994, avait pour but d'effacer certains effets de l'apartheid, notamment en redistribuant équitablement les postes de responsabilités au profit des Noirs, majoritaires. Quinze ans après, le bilan est maigre. Pis, des effets pervers sont apparus dès lors qu'une partie de la minorité blanche touchée vit sous le seuil de la pauvreté, alors que les plus qualifiés parmi cette frange de Blancs sont en train de quitter le pays vers des cieux plus cléments, créant une saignée et un déficit de compétences dans tous les secteurs. Le pavé lancé par Brink a fait réagir la nouvelle direction de l'ANC qui a reconnu l'échec de la discrimination positive et promet d'infléchir la politique du prochain gouvernement, tout en indiquant, par ailleurs, que le personnel blanc qualifié serait bien accueilli par la prochaine administration, issue des élections de 2009. Dans les plus grandes universités, notamment celle de Pretoria, l'effectif estudiantin compte de plus en plus d'étudiants de race noire. Il est loisible aussi de constater l'émergence d'une classe active et aisée parmi les Noirs. Cela dit, les effets de la politique de discrimination positive ont été plutôt négatifs sur les plans social et économique et de l'avis de tous, aussi bien pour les Blancs que pour les Noirs. La réforme agraire et la réquisition d'actifs d'entreprises, détenus par les Blancs et par le pouvoir politique, ont été un fiasco. L'échec est imputé au bilan de Thabo Mbeki (1999-2008), qui correspond à une récession sans pareille. L'économie sud-africaine, considérée comme la plus développée sur le continent africain, est frappée de difficultés structurelles. Le rand est plus que jamais faible et l'inflation atteint des taux importants. De grands défis attendent le prochain élu à la présidence. L'ANC pourra virer plus à gauche avec Jacob Zuma, qui, dans son discours du moins, promet de grands changements, notamment en ce qui concerne les choix économiques, ultralibéraux pour son goût. Il devra compter, cependant, avec les puissants capitalistes locaux et un contexte international plutôt défavorable.


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