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Histoires de best-sellers
Publié dans El Watan le 28 - 12 - 2006

L'année livresque 2006 s'achève à travers le monde avec beaucoup de parutions, mais aussi beaucoup de déceptions et d'interrogations. Des prix nationaux qui propulsent des livres et en relèguent d'autres, jusqu'au prix Nobel qui garde toujours les secrets de sa propre logique. Il y a aussi des livres qui ont pu traverser toutes les frontières, matérielles et symboliques du monde, mis en exergue, non pas par des prix, mais plutôt par des machines médiatiques bien huilées. De vraies machines qui se cachent aujourd'hui derrière toute une industrie dédiée. Quels sont les livres qui ont eu la chance de passer entre les mailles trop serrées d'un système publicitaire complexe ? Sans doute beaucoup, ceux dont le seul prix est le public et le lectorat ciblé. En tête du box-office des livres, on retrouve l'incommensurable Da Vinci Code de l'écrivain américain Dan Brown qui est vite devenu un phénomène éditorial. D'ailleurs, le film, juste moyen, n'a fait que replacer le livre dans l'actualité nouvelle.
Le film a provoqué durant toute la période publicitaire qui a précédé la sortie officielle, un effet retour qui a rebondi sur le roman en renvoyant les lecteurs les moins convaincus au début vers le livre. Il suffit de voir comment les ventes sont revenues au top et d'une manière très sensible, surtout à Los Angeles, ville pleine de sensibilités artistiques ou New York réputée cité exigeante.
Pourtant, le cas Da Vinci Code est très révélateur et atypique, puisque la raison n'a pu défier la machine parfaite. Le livre qui commençait à s'essouffler et à disparaître des étalages des grandes librairies des grandes artères new-yorkaises ou celles de Los Angeles, a bénéficié d'une vraie relance publicitaire.
Il y a eu d'abord l'affaire du procès pour plagiat, intenté par deux Anglo-Saxons et remporté par l'écrivain en mars dernier, puis le film qui a propulsé le livre loin devant les dernières parutions de l'écrivain dont les ventes restent dans des limites disons imaginables (Anges et démons vendu à 1 100 000 exemplaires, Déception Pointe 550 000 exemplaires) quand Da Vinci Code est traduit dans plus de 44 langues avec des ventes qui dépassent tout entendement puisqu'elles viennent de dépasser les 40 millions d'exemplaires. Le seul vainqueur, c'est toujours la machine et le Big Brother qui contrôle nos consciences de loin, sûrement encadré par un marketing mondial implacable d'efficacité. Un autre roman qui n'a pas eu le même retentissement mais dont la diffusion se compte aujourd'hui en millions d'exemplaires, Fleur de neige (Traduction, Flammarion, 2006) de Lisa See, écrivaine américaine, qui vit aujourd'hui à Los Angeles, ville d'adoption de son aïeul chinois. Elle retourne sur les traces de la Chine du XIXe siècle, revisite un monde qui n'a jamais cessé d'exister dans le quotidien des Chinois et dans leur mémoire, malgré la force d'une modernité peu câline, mais qui n'a pu bousculer définitivement un passé lourd de conséquences. Elle est l'auteur de La Mort scarabée (Traduction, C. Lévy, 1998) et On Gold Mountain, livre-mémoire sur sa famille, salué à sa sortie par la critique littéraire. Fleur de Neige est traduit dans plus d'une vingtaine de langues. C'est l'histoire de deux filles ; Fleur de Neige et Fleur de Lys, la narratrice. La première est bourgeoise, la seconde n'a rien à offrir à son laotong (âme sœur) que sa beauté et son éducation, certes dure, mais qui lui a apprit l'endurance et la patience. Nées le même jour, à la même heure, dans la province lointaine de la Chine du XIXe siècle, elles doivent poursuivre la tradition du supplice des pieds bandés. Ces moments de douleurs effroyables leur permettent de mettre en action le Nu Shu, le langage des femmes. Une amitié sans limites s'installe entre elles. Elles deviennent inséparables, jusqu'au jour où Fleur de Lys découvre la trahison de son amie Fleur de Neige. Le grand amour se désintègre vite, laissant place à une jalousie infernale qui va jusqu'au bout de sa logique. Fleur de Lys vient d'une tradition ancestrale de l'Asie orientale. Elle porte en elle toutes les douleurs d'une Sheherazade face, cette fois-ci, à elle-même. Fleurs de Neige n'est pas l'histoire d'une amie qui termine en ennemie, mais un miroir narcissique, un reflet de tous les refoulements mal exprimés ou endormis. Le Nu Shu, langue secrète, est sa façon discrète de dire tout simplement la vie. Hélas, la blessure et l'aveuglement narcissique sont là pour remplacer l'Eros par un Thanatos destructeur. Il ne s'agit pas seulement d'un roman d'amour où s'entremêlent langage du corps et passions poussées à leur paroxysme, mais d'une fable pleine d'enseignements et de leçons.
Le monde arabe n'a pas échappé à la règle des best-sellers qui ont propulsé au devant de la scène littéraire plusieurs livres. Les plus remarqués, Les Filles des Ryad, de Raja As-Sany, et L'Immeuble Yacoubian, de Ala Al Aswany, ont été vendus à des milliers d'exemplaires dans un monde arabe pourtant réputé peu gourmand en termes de lecture. Comment l'écrivaine Raja As-Sany a-t-elle pu préserver, dans un roman fondamentalement politique et revendicatif, une certaine enfance et une grande innocence qui traverse entièrement le roman. Raja As Sany est Saoudienne et n'a que 25 ans. Elle vient juste de terminer ses études de chirurgie dentaire et Les filles de Ryad est son premier roman. Avec audace et simplicité, Raja détrône les clichés simplistes. Son écrit a fait couler beaucoup d'encre dans les deux sens, amour et désamour, dans le journal Ryad surtout. Les attaques s'accordent à considérer le roman comme une atteinte à la pudeur de la femme saoudienne, par extension, à toute la société. «Un roman sans force narrative véritable et sans une langue qui le soutient.» Il faut dire que Raja utilise une langue métissée entre l'arabe standard, le dialectal et l'anglais transcrit en arabe.
Il y aussi ceux qui ont jugé le roman comme une littérature frôlant le ségrégationnisme. Raja a répondu à ces attaques : «Ce n'est pas un roman féministe. Les filles de Ryad a été lu par beaucoup de catégories sociales. J'ai choisi quatre personnages représentatifs (Sadim, Lamis, Machaïl appelés aussi Michel et Qamra) mais sans prétention de toucher toute la société saoudienne. Je suis consciente, depuis que mon livre est sur le marché, il ne m'appartient plus. Il est ma seule identité devant le lecteur qui ne connaît rien de moi.» L'histoire est basée sur une fille peu ordinaire qui envoie chaque vendredi un e-mail vers toutes les adresses des utilisateurs d'Internet en Arabie Saoudite. Elle dévoile les secrets de ses amies de la haute sphère sociale, très attachée à une morale mensongère. Elle arrive à faire parler d'elle en créant une attente chez les lecteurs de l'Internet.
Chaque vendredi, ils reçoivent son courrier, et chaque samedi matin, ont lieu de grands débats dans les écoles, les universités, les hôpitaux et les lieux publics. C'est la mise en avant de tout un mécanisme social qui repose essentiellement sur le mensonge et l'hypocrisie. Le droit à la différence et à la citoyenneté pour les femmes est devenu irréversiblement un besoin vital. Les filles de Ryad est écrit avec une extrême intelligence et une très grande sensibilité et courage, même s'il est traversé par des moments de monotonie et de répétitions.
Beaucoup de critiques qualifient déjà son roman comme l'événement littéraire arabe de l'année 2006. Il suffit de voir les Salons du livre de Beyrouth et de Doha, cette année, pour adhérer à ce jugement. Pour sa part, le roman L'Immeuble Yacoubian, de Ala Al Aswani, est sorti en mars 2006 en traduction française sans faire grand bruit. Ce n'est qu'à partir de septembre, et avec la sortie dans les salles arabes et parisiennes du film basé sur le roman, que L'Immeuble Yacoubian a commencé à tracer sa voie. Aujourd'hui, il a dépassé le cap des 100 000 exemplaires en traduction et plus que ce chiffre en édition arabe puisqu'il en est à son neuvième tirage. Le film y est sans doute pour quelque chose, mais négliger le poids de la thématique sociale et le poids de l'islamisme dans la société égyptienne d'aujourd'hui, c'est méconnaître la nature du lectorat arabe. D'ailleurs, si on enlève les indicateurs de lieux, le roman devient foncièrement arabe puisqu'il retrace le malaise profond d'une société mal partie qui se retrouve aujourd'hui face à ses vieux démons : le religieux et le social, sans pouvoir avancer d'un iota. Le succès des romans concernés ne relève donc pas seulement d'un effet de marketing. Ils portent en eux aussi les questions que les littératures posent aux sociétés dans lesquelles elles émergent.


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