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Dans l'autonomie ou par la lutte armée ?
Publié dans El Watan le 08 - 04 - 2007

Vu les événements, la lutte armée du FLN déclenchée le 1er novembre 1954, l'UDMA soutenant la révolution, et Ferhat Abbas sur le point de rejoindre le FLN au Caire, il va de soi que le journal fermât ses portes en toute discrétion. De ce fait, il est fort probable que le numéro du 16 décembre 1955 soit bien le dernier paru. Ce journal changea de titre à deux reprises. Avec Egalité devenu Egalité – La République algérienne et enfin La République algérienne, Ferhat Abbas réalise là son grand rêve (exprimé en 1937 à travers L'Entente) de créer un journal qui n'aurait rien à envier à la presse coloniale et, au-delà. Mais loin d'être un simple rêve, créer ce grand journal était bien un objectif à atteindre. La ténacité et les capacités innombrables de l'homme sont encore une fois démontrées.
En atteignant cet objectif le 15 septembre 1944, Ferhat Abbas réussit là un coup de maître, car Egalité devenu La République algérienne, de par la qualité de son contenu et sa longévité, révèle encore une fois, après l'expérience au sein de L'Entente, que Ferhat Abbas, l'homme politique de poigne et de renom, était aussi journaliste dans l'âme. Il avait non seulement compris que la presse est une arme redoutable, mais le journalisme c'était aussi son credo, là où il se lâchait, là où il n'avait jamais peur des mots, mettant presque sa tête à prix. L'on se demande, dès lors, où l'homme puisait toute cette énergie. Dans ces années 1940, il est sur tous les fronts, tout en poursuivant, plus déterminé que jamais, son activité politique en tant qu'élu au service de son peuple. Il est journaliste à L'Entente (1935 à 1942). Il rédige le Manifeste du peuple algérien en 1943 et ensuite le rapport adressé au maréchal Pétain en 1944, et le voilà qui crée Egalité en septembre 1944 et trouvera l'énergie de le diriger durant 11 ans, tout en fondant son grand parti, l'UDMA, en 1946. Egalité, devenu La République algérienne organe du Manifeste du peuple algérien et dans la suite logique celui de l'UDMA, va s'atteler durant 11 ans à défendre les intérêts des Algériens et les mener vers la République algérienne dans l'autonomie ou par la lutte armée. Nous verrons dans ce qui suit que les propos de Ferhat Abbas à ce niveau seront clairs et sans équivoque.
Naissance d'un grand journal
A sa naissance, le 15 septembre 1944, cet hebdomadaire prit pour titre Egalité, et pour sous-titre Egalité des hommes – Egalité des races – Egalité des peuples. Hebdomadaire indépendant de défense des intérêts algériens. Le journal parut d'abord sur quatre pages, et lorsqu'il atteint son rythme de croisière, il passa à 8 pages. Son administration était domiciliée au 3, rue Juba à Alger. Le directeur politique était Ferhat Abbas et le rédacteur en chef Mohammed El Aziz Kessous qui était déjà au côté de Ferhat Abbas dans L'Entente. Pour le chercheur, qui a eu à découvrir la plume de Kessous à travers L'Entente (voir El Watan du 19 février 2006), il ne pouvait que se réjouir de cette nouvelle collaboration, car les deux plumes qui avaient excellé, quelques années auparavant, ne pouvaient que réitérer l'exploit et, pourquoi pas, le dépasser. Durant son année de création, le journal est très régulier. Mais en 1945, il ne publie que 17 numéros. Les événements sanglants du 8 mai n'y sont pas pour rien, et Ferhat Abbas, inquiété par les autorités, accusé à tort d'avoir provoqué ces événements, a été mis en prison. Beaucoup disent qu'à sa sortie de prison, Ferhat Abbas créa un autre journal, or il s'agit du même journal. En 1945, la numérotation s'arrête au 34 ; et, en 1946, elle reprend au numéro 35. Il a toujours pour titre Egalité et ce sont les mêmes plumes. Kessous en est toujours le rédacteur en chef. Des changements néanmoins au niveau du sous-titre qui devient Organe du Manifeste du peuple algérien et le journal change de siège, et s'installe au 6, place du cardinal Lavigerie à Alger. Ce numéro 35 du 16 août 1946 est intéressant à plus d'un titre car il est consacré aux événements douloureux du 8 mai 1945. Le n°36 du 18 août 1946 sera un numéro spécial consacré à l'acte de naissance de l'UDMA.
Le 27 février 1948, le titre du journal est modifié, ou plutôt il s'enrichit d'un double terme qui est, à lui seul, tout un programme politique, le titre devient en effet Egalité – La République algérienne. De nouveau un changement de siège, le journal s'installe définitivement au 2, rue Arago à Alger. Quatre mois plus tard, soit le 18 juin 1948, le journal, amputé du terme égalité, prit définitivement pour titre La République algérienne. Il redémarre une nouvelle numérotation, avec cette précision «nouvelle série». A cette date, Kessous se retire pour s'installer, à ce qu'il semble, en France, et ceci après avoir tant donné à ce journal. Le verbe de Kessous à travers Egalité n'a pas démenti la réputation faite à la suite de ses écrits à travers L'Entente, l'homme engagé jusqu'au fond de l'âme s'est révélé encore plus déterminé et plus redoutable que jamais. Néanmoins, nous avons trouvé étrange que Kessous s'en aille à un moment stratégique, au moment même où Ferhat Abbas fait sauter du titre le terme «égalité». Celui qui avait défendu la cause de son peuple, avec ses tripes, était néanmoins connu pour son désir d'égalité et son allergie à la violence. D'où l'hypothèse selon laquelle Kessous se serait retiré parce qu'il aurait
refusé de cautionner Ferhat Abbas dans ce qui était contraire à son idéal d'égalité. Cette hypothèse mérite d'être soulevée, tout en sachant que Kessous, marié en 1940 à la mosquée de Paris avec une Française, n'a peut-être été appelé en France que pour des obligations familiales. Après 1948, Kessous aurait créé à Paris un journal ayant pour titre La Communauté algérienne.
Le 18 juin 1948, Kessous est remplacé à la tête de la rédaction de La République algérienne par Ahmed Boumendjel, une plume qui se distingua de suite comme étant dans la lignée des plumes baroudeuses, au point que l'un de ses articles valut à son directeur, Ferhat Abbas, de passer en correctionnelle. Comme quoi, en perdant Kessous au profit de Boumendjel, La République algérienne n'a pas perdu au change. Ce passage de Ferhat Abbas en correctionnelle ne fut ni le premier ni le dernier. En effet, c'est à tort que l'on pourrait penser que Ferhat Abbas créa ce journal et le dirigea durant 11 ans et trois mois exactement, sans difficultés. Tracasseries administratives, persécutions, censure et diffuseurs pourchassés par la police étaient le lot quotidien. Ferhat Abbas fut même condamné à trois mois de prison le 1er août 1952, et ses éditoriaux furent souvent censurés. A la place un carré blanc. Mais qu'à cela ne tienne, Ferhat Abbas est plus déterminé que jamais, et ceci se ressent à travers sa plume de plus en plus virulente. A partir du 18 juin 1948, dans cette dernière trajectoire vers la république algérienne, Ferhat Abbas s'entoura d'hommes de confiance et de grande valeur qui mirent leur plume au service de la noble cause, entre autres celles de Ahmed Boumendjel, cité ci-dessus, Malek Benabi, Ahmed Francis, Kadour Satour, Allel Sadoun, Ahmed Benzadi et Allaoua Abbas (neveu de Ferhat Abbas). Il est clair qu'amputer le titre du journal du terme «égalité» n'est pas anodin. Ferhat Abbas explique lui-même les raisons pour lesquelles ce terme a sauté du titre le 18 juin 1948 :
«Egalité est devenu La République algérienne. Ainsi nous avons coupé court à l'équivoque entretenue par les colonialistes qui prétendaient réduire notre doctrine à une simple égalité» (La République algérienne n°132 du 25 juin 1948). En faisant sauter du titre «égalité», Ferhat Abbas, on ne peut dire mieux, venait de tourner le dos au Manifeste qui parle pourtant d'égalité entre les communautés musulmane et européenne.
Après l'étude de cet hebdomadaire, nous avons constaté, qu'à partir plus précisément de 1948, tout en parlant d'autonomie, Ferhat Abbas est déjà dans la guerre.
En avant pour la république algérienne !
– L'Etat algérien est la formule de l'avenir
– La libération de son pays, Ferhat Abbas y pense depuis 1938, sans trop savoir quel en serait le bon moyen, tant l'idée d'un bain de sang l'horrifiait. Cette année 1938 qui est la date clé de son itinéraire politique, où à la suite de l'enterrement du projet Viollette (voir à ce sujet El Watan du 19 février 2006) s'en prenant violemment au colonat, il réclama pour son peuple le droit de vivre libre dans son propre pays. Avec l'enterrement de ce fameux projet qui avait enflammé les esprits, Ferhat Abbas, en homme politique averti, avait définitivement compris que les promesses ne seraient jamais tenues, qu'aucune réforme n'aurait lieu et que son peuple ne pourrait jamais vivre libre dans son propre pays, s'il ne passait pas à l'action par la lutte armée. A l'étude du journal L'Entente, il ressort clairement qu'à partir de 1938, l'idée de la lutte armée est bel et bien dans l'esprit de Ferhat Abbas. Mais quatre obstacles au moins, et de taille, vont la mettre en veilleuse :
Le premier, c'est la Deuxième Guerre mondiale, ce conflit à l'échelle planétaire qui n'a pas épargné l'Algérie qui perdit un nombre incommensurable de ses jeunes hommes (14 000 morts et 42 000 blessés), venu s'amonceler à celui effrayant de la grande guerre (25 000 morts), à celui de la guerre d'Indochine (1946-1954), et à celui des morts dans d'autres conflits depuis l'occupation du pays.
Le second obstacle, et non des moindres, sont les milliers de morts du 8 mai 1945 et la terrible répression qui s'ensuivit.
Le troisième, c'est l'extrême pauvreté du peuple algérien. Si en 1939, L'Entente titrait «On meurt de faim en Algérie» ; en 1944, le peuple est plus que jamais dans la misère «La famine menace l'Algérie» et «L'Algérie a faim», titre Egalité. A la misère, il faut ajouter ce qui va avec, c'est-à-dire l'ignorance ; le peuple algérien était à plus de 94% analphabète.
Le quatrième obstacle est de taille, comment arriver à faire l'union de toutes les mouvances politiques autour de la même idée ? Ferhat Abbas avait encore en tête l'échec du Congrès musulman (1936 et 1937). Et il y avait aussi une élite bien mobilisée qui réclamait certes l'égalité des droits, mais était frileuse quant à passer à l'action contre la France, ou ne le voudra jamais. Pour seul exemple, le docteur Bendjelloul qui signe le manifeste, et qui change d'avis, en voulant ressusciter le projet Violette, auquel Ferhat Abbas répond : «La résistance est là et le passé ne reviendra pas.» (Egalité n°8 du 3 novembre 1944). Rien ne va plus en effet entre les deux hommes. Les journalistes mènent une véritable fronde contre le docteur Bendjelloul. Et pourquoi cette fronde puisque le Manifeste réussit l'exploit d'avoir assez de signatures d'élus et celles du PPA et des ouléma qui lui assura la légitimité ? C'est que le docteur Bendjelloul représentait beaucoup dans l'est du pays, c'était un homme fort aimé, dont la générosité était légendaire. On chantait même ses bienfaits. A travers L'Entente, il n'intervenait que pour défendre les plus démunis.
Par ailleurs, le docteur Bendjelloul était déjà en politique depuis le début du siècle. Député de Constantine, il avait lui aussi une connaissance poussée de l'adversaire. Son expérience en politique n'était donc pas à négliger. En retirant sa signature du Manifeste, Bendjelloul pouvait créer une scission dans l'union, qui profiterait à l'adversaire, et mènerait peut-être le Manifeste à sa perte. Tout cela n'a pas échappé au fin politicien qu'était Ferhat Abbas. La voix de Bendjelloul pesait donc dans la balance. Mais il la retira. La rupture entre les deux hommes est des plus inattendues, et des plus violentes par le verbe. Cette rupture entre ces deux hommes, qui menèrent pourtant un combat magnifique à travers L'Entente, est lourde de significations. Pourquoi le docteur Bendjelloul a-t-il fait marche arrière, renonçant à soutenir Ferhat Abbas ? S'il y avait un homme qui connaissait parfaitement Ferhat Abbas, c'était bien lui. Une collaboration de sept ans au sein de L'Entente, ce n'est pas rien. Le docteur Bendjelloul avait vu la réaction de Ferhat Abbas après l'enterrement du projet Viollette et sa détermination à en découdre avec le colonat. «S'il leur prenait l'envie de descendre dans la rue, ils nous y trouveraient», avait lancé Ferhat Abbas, au summum de la colère (L'Entente n°56 du 20 janvier 1938). De ce fait, le docteur Bendjelloul n'était pas dupe, il n'imaginait pas Ferhat Abbas accepter une seconde défaite, à la suite de celle du projet Viollette, et se croiser les bras. Qui mieux que le docteur Bendjelloul connaissait le colonat ? Il savait que ce colonat, qui n'avait jamais accepté de partager une seule miette de ses privilèges, n'accepterait bien sûr jamais l'autonomie. Le sang coulerait. Et le docteur Bendjelloul savait aussi que Ferhat Abbas en réclamant l'autonomie n'ignorait pas tout cela, bien sûr ! Un affrontement avec les Français d'Algérie, Bendjelloul tout compte fait n'en voulait pas. Si nous insistons sur la question du docteur Bendjelloul, c'est parce que le journal lui-même lui a accordé une grande importance. En effet, la fronde dura jusqu'en 1952. Le docteur Bendjelloul, de ce que nous avons appris de lui à travers l'étude de L'Entente, n'aurait pas eu tort de penser que Ferhat Abbas en parlant d'autonomie ne duperait que ceux qui le connaissent bien peu. Et ne serait suivi que par ceux qui étaient préparés moralement pour la lutte armée, dans le cas où la France refuserait l'autonomie. Si l'idée d'autonomie à émerger dans l'esprit de Ferhat Abbas, c'est bien pour au moins deux raisons :
La première, pour Ferhat Abbas, seule l'autonomie ferait le consensus entre toutes les mouvances politiques et lui permettrait de recueillir le maximum d'âmes de bonne volonté autour de lui, ce qu'il réussit avec les Amis du Manifeste du peuple algérien.
La seconde, Ferhat Abbas n'avait pas de parti. L'UPA créé en 1938 a été un parti mort-né (pour cause de guerre mondiale), et ce parti national Ferhat Abbas le voulait. Car seul un parti, un grand parti donnerait à la cause du peuple algérien une assise à l'échelle nationale et une reconnaissance internationale. Et ce parti ne pouvait se réaliser qu'avec le premier point cité, c'est-à-dire un consensus autour de lui grâce à l'autonomie. Ce parti sera l'Union démocratique du Manifeste algérien (UDMA). Ces deux critères, et non des moindres, ne sont pas rien, si l'on veut un jour ou l'autre passer à la lutte armée. Et si l'on regarde de près ce que Ferhat Abbas écrit en 1948 dans La République algérienne, il est clair que l'homme qui avait réussi le consensus, qui avait créé son grand parti, reconnu déjà dans nombre de pays, en parlant d'autonomie est déjà dans la guerre. Le 19 mars 1948, l'UDMA, à travers le n°118, lance un appel au peuple algérien au combat pour la République algérienne.
Ferhat Abbas précise sa pensée : «Cette République sera proclamée en accord avec la France, pour une compréhension réciproque et dans l'intérêt des deux pays, ou sans la France, dans une atmosphère de haine et de divorce. De toute manière, elle sera proclamée parce que l'Etat algérien est la formule de l'avenir. Aucune puissance au monde ne peut arrêter la marche du progrès et entraver le cours normal de l'histoire.» (en majuscule dans le texte) Et il lança ce cri du cœur à l'adresse de son peuple : «En avant pour la République algérienne !» La République algérienne démocratique et sociale qui fera la une du n°268 du 8 juin 1951. Dans le numéro 121 du 8 avril 1948 et dans un éditorial flamboyant dont Ferhat Abbas avait le secret, le voilà qui écrit : «Le régime colonial sera vaincu. Il est né dans le sang de la multitude de nos fellahs, il finira sans doute dans le sang de ces innocents. Mais il finira de toute manière. Il mourra parce qu'il porte dans son sein les germes de sa propre destruction.» Il est on ne peut plus clair que Ferhat Abbas parle ici de révolution, car nous ne voyons pas ce qui peut se terminer dans le sang, si ce n'est la lutte armée. Si, en 1938, il mit le cap vers la libération de son pays du joug colonial, mais ligoté par son obsession de perte de vies humaines si un combat pacifique pouvait les éviter, en 1948, par contre, il était convaincu que la lutte armée serait désormais la seule issue.
Courage et humilité d'un grand homme
Le journal Egalité devenu La République algérienne, créé et dirigé par Ferhat Abbas durant 11 ans, ne fut pas bien sûr que cela, même si c'est cela l'essentiel. Si nous l'avons qualifié de grand journal, c'est bien parce qu'il réussit à être un journal qui n'eut rien à envier à la presse coloniale et au-delà. Il s'aligna parmi les grands noms de la presse mondiale. Il suffit de le consulter pour s'en convaincre. En dehors de la question nationale, primordiale, et pour laquelle il fut créé, l'UDMA, ayant par la suite une place de choix, ce qui allait dans le sens de la défense des intérêts des Algériens, le journal consacrait à l'information internationale une grande surface, et il pouvait se le permettre car il publiait sur 8 pages. Cette question internationale qui traitait aussi bien des Antilles, des Noirs d'Amérique et du Pakistan, la mort du bey Moncef, celle de Roosevelt, les événements du Maroc et de la Tunisie, pour ne citer que ceux-là. Revenons à l'Algérie pour dire que l'émancipation de la femme algérienne a occupé une place privilégiée, et on tira orgueil de la première Algérienne devenue médecin Aldjia Nourredine (Egalité n°43 du 4 octobre 1946).
Après l'étude de L'Entente et Egalité devenu La République algérienne, nous ne pouvons que rendre hommage au courage et à l'humilité de ce grand homme que fut Ferhat Abbas qui, pourtant, à publier plusieurs ouvrages après l'indépendance, et qui a tu (ou à peine cité) toutes ces années de gloire, où il a mené un combat prodigieux par la plume, malgré les entraves, et soucieux d'une seule chose, comment libérer son peuple du joug colonial, tout en lui évitant de nouvelles souffrances, de nouveaux morts et cette apocalypse exprimée noir sur blanc à travers les écrits du mouvement algérianiste. Le choix ne fut pas simple, lorsqu'il lui fallut se résoudre en 1948 à mettre au placard son idéal d'égalité. Le 8 mai 1945 n'a rien fait d'autre qu'attiser le feu qui brûlait en son cœur depuis 1938. Et cet homme, qui n'a tant combattu que pour le bien-être de son peuple, ne pouvait se relever du 8 mai 1945 et ses milliers de morts, en étant tout à fait le même. Mais l'homme n'a pas changé, il a simplement été renforcé dans ses convictions, celles-là mêmes qui révélèrent en 1931 la fibre nationaliste d'un jeune Algérien.
L'auteure est Docteur en communication


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