On croyait que le départ de Marc Ravalomanana de la présidence de la République malgache allait régler la crise politique qui affecte ce pays depuis de longs mois. Il n'en est rien. Plus que cela, le Président déchu refuse de s'avouer vaincu, et envisage toujours de revenir au pouvoir. En ce sens, une mission de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) devait même se rendre hier à Madagascar pour tenter de convaincre les autorités de transition de « restituer le pouvoir » à Marc Ravalomanana, le président qu'elles ont évincé mi-mars, a annoncé le Swaziland. Lâché par l'armée et confronté à une grave crise politique, Marc Ravalomanana a remis le 17 mars ses pouvoirs à un directoire militaire qui les a immédiatement transférés à Andry Rajoelina, alors chef de l'opposition, et désormais à la tête d'une Haute Autorité de transition (HAT). « Nous impliquons toutes les parties concernées (dans les discussions) et il serait faux de dire que la SADC utilisera l'armée pour chasser Rajoelina, mais nous voulons qu'il restitue le pouvoir au Président légitime », a affirmé le ministre swazi. La SADC a suspendu Madagascar de ses instances et Marc Ravalomanana, qui a quitté son pays depuis son éviction du pouvoir, a rencontré ces derniers jours les présidents d'Afrique du Sud Kgalema Motlanthe et du Botswana Ian Khama. « Pour prouver son attachement à la démocratie, le président Ravalomanana a assuré à la SADC et à la troïka qu'il organiserait de nouvelles élections avant la fin de l'année pour légitimer sa présidence. » Voilà donc là un sérieux rebondissement ou encore le refus du fait accompli putschiste, avec cette sensation de vide politique avec un pays divisé entre partisans et opposants des deux pouvoirs, mais où, par ailleurs, le pouvoir semble avoir perdu prise sur la direction du pays. Effectivement cette fois, les rôles sont inversés : les tenants de l'ancien régime battent désormais le pavé et les forces de l'ordre répriment au nom de l'ex-opposition. La fermeture mi-décembre par le régime de Marc Ravalomanana de la radio Viva, propriété du maire d'Antananarivo et désormais président de l'Autorité de transition malgache (HAT) Andry Rajoelina, avait servi de détonateur de la contestation populaire en faveur du jeune opposant de 34 ans. Lundi, des milliers de partisans de l'ancien régime protestaient contre la saisie, la veille, par des militaires d'équipements de transmission, de trois médias audiovisuels réputés proches de M. Ravalomanana. Une centaine de Malgaches avaient déjà perdu la vie, dont 28 froidement abattus par la garde présidentielle le 7 février, et le départ de M. Ravalomanana laissait entrevoir une sortie de crise. C'était compter sans l'opiniâtreté de cet ancien livreur de lait, issu d'une famille paysanne et devenu l'un des principaux hommes d'affaires du pays, qui joue actuellement sur la non-reconnaissance par la communauté internationale de la HAT et sa difficile mise en place. L'Union africaine et l'Organisation internationale de la Francophonie ont suspendu Madagascar. Les Occidentaux ont condamné ce qu'ils considèrent comme un « coup d'Etat ». Les poids-lourds de l'opposition au régime de M. Ravalomanana, les ex-présidents Didier Ratsiraka (1975-1993 et 1997-2002) et Albert Zafy (1993-1996), ne reconnaissent pas le nouveau pouvoir. C'est dans ce climat de flottement que le président évincé parcourt le continent africain à la recherche de soutiens et tente d'organiser son retour. Le 10 avril en Libye, il signait une ordonnance annulant le transfert de ses pouvoirs au directoire militaire et nommait un nouveau Premier ministre, Manandafy Rakotonirina. Madagascar comptait alors deux Premiers ministres. Et au lendemain de la proclamation de M. Rakotonirina, l'ex-chef du gouvernement de M. Ravalomanana, Charles Rabemananjara, rendait une visite de courtoisie au Premier ministre de M. Rajoelina, Monja Roindefo, reconnaissant implicitement le pouvoir de la HAT. Difficile dans ces conditions de savoir qui fait quoi. La HAT a ainsi toujours des difficultés à asseoir son autorité sur l'ensemble de l'administration. C'est tout de même dramatique pour un pays qui manque de stabilité. Bien au contraire, celle-ci lui est vitale pour sortir du sous-développement.