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« Les islamistes échappent aujourd'hui à tout contrôle institutionnel ou partisan »
Rachid Tlemçani. Politologue et auteur de plusieurs ouvrages sur la transition démocratique
Publié dans El Watan le 23 - 04 - 2009

Rachid Tlemçani a été chercheur dans plusieurs universités, notamment à l'Institut universitaire européen (Florence), Georgetown University, (Washington, DC) et à Harvard University (Boston). Il a été également l'invité de think-tanks comme la fondation Carnegie. A son actif, il a plus d'une vingtaine de publications dans des revues spécialisées (Middle East Report, Revues Internationales) dont Elections et Elites (Chihab), des ouvrages collectifs, Dictionnaire du vote (PUF), des articles dans des revues internationales et des contributions dans la presse nationale. Il a dirigé plusieurs groupes de recherche sur la transition démocratique. Il analyse ici l'émergence du néo-fondamentalisme.
Les islamistes ont abordé l'élection présidentielle en rangs dispersés. Le MSP de Bouguerra Soltani a soutenu Bouteflika. Djahid Younsi, qui a hérité du parti de Djaballah, a essuyé une défaite sans appel, tandis que Djaballah a appelé au boycott de l'élection. Comment expliquez-vous la crise que vit l'islamisme politique ?
Les islamistes, à l'instar des autres partis politiques, vivent une crise de leadership très aiguë. Tous les partis – FFS, RND, FLN, PT, RCD – pour ne citer que les grandes formations, ont été profondément secouées par des crises internes. Ce n'est pas parce que le MSP s'est approprié l'Islam à des fins politiciennes que ce parti n'est pas à l'abri de luttes intestines. La crise du multipartisme remonte en réalité aux conditions qui ont vu sa naissance et son institutionnalisation. L'ouverture politique fut brutalement imposée, au lendemain des événements d'Octobre 1988, pour désamorcer et gérer la profonde crise sociale. L'administration se retrouve aujourd'hui seule, sans interface, sans interlocuteur valable, face à une société en état insurrectionnel et une jeunesse aux repères brouillés. Le second facteur important qui pourrait expliquer la crise de l'islamisme est associé à son incapacité congénitale de répondre aux attentes populaires. Le slogan « l'Islam est la solution », qui face aux contraintes des programmes d'ajustement structurel et de la globalisation, s'est avéré rapidement très simpliste pour ne pas dire caricatural. L'Algérie des années 2000, ébranlée par le néo-libéralisme, est devenue une société plurielle. Le vote de protestation que les islamistes ont su rapidement capter au détriment des formations démocratiques a fini par leur échapper au fil de la crise identitaire. La question sociale a fini par ne pas être inscrite dans l'ordre du jour des programmes des islamistes, toutes tendances confondues. Comme troisième facteur que je pourrai citer, la politique « tout sécuritaire » en assénant un grand coup aux groupes armés a décrédibilisé du même coup l'islamisme politique. Quatrièmement, le courant islamiste paie aujourd'hui la facture des dérives affairistes de son leadership. Les islamistes se sont avérés de redoutables partenaires dans une économie de bazar en plein essor, ils sont rapidement parvenus à contrôler plusieurs secteurs d'activité.
Le MSP vit depuis son quatrième congrès une situation particulière. L'un des poids lourds du parti, Abdelmadjid Menasra, en différend avec Soltani, vient de claquer la porte, choisissant de créer sa propre formation. Quel serait, selon vous, le coût politique de cette démission pour le MSP ? Pourquoi cette crise au sein d'un parti connu pour sa discipline dite militaire ?
La crise interne du MSP est apparue au grand jour lors de la succession à cheikh Mahfoud Nahnah, le chef charismatique, en 2003. Le jeu subtil des alliances conjoncturelles et des marchandages liés aux rentes de situation a prévalu tant bien que mal au sein des instances dirigeantes du parti. Bouguerra Soltani, un prédicateur de Constantine, parvient à prendre la tête du parti en écartant des instances dirigeantes un groupe dirigé par Abdelmadjid Menasra. Le nouveau leader n'aura évidemment pas la crédibilité de son prédécesseur, puisque les partis politiques dans les sociétés arabes sont liés à leurs fondateurs. Le parti commence ainsi à perdre son audience dans les cités populaires. A la veille de son quatrième congrès, en avril 2008, les conflits se sont exacerbés davantage, à tel point que la réunion n'allait pas se tenir. Le MSP a failli imploser en faisant abstraction de la discipline du parti, une discipline de type militaire, comme vous l'avez souligné. Quelques mois plus tard, des députés tentent de former un groupe parlementaire distinct en perspective de créer un nouveau parti capable de concurrencer le rebelle, Abdellah Djaballah, qui a refusé de participer au scrutin présidentiel de 2009. Rappelons que les deux groupes ont récemment soutenu la candidature du président Bouteflika pour un troisième mandat, comme ils ont soutenu toutes les grandes décisions des gouvernements qui se sont succédé depuis la légalisation de Hamas en 1990, devenu MSP en 1997. Fidèle à son entrisme, le MSP vise à appliquer, contrairement aux salafistes, la charia par étape. A leur actif, les islamistes ont réussi à faire passer de nombreuses décisions touchant à la vie privée des Algériens. Ils ont ainsi contribué à l'islamisation de la société par « le bas ». Le conservatisme religieux caractérisant aujourd'hui la société algérienne est le résultat de la « moucharaka » à la prise de décision. Pour récupérer la nouvelle mouvance conservatrice qui ne se reconnaît dans aucun parti politique, les islamistes, toutes tendances confondues, ont tenté, avant même la tenue du scrutin d'avril 2009, de se redéployer pour « l'après-Boutef ».
L'Etat a-t-il réussi à récupérer la mouvance islamiste et à la faire évoluer au gré des circonstances et des rendez-vous politiques ?
L'Etat a en effet réussi à récupérer la mouvance islamiste, plus exactement son leadership ; un leadership vivant dans une « bulle », hors crise. L'ensemble des islamistes échappe aujourd'hui à tout contrôle institutionnel ou partisan. Les récentes manifestations de soutien à la cause palestinienne sont un cinglant camouflet à toute la classe politique. Le leadership algérien a été incapable d'organiser des manifestations pour une cause acquise d'avance, et ce n'est pas pourtant les appels qui ont fait défaut. Il a fallu attendre la consigne venant de Doha via la chaîne Al Jazeera pour assister à des manifestations à travers le pays.
Les résultats de l'élection présidentielle reflètent-ils le véritable poids de l'islamisme en Algérie ?
Il est très difficile de prétendre que les résultats officiels reflètent la réalité électorale dans les pays arabes. Les élections, depuis l'époque coloniale au multipartisme en passant par le parti unique, ont été marquées par une fraude massive. Il n'est pas honnête intellectuellement de tirer de grandes conclusions sur la base de données officielles. Même dans les pays démocratiques où la sociologie électorale est érigée en filière universitaire, les études sur les élections ne sont que des indicateurs. En Algérie, la sociologie électorale n'existe pas encore, elle n'a pas droit de cité dans nos universités. Quand on a voulu jouer à l'apprenti sorcier en 1991, on connaît les dégâts occasionnés par un sondage d'intention de vote qui créditait l'ex-FIS de 30% de votants. Sur la base des derniers résultats électoraux, des cercles de pouvoir font circuler l'idée saugrenue que l'islamisme politique est « enterré » à tout jamais. Un conservatisme religieux, de type nouveau, a envahi pourtant toutes les sphères de la reproduction sociale alors que l'Algérie était dans l'antichambre de la modernité avant le coup de force du groupe de Chadli Bendjedid. « Cette révolution silencieuse » peut basculer à tout moment en une force sociale plus déstabilisatrice que l'islamisme radical.
Quels sont aujourd'hui les courants islamistes ?
Tout d'abord, remarquons, les islamistes, de par le monde, ont évolué dans leurs discours et propagande. Les groupes islamistes, qui prêchent l'application de la charia dans son intégralité, ne sont pas nombreux aujourd'hui. C'est pourquoi d'ailleurs de nombreux experts ont rapidement conclu à l'échec de l'islamisme politique. Le score de 1,37% remporté par Djahid Younsi renforcerait ces analyses de type journalistique. Parmi les six candidats, à l'exception, peut-être de Mme Louisa Hanoune, seul Djahid Younsi n'a pas occulté son appartenance à l'islamisme politique. Les autres ont en fait un jeu à géométrie variable. L'islamisme politique se résume aujourd'hui à trois courants. Il y a un courant radical que la lutte terroriste a laminé. Il reste seulement quelques éléments liés à la AQIM. Le second est de tendance salafiste regroupant des éléments du FIS dissous. Ses chefs historiques, figés dans une réalité révolue, n'ont aucune influence significative auprès de la jeunesse. On a tendance à oublier que les Algériens, âgés de 10 ans en 1988, ont aujourd'hui 30 ans ; ils représentent plus de 60% de la population. La troisième tendance est la plus importante, de par son nombre et son ancrage social, ses adeptes la qualifient d'islamo-nationaliste. Je pense qu''il est plus correct de l'identifier d'extrême-droite dont ses éléments constitutifs sont ceux de l'extrême droite européenne. En France, très minoritaire dans les sondages, elle a failli remporter des élections présidentielles, n'était un sursaut citoyen qui lui avait barré la route à l'Elysée.
Comment qualifiez-vous ce conservatisme religieux par rapport à l'islamisme politique de type traditionnel ?
A l'ombre de l'islamisme traditionnel, un autre islamisme est en train de voir le jour dans de nombreux pays musulmans : c'est l'islam du bazar. Ce néo-fondamentalisme qui se veut apolitique est porté par les nouvelles bourgeoisies urbaines. Pour ses adeptes, l'Etat doit se limiter aux fonctions régaliennes (défense, police, justice) et les ONG et les individus, à eux, la gestion de la cité. On attribue le contrôle social aux islamistes et le contrôle économique aux technocrates. Cette nouvelle forme de division du travail met en symbiose le port du turban et de la casquette et la conduite des voitures de type Maruti et des 4x4. Les né-conservateurs US et autres ont trouvé en eux des alliés stratégiques d'une grande loyauté.
Est-il possible de dire que l'islamisme politique est une réaction à l'incapacité du pouvoir, dans le passé et aujourd'hui, d'établir un Etat fondé sur la modernité et la citoyenneté ?
La construction d'un Etat fondé sur la citoyenneté est un processus historique cumulatif. Il n'est pas correct de dire qu'un régime donné a échoué dans sa construction. Il est néanmoins plus approprié de dire qu'il a contribué à améliorer l'atmosphère générale favorable à la mise en place d'un Etat fondé sur la citoyenneté, ou il a régressé ou failli à sa mission. En Algérie, l'équipe qui a fait un coup de force à la fin des années 1990, pouvait en effet faire un bond qualitatif en capitalisant la lutte antiterroriste. Ce ne fut pas le cas. Le pouvoir politique, par manque de vision stratégique, s'est recroquevillé sur lui-même au lieu de s'ouvrir à « l'humanité ». Les conditions, endogènes et exogènes, étaient pourtant bien réunies pour faire la rencontre avec l'histoire. Après tant d'années de gâchis et de traumatismes, la classe politique sera-t-elle cette fois-ci en mesure de se réconcilier avec elle-même ?


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