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« Le leadership de Bouteflika s'appuie sur l'Etat rentier »
Mohamed Hachemaoui (Spécialiste en sociologie politique)
Publié dans El Watan le 02 - 05 - 2009

Dans cette deuxième et dernière partie de l'interview de Mohamed Hachemaoui, le politologue s'attache à disséquer les fondements structurels du « système Bouteflika » en faisant un focus sur l'un des fondamentaux de sa politique : le recours aux largesses de l'Etat rentier qui lui aura permis d'« acheter » des loyautés.
Vous estimez que le 5 octobre 1988 a été une « pure manipulation d'appareils ». N'y avait-il pas des forces au sein de la société (le FFS, le PAGS, les militants des droits de l'homme…) qui aspiraient réellement au changement ?
Un discours romantique a présenté « Octobre 88 » comme une « révolte porteuse de démocratie ». Rien n'est plus naïf. Octobre 1988 est, comme l'a avoué dernièrement Ahmed Ouyahia, une « manip d'appareils ». Les coups fourrés et les manipulations sont une spécialité des services. Les slogans scandés par les émeutiers concernaient Messaâdia, Attaïlia et la famille de Chadli, absolument pas la démocratie. Une nouvelle répartition du pouvoir survient à l'issue de cette « opération ». La décantation politique entreprise au lendemain de ces émeutes tragiques a été très favorable au cabinet présidentiel : en attestent, outre le départ de Messadia, le mouvement opéré juste après au sein du commandement supérieur de l'Armée, totalement favorable au général Larbi Belkheir, l'impunité des responsables de torture et de répression des émeutiers, ou encore le contrôle des postes ministériels clés dont l'Intérieur, le Commerce et les Affaires étrangères. Dans la nouvelle répartition du pouvoir, le président Chadli, affaibli, s'adjuge le dossier constitutionnel. Il le confie au « groupe des réformes ». On mesure mieux cet apport des réformateurs à la lumière du cours politique suivi depuis l'éviction des réformateurs en juin 1991. Il y a eu d'abord un amendement de la Constitution en novembre 1988 qui a institué, pour la première fois, le poste de chef de gouvernement responsable devant l'Assemblée, alors qu'avant, on avait un Premier ministre. Les réformes ont soulevé l'opposition des Faucons parce qu'elles ont provoqué rien de moins que le changement des règles du jeu. Les Faucons n'ont pas pardonné à Chadli d'avoir accordé au gouvernement Hamrouche les attributs de l'action gouvernementale. Les gouvernements d'avant et d'après sont, jusqu'à ceux d'aujourd'hui, l'expression des équilibres d'appareils. Or, 1°- L'équipe des réformes a réussi à obtenir les ministères stratégiques de l'Intérieur, de l'Economie, de la Justice et du Commerce, les ministères de la Défense et des Affaires étrangères relevant du cabinet présidentiel. 2°- Le gouvernement réformateur a supprimé les « fiches d'habilitation » que les services établissaient avant toute nomination à un poste de responsabilité, réduisant par là l'emprise de la police politique sur les institutions. 3°- La réforme de la justice avec, à la clé, la suppression des juridictions d'exception, l'indépendance des juges, et le contrôle, par le procureur, de l'appareil policier. 4°- La levée des contraintes autoritaires qui pesaient sur le droit de grève et de manifestation. 5°- La suppression du ministère des Moudjahidine, signifiant la fin de la « légitimité historique », ainsi que la suppression du ministère de l'Information, signifiant le démantèlement de l'appareil de propagande.
Les réformateurs avaient-ils le pouvoir de provoquer une réelle rupture avec les anciennes pratiques du système ?
Les réformes ainsi engagées induisirent une réelle rupture avec la politique économique de l'Etat rentier. L'assainissement des finances publiques s'est manifesté par : l'accroissement de la pression fiscale sur les revenus élevés, la réduction de l'évasion fiscale, la suppression de trois « Fonds spéciaux » et de plusieurs comptes délégués. Ajoutez à cela : la condamnation, consignée dans la loi de la monnaie et du crédit, de l'appel à la monnaie pour mettre un terme à la manipulation de la gestion du Trésor public ; l'octroi du statut d'autonomie à la Banque centrale avec mandat au gouverneur de la Banque d'Algérie. Citons également la réforme du commerce extérieur : l'équipe des réformateurs, pour démanteler l'appareil commercial des monopoles (à travers lequel se profile la grande corruption), met un terme à l'allocation centralisée des devises, fût-elle le fait des entreprises publiques, et généralise la liberté d'importation. Le gouvernement des réformes, pour éliminer l'intermédiation parasitaire, décide, à travers plusieurs dispositions, la mise en place d'un régime facilitant l'exercice, par les firmes étrangères, d'activités commerciales en Algérie et la légalisation des activités de service couvertes par le marché noir. L'objectif poursuivi est d'assécher, par la mise en place d'une économie ouverte dans laquelle les nouveaux acteurs peuvent s'installer sans avoir à payer de droits d'entrée aux « bandits sédentaires » et autres « intermédiaires », les circuits du marché parallèle qui alimentent, parmi d'autres, le FIS. L'Observatoire du commerce extérieur, ci-devant institué pour préparer le transfert juridique des monopoles publics d'importation, est alors amené à agir pour améliorer la gestion commerciale à travers le conseil. Autant dire que les missions de l'Observatoire du commerce extérieur menacent les intérêts établis des « bandits sédentaires » et autres « intermédiaires institutionnels » lesquels, organisés en véritables « réseaux mafieux », exercent leur mainmise sur l'appareil commercial des grands monopoles d'importation. Les Réformateurs, dépourvus de soutiens dans le commandement militaire et d'alliance avec les modérés dans la société, ont pris le risque de ne laisser d'autre choix aux prétoriens et aux radicaux de l'opposition que celui de l'illégalité pour renverser le processus de réformes. Tout a été entrepris par les Faucons pour faire échec à la sortie du régime autoritaire opérée par les Réformateurs. Une coalition hétéroclite, qui ressemble à s'y méprendre à celle qui constitue l'alliance de groupes sociaux qui soutient l'Etat rentier, s'est soulevée contre les réformes, qui pour dénoncer l'« accord de rééchelonnement secret » qu'aurait signé le gouvernement avec le FMI, qui pour décrier la « trahison de la révolution », qui pour crier au « complot juif contre le commerce extérieur », qui pour exiger une élection présidentielle anticipée.… Les prétoriens ont mis quinze ans à évider systématiquement ce que les réformateurs ont réalisé en trois ans. Cela va de l'autonomie de la Banque centrale à la liberté de la presse, en passant par l'autonomie des entreprises publiques. La restauration des anciennes règles du jeu s'est faite aussitôt après : autoritarisme musclé, exercice non imputable du pouvoir, affaiblissement systématique des institutions de contrôle, transfert de la rente à quelques patrons privés cooptés, vente au rabais des actifs publics, passage de l'appareil commercial des monopoles au partage des importations par quelques prétoriens-oligarques. Le procès de la caisse principale d'El Khalifa Bank, pour ne donner qu'un exemple parmi cent, a montré, en négatif, la justesse de la loi sur la monnaie et le crédit. Le régime prétorien, en évidant cette loi en juillet 1992, en juillet 1996 et en février 2001, a installé le collapsus institutionnel et la dilution des responsabilités, soit les deux principaux paramètres de la corruption. La première chose que Bouteflika ait faite après son arrivée au pouvoir a été de s'attaquer dans une interview accordée au Financial Times datée de juillet 1999 au principe du « mandat » du gouverneur de la Banque d'Algérie, la seconde ayant été la suppression des prérogatives du chef du gouvernement en octobre 1999. Les affaires de grande corruption qui se sont démultipliées en toute impunité comme El Khalifa Bank et BRC n'ont été rendues possibles qu'à la faveur de l'affaiblissement institutionnel systématiquement entrepris par le régime prétorien depuis l'éviction du gouverneur de la Banque d'Algérie en 1992 et la suppression du mandat du gouverneur en 2001 en passant par l'ordonnance 96-22 qui dépossède le gouverneur de la Banque au profit du ministre des Finances (nommé et révoqué par les prétoriens), la prérogative de déposer plainte pour infraction au régime des changes. Un des derniers symboles des réformes, la fonction de chef de gouvernement responsable devant l'Assemblée, a été sacrifié en novembre 2008.
A défaut de légitimité, d'où Bouteflika puise-t-il, selon vous, sa force et son pouvoir ? Sur quoi s'appuie le « système Bouteflika » en définitive ?
Le jeu politique algérien est préempté par les prétoriens depuis le coup de force de 1962, voire depuis l'assassinat de Abbane Ramdane. Les mécanismes de cooptation de Chadli Bendjedid par le collège des prétoriens en 1979 sont les mêmes qui ont présidé à l'éviction de ce dernier en janvier 1992, à la cooptation de Zeroual en 1994 et de Bouteflika en 1999. Il ne faut pas oublier une donne fondamentale : Bouteflika est, en tant qu'ancien prétorien qui a participé au coup de force de 1962 et au putsch de 1965, l'un des principaux architectes de ce système. Il a, en tant que tel, une connaissance très fine des rouages du régime algérien. Quoique mal élu en avril 1999, Bouteflika n'entend pas être un « trois-quarts de président ». Attendant son heure depuis la mort de Boumediène, il ne veut pas être réduit au rôle de primus inter pares mais être le Raïs, c'est-à-dire celui qui exerce le leadership. C'est là que son intelligence du système va pleinement jouer. Il menace par deux fois de démissionner. Or, cette menace publique de démission d'un chef de l'Etat qui survient moins d'un an après la démission de Zeroual était malvenue. Les prétoriens étaient très mal vus sur la scène internationale après les massacres de Bentalha, la campagne du « qui tue qui ? », et la démission du président Zeroual. La « sale guerre » a éclaboussé l'image du « régime des généraux ». Bouteflika a joué cette carte pour affaiblir les prétoriens qui l'ont coopté. Il parvient à promulguer un décret présidentiel en octobre 1999 par le biais duquel il dépossède le chef du gouvernement des prérogatives que lui avait concédées le président Chadli en 1989. Il prend de proche en proche le contrôle de l'administration, de la machine préfectorale (à travers le ministère de l'Intérieur), du ministère de l'Energie et de Sonatrach. Sa quête de leadership s'appuie sur une des règles normatives du régime : l'Etat rentier. Profitant de la hausse relative des cours du pétrole amorcée en 2000, il renoue avec les anciennes règles du jeu. Ses programmes de « relance » traduisent la logique fondamentale de l'Etat rentier évoquée plus haut : l'allocation des bénéfices de la rente aux groupes sociaux en échange de leur loyauté. Cette politique lui permet de construire des clientèles : la « famille révolutionnaire », la réactivation, dans une entreprise d'invention d'un nouveau makhzen, des zaouïas et des notables tribaux ; l'UGTA, le patronat et bien sûr les forces de l'argent, les « tycoons » pour financer ses campagnes électorales. Ces derniers, constitués soit par le patronage du centre soit dans le marché noir, réinvestissent une partie de l'argent accumulé via l'évasion fiscale pour consolider leurs appuis ou s'acheter des protections politiques.
Pour revenir à l'affaiblissement des « généraux décideurs » avec la mise à l'écart de Belkheir, le départ à la retraite de Nezzar, la démission de Mohamed Lamari, la mort du numéro 2 du DRS, le général Smaïn, que reste-t-il concrètement de ce « Collège des prétoriens » comme vous l'appelez ? Nous avons l'impression d'avoir affaire à une configuration bicéphale du pouvoir : d'un côté, Bouteflika, président civil, de l'autre, le général-major Toufik, tirant les ficelles dans l'ombre...
Les prétoriens à l'origine de l'avortement du processus de démocratisation, que certains présentaient volontiers en 2004 comme des « républicains » opposés au « sultanat » de Bouteflika, étaient au premier rang des personnes qui soutenaient le troisième mandat du raïs ! Après le départ de Mohamed Lamari en 2004, la mise à l'écart du général Larbi Belkheir en août 2005 et la mort de Smaïn Lamari en août 2008, il ne reste plus que le général-major Mohamed Mediene dit « Toufik », indéboulonnable patron du DRS depuis 1990. Il faut dire que le coup de l'élection présidentielle d'avril 2004 ne pouvait pas se faire sans son appui. Le DRS est l'appareil le plus important du système, c'est la colonne vertébrale du régime. Bouteflika n'a pas réussi, au cours de ses deux premiers mandats, à prendre le contrôle de cet appareil. Chacun exerce une sorte de veto sur l'autre. Y parviendra-t-il lors du troisième mandat ?
Pour finir, d'où pourrait venir le changement ? Et quelles sont les possibilités de la société civile pour échapper à cette gestion autoritaire de la société ?
On entend souvent dire que le régime ne tiendra pas parce qu'il n'a plus de légitimité. C'est une prophétie « auto-réalisatrice ». Un régime politique peut durer alors même qu'il n'a plus de légitimité. La fin d'un régime ne dépend pas de sa légitimité, elle dépend de l'émergence d'une alternative crédible au système en place. Cette alternative avait été dessinée par les réformateurs. L'appareil de coercition avait cependant la capacité et la volonté d'arrêter le processus de sortie de l'autoritarisme quel qu'en soit le coût. On peut mesurer aujourd'hui le coût de cet avortement. (Suite et fin)


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