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El Hadj Daoud Nedjar, le justicier du M'zab
Journée internationale de la liberté de la presse
Publié dans El Watan le 03 - 05 - 2009

Il nous fixe rendez-vous au vieux marché de Ghardaïa. Lui, c'est El Hadj Daoud Nedjar. Profession : journaliste « récidiviste ». Sur son CV, pas moins de 65 affaires dont plusieurs sont encore pendantes devant la justice. Fort affable, de taille moyenne, les yeux pétillants, la barbichette poivre et sel qui ne trahit cependant pas ses 50 printemps, notre trublion du M'zab respire une vivacité toute espiègle.
Ghardaïa
De notre envoyé spécial
Et ce n'est pas la nuit qu'il a passée tout dernièrement en prison qui va édulcorer son caractère bien trempé. El Hadj Daoud nous invite dans les locaux de son journal, El Waha (l'Oasis), l'un des tout premiers organes indépendants et le premier (et seul) journal du Sud. Le bureau du directeur de la publication d'El Waha est dans une joyeuse pagaille, et pour cause : le journal a cessé de paraître depuis 2006. « Mais nous avons continué à paraître en ligne », indique notre hôte (consulter le site : http://www.elwaha-dz.com), avant de partir de ce serment : « Nous allons reparaître le 3 mai à l'occasion de la Journée internationale de la liberté de la presse. » Le parcours d'El Hadj Daoud Nedjar est étonnant à plus d'un titre. Ayant débarqué dans le monde des médias en 1979 à 20 ans (il est né en 1959 à Ghardaïa), il fait ses classes dans la rédaction du journal El Chaâb après avoir passé un concours et effectué quelques stages. « J'ai commencé comme correspondant régional. Je couvrais la région de Ghardaïa, Laghouat et Ouargla », se souvient-il. Très vite, il gagne des galons et se spécialise dans l'info de proximité. En 1990, c'est le début de ce qu'on appelle « l'aventure intellectuelle » avec la loi Hamrouche sur l'information. Des collectifs de journalistes mettent en route les premiers noyaux de ce qui constituera la presse « indépendante ». « Avec des confrères, on décide de lancer le premier journal régional du Sud, un journal dédié entièrement à la couverture des zones reculées de la région en donnant la priorité aux problèmes des citoyens. » El Waha commence comme hebdomadaire avant de se transformer en bimensuel.
Quand la justice se trompe de cible
Une photo accrochée au mur attire notre attention : celle de l'ancien siège du journal, complètement détruit. Nous songeâmes naïvement qu'il avait été emporté par les dernières inondations. « Non, il a été soufflé par un attentat, le premier du genre à Ghardaïa. C'était le 13 mai 1995. Dieu merci, il ne fit pas de victimes, l'attaque terroriste ayant eu lieu la nuit », raconte le DP d'El Waha. « Depuis la création de notre journal, nous nous sommes attachés à dénoncer les dérives du pouvoir local et l'action néfaste des lobbies et des réseaux de corruption, qu'il s'agisse du lobby du foncier, de la drogue ou des réseaux judiciaires », confie Daoud Nedjar en expliquant sa philosophie éditoriale. « El Waha, souligne-t-il, est un journal totalement autonome, ne bénéficiant guère de subventions publiques ni de publicité institutionnelle. » « Nous avons toujours été le dernier recours du citoyen. Les gens sont soulagés de voir que tel personnage influent ou tel nabab qui se croit intouchable, est ramené par la presse à ses justes proportions, c'est-à-dire aux dimensions de simple justiciable. Après, à la justice de faire son travail. » A condition, ajoute-t-il, que la justice soit indépendante conformément aux standards d'un Etat de droit.
« Or, souvent, c'est le journaliste qui se voit inculpé ! Et, au lieu de voir les juges prendre le relais des journalistes pour enquêter sur les affaires qu'ils divulguent, c'est la presse qui se retrouve derrière les barreaux. » « C'est un peu comme si vous inculpiez un chirurgien au motif d'avoir disséqué un corps malade. » A l'appui de ce constat amer, El Hadj Daoud exhibe une liasse d'une soixantaine de convocations judiciaires (65 précise-t-il), la dernière étant datée du 12 avril 2009, une affaire qui l'oppose au gérant des usines de Larbi Belkheir à Ghardaïa, dont une minoterie. Les démêlés de Hadj Daoud Nedjar avec la justice n'en finissent pas. A telle enseigne qu'il est devenu un « pilier » du palais de justice de Ghardaïa. Il s'est tellement familiarisé avec les arcanes du droit et le lanterneau (t) politico-judiciaire qu'il ne prend plus d'avocat depuis des années. « J'assure ma propre défense », lance-t-il fièrement. « Mes déboires avec la justice ont commencé en 2002 avec le code Ouyahia », se rappelle-t-il, allusion à l'amendement du code pénal et du code de procédure pénale introduit sous Ouyahia, et qui a aggravé la pénalisation du délit de presse.
La mort, le silence ou la prison
En 2006, Daoud Nedjar est gracié pour « l'ensemble de son œuvre » à l'exception d'une affaire, insiste-t-il. Une affaire mettant en cause un responsable municipal auteur, selon lui, « d'une dizaine de viols » commis sur des candidates à des postes divers. « Cette affaire a éclaboussé une magistrate qui couvrait cet élu », affirme Nedjar. « Mais le lobby qui protège ces gens-là et qui a le bras long s'est arrangé pour que cette affaire ne soit pas inscrite dans le cadre des mesures de grâce présidentielle au profit des journalistes incriminés, si bien que j'ai écopé de six mois de prison ferme. » C'est précisément cette affaire qui lui vaudra d'être jeté en prison le 2 mars dernier. Il a fallu la mobilisation de la corporation et une pétition lancée par El Watan pour qu'il soit relâché. En juillet 2004, un premier mandat de dépôt avait été émis à son encontre suite à une plainte pour diffamation de l'ancien chef de daïra de Berriane.
En parlant de Berriane, il estime que les derniers événements sont le fait de réseaux mafieux. « Il faut être aveugle ou bien naïf pour les réduire à un problème ethnique », analyse notre confrère. Et de faire observer que chaque fois qu'il y avait des émeutes dans la région, ces événements étaient accompagnés de grosses prises de kif. « Cela prouve que ces émeutes sont déclenchées pour détourner l'attention des agissements des lobbies de la drogue et autres groupes d'intérêts. » Véritable baroudeur de la plume, El Hadj Daoud Nedjar s'escrime en justicier éditorial contre tous les barons du M'zab : magnats de la finance, du foncier, gros bonnets des milieux d'affaires, magistrats corrompus et autres détenteurs de pouvoir, à quelque échelle fussent-ils. « Je n'ai de compte à régler avec personne. Mais mon devoir de journaliste m'oblige à m'impliquer. Si je ne suis pas à la hauteur d'une telle responsabilité, je ferais mieux d'aller vendre des carottes au marché », assène-t-il. Son engagement impétueux et sans concession que d'aucuns qualifieraient de « donquichottesque » lui vaudront moult tracas, allant jusqu'à la menace de mort. Par deux fois, El Hadj Daoud Nedjar a échappé à la liquidation physique. Cela ne semble guère l'impressionner.
« Celui qui devrait craindre pour sa personne, c'est celui qui fait du mal. En faisant simplement son métier d'une façon professionnelle, le journaliste ne commet pas d'injustice. Au contraire, il dénonce l'injustice. Partant, il n'a aucune raison d'avoir peur. » On l'aura compris : Daoud Nedjar est l'un des derniers journalistes « romantiques », lui qui vit son métier comme un sacerdoce. Et bien que père de cinq enfants, le « discours social » n'a aucune prise sur son âme d'éditorialiste insoumis. Pour lui, la presse est engagée ou ne l'est pas. « Le journaliste ne se réduit pas à une carte de presse, un diplôme ou une fiche de paie », martèle-t-il en réfutant l'étiquette de « journaliste militant ». « Nous essayons simplement d'être professionnels et à l'écoute du citoyen », dit-il humblement. « Si le journaliste ne fait pas le travail chirurgical qui lui incombe, le citoyen passera fatalement à l'émeute faute d'exutoire. » Pour lui, la règle de la présomption d'innocence est inversée dans le cas du professionnel des médias.
« Le journaliste est coupable jusqu'à ce que son innocence soit établie », lâche-t-il. « Les députés s'apprêtent à fêter la Journée internationale de la presse. Moi j'aurais voulu les voir abroger le code Ouyahia. Si j'écris sur un égout éventré, je me retrouve devant le juge. C'est aberrant. Un jour, j'irai à l'APN et j'exposerai mes convocations de justice », promet notre trublion. El Hadj Daoud Nedjar s'apprête à sortir un livre (en arabe) au titre édifiant : Le journaliste algérien entre la mort, la prison et la domestication. Un véritable manifeste du journaliste libre et courageux. Sous un chapitre intitulé L'écriture et la cellule, cet hymne flamboyant à la liberté d'expression : « Nous écrivons afin que la surface de la justice soit plus grande que celle de l'injustice, que la surface du bien soit plus large que celle du mal, et pour que la surface de la beauté soit plus généreuse que celle de la laideur. »


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