Bracelets, anneaux, parures, colliers... Plusieurs copies de modèles de bijoux relevant du patrimoine national ou universel ont été enregistrées au niveau de l'Institut national algérien de la protection industrielle (Inapi). Parmi ces modèles déposés, il y a la célèbre « mahazma », ceinture en or que les femmes algériennes portent le jour de leur mariage, « cravache boulahia », une ceinture avec des louis d'or, « khit arouh », un pendentif qui ceint le front ou encore « sbiiyate », sept bracelets collés l'un à l'autre. D'autres modèles tombés dans le domaine public, voire universel, ont été également enregistrés. Quelle fut grande la surprise de ces artisans lorsqu'un jour ils découvrent qu'ils ne pouvaient plus reproduire les bijoux qu'ils confectionnaient, pour beaucoup d'entre eux, dans les ateliers mêmes de leurs pères et de leurs grands-pères. Les artisans ne décolèrent pas. Y a-t-il eu privatisation d'un patrimoine public ? Les premiers dépôts au niveau de l'Inapi ont été effectués, faut-il le préciser, au nom de la Sarl Ihsane. Mais son propriétaire, Mohamed Benkortbi, grand professionnel, issu des anciens ateliers français, a fini par les annuler. « Une fois que je l'ai su, j'ai vite fait d'annuler tous ces dépôts. Pour moi, il n'est pas question de porter préjudice à un bijoutier, même si celui-ci va jusqu'à me copier », affirmant disposer de suffisamment de capacité pour produire des centaines de modèles chaque année. Pour lui, la faille est à chercher au niveau de l'Inapi qui a enregistré ces modèles : « C'est un organisme qui est chargé de protéger la création industrielle. Il doit de ce fait vérifier si le modèle déposé est vraiment une création de celui qui l'a déposé », note-t-il. Le « geste » du propriétaire de la Sarl Ihsane n'a pas changé grand-chose, puisque d'autres modèles ont été enregistrés au nom de Benkortbi Abdelatif, son cousin ayant travaillé avec lui dans la même société. Celui-ci que nous n'avons pas pu joindre, maintient, en dépit de tout, ses plaintes déposées contre des bijoutiers qui ont osé reproduire et mettre en vente les modèles qu'il a déposés depuis 2004 au niveau de l'Inapi. Dans son action judiciaire, Abdelatif Benkortbi s'est appuyé sur les certificats d'enregistrement. Pour lui, il dispose d'un document officiel attestant que ces modèles sont sa « création et donc il ne veut pas céder », nous affirme un bijoutier à Alger. A-t-il raison ? Dans cet imbroglio, le principal mis en cause est bien l'Inapi. Contacté par téléphone, Mustapha Berrekia, directeur des marques au niveau de cet organisme, affirme que « l'enregistrement de modèles déposés se fait après un examen de forme plus que de fond ». Ainsi, l'Inapi, aux moyens bien réduits, vérifie, d'après lui, si le dossier est complet et s'il n'y a pas de dépôt antérieur à son niveau. Autrement dit, avant d'enregistrer une marque, dessin ou modèle, l'Inapi est appelé à requérir une recherche d'antériorité auprès des services de ce même organisme. Cette recherche portera sur toutes les marques enregistrées (nationales et internationales étendues à l'Algérie) et vous permettra de vous assurer que la marque objet de dépôt n'a pas été auparavant enregistrée au profit d'une tierce personne. A qui donc la faute ? Complexe, l'affaire traîne encore devant les juridictions spécialisées. Mlle Benyaâkoub, chef du département contentieux, affirme que le dossier n'est toujours pas clos. Dans ce magma juridico-procédural, la justice peine à trouver le coupable. Et des milliers de bijoutiers restent pénalisés...