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Le système social algérien captif de l'étatisme et de la logique rentière
Publié dans El Watan le 20 - 04 - 2008

Les communications, souvent de grande qualité, d'universitaires nationaux relevant de différentes disciplines de sciences sociales, ont dans leur complémentarité et leur convergence résonné en chœur comme un cri d'alarme adressé à la société ; mais ce cri n'a reçu relativement à la gravité des problèmes soulevés, qu'un faible écho dans la presse écrite. C'est pourquoi nous proposons, pour notre part, à un plus large public une reprise des grandes lignes de notre intervention à ce colloque qui traite des relations entre savoir, pouvoir et développement dans la société algérienne avec référence à des comparaisons internationales.
Le défi de la société du savoir
Le processus de mondialisation se traduit depuis plus de deux décennies par l'émergence de l'économie et de la société de la connaissance.
Aucun pays ne peut aujourd'hui espérer se développer s'il ne répond pas aux défis que pose une économie mondialisée fondée sur le savoir ; autrement dit, s'il ne tend pas à se construire comme une économie et une société du savoir. Le pays qui tourne le dos à ces défis se condamne à la marginalisation et à la dépendance.
A travers le statut qu'elles accordent au savoir, aux porteurs de savoirs et aux institutions dédiées au savoir, les sociétés contemporaines se mettent, ainsi, en jeu dans leur existence, se donnent ou non un avenir.
A cet égard, la crise de l'université algérienne, particulièrement manifeste dans le secteur des sciences sociales, reflète le déficit de connaissance de soi d'une société qui a dénié se doter des instruments cognitifs pour se donner une image objective d'elle-même et se situer dans le monde pour éclairer ses pratiques afin de les maîtriser ; d'une société qui s'est refusé la capacité de se gouverner et de se projeter dans l'avenir. Tout se passe comme si cette société a renoncé à se construire comme une collectivité moderne, qui fonde son organisation et son action sur le savoir rationnel. La société algérienne se laisse ainsi décrire comme une société qui se mésestime, qui ne s'aime pas assez pour s'intéresser à elle même, pour s'accorder les moyens intellectuels de prendre conscience d'elle-même, de ses capacités et de ses richesses potentielles afin de relever des défis vitaux. Nous nous proposons, dans la présente communication, de mettre en évidence une relation de rupture globale entre la société algérienne et le savoir qui se décline au niveau de l'université en une double rupture, d'une part, entre cette institution et le savoir et au sein de celle-ci entre les enseignants chercheurs et le savoir. Nous tenterons de montrer que ce rapport négatif de la société au savoir, ainsi que la crise de l'université qui en résulte, sont inséparables de la crise plus globale d'une société, d'un Etat et d'une économie qui ont au fil du temps organisé (ou plutôt désorganisé) leur fonctionnement sur la base de la circulation et de la distribution de la rente. La comparaison entre les sociétés émergentes dont le développement est davantage centré sur le savoir et les sociétés «en voie de développement» dont l'économie reste dépendante de la rente nous guidera vers les conditions à réaliser pour sortir notre pays de l'impasse d'une transition bloquée. Dans l'économie contemporaine de la connaissance, c'est la création des idées et leur valorisation productive qui représente le moteur de la croissance. La valeur savoir tend à se substituer à la valeur travail. La maîtrise du savoir constitue la ressource décisive de compétitivité des entreprises et des économies dans la production des biens et des services. La troisième révolution industrielle repose, ainsi, essentiellement sur la matière grise, non sur les ressources naturelles. Les nouvelles technopoles industrielles s'édifient autour des universités et des centres de recherche et non plus à proximité des champs de pétrole et des mines de matières premières. Les entreprises et les économies sont condamnées à innover sans cesse et changer continuellement pour ne pas déchoir.
La société algérienne continue, cependant, à accorder une place mineure dans son fonctionnement au savoir et à l'Université et à naviguer à contre-courant de l'évolution mondiale vers la société de la connaissance.
La résistance du système ancien sous apparence de changement
La brusque chute du prix des hydrocarbures en 1986 avait mis à nu la nature rentière de l'économie et entraîné deux années plus tard la crise multidimensionnelle qui a provoqué le soulèvement populaire d'octobre 1988, suivi par la guerre civile des années 90. La société algérienne était alors acculée à se soumettre au plan de réajustement structurel préconisé par le Fonds monétaire international et à se recomposer sur de nouvelles bases afin de transformer une économie rentière dépendante des revenus fluctuants des hydrocarbures en une économie productive. Elle n'avait pour cela d'autre voie que celle de s'orienter vers une stratégie de développement axée sur le savoir.
L'Université était particulièrement interpellée pour se reconstruire dans ses fondements, à l'instar des autres institutions de l'Etat et de la société, et s'inscrire dans le processus de changement social global qu'impliquait la transition d'un régime politique monopartisan et d'une économie planifiée vers la démocratie pluraliste et l'économie de marché. Cependant, les multiples projets qui se sont succédé depuis 1989 pour réformer le secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche demeuraient à l'état de simples déclarations d'intentions ; ils ne pouvaient être initiés sur le terrain sans que ne soit modifié le mode autoritaire de gouvernance hérité de la période socialiste avec lequel ils étaient incompatibles.
L'université algérienne se retrouve ainsi à affronter les défis du XXIe siècle avec une structure organisationnelle datant du début des années 70 et qui relègue dans la marginalisation la communauté universitaire ainsi que les normes et valeurs académiques dont celle-ci est porteuse. L'histoire de l'université algérienne est en effet indissociable de la dynamique globale de la société dont elle reflète les rapports entre forces sociales.
Les difficultés à réformer le système universitaire sont l'expression de difficultés plus générales produites par l'ambivalence d'un Etat qui se propose de promouvoir des réformes que remet en cause la structure monopoliste du pouvoir dans les institutions de cet Etat.
Bien qu'ébranlé dans sa légitimité politique après octobre 1988, le système social ancien a continué à se reproduire en profondeur, sous l'apparence des changements de surface qui ont notamment introduit le multipartisme et la liberté d'expression de la presse écrite en favorisant l'émergence d'un secteur économique privé devenu prépondérant dans la plupart des secteurs.
Le système social algérien demeure, en effet, à travers sa structuration, captif de l'étatisme et de la logique rentière de son fonctionnement.
La société ne s'est pas au cours des dernières décennies stratifiée sur la base d'une logique de productivité où la distribution des revenus est liée à la participation des agents sociaux à la création de richesses et de valeur sociale ajoutée. Les hiérarchies sociales comme les valeurs morales de la société se sont construites à partir d'une compétition sociale orientée moins vers des enjeux de performances que vers la captation des revenus de la rente en fonction des rapports de force. La rente en tant que rapport social dominant a perverti à la fois l'économie, l'Etat et la société. Dispensé de prélever pour ses dépenses le surproduit du travail de la société, l'Etat est devenu autonome par rapport à celle-ci, se déliant de son enracinement social.
C'est au contraire la société qui, neutralisée dans ses capacités productives, est atomisée et réduite à l'assistanat et à la dépendance par rapport aux chaînes clientélistes qui se sont approprié les structures de l'état. Le secteur économique privé, lui-même, s'est développé sur la base de la rente et des facilités que permettent les «relations» privilégiées entretenues avec les décideurs des organismes de l'Etat.
Le déficit de légitimité des gouvernants et de la classe politique, opposition comprise, le renforcement de l'autoritarisme, une gestion laxiste, la généralisation de la corruption, les faibles performances de l'économie, l'accroissement des inégalités sur fond de laminage des classes moyennes et de chômage endémique des jeunes s'accumulent dans une dialectique de dégradation qui fait qu'un niveau de plus en plus élevé de revenus pétroliers est nécessaire pour acheter la paix sociale et contrecarrer les effets de la montée des conflits sociaux. Mobilisée pour essentiellement assurer la reproduction de plus en plus onéreuse d'un système déficient et des hiérarchies en place, la rente est de moins en moins disponible pour une éventuelle conversion en capital réellement productif.
Un autre modèle d'état
Le régime politique reste marqué par la monopolisation des pouvoirs de la société au sommet de l'Etat et l'encadrement bureaucratique des sphères de l'activité sociale. Contenue dans la marge, la société civile à peine naissante est empêchée de se construire.
La réforme qui avait été annoncée dès la fin des années 1980 pour refonder les institutions de l'Etat et redéfinir les relations de celui-ci à la société civile et au marché s'était heurtée à la force d'inertie du système ; elle semble même être tombée dans l'oubli avec la remontée des revenus des hydrocarbures du début des années 2000. Les derniers records atteints par le prix des hydrocarbures paraissent même avoir dopé la fuite en avant d'un Etat coincé entre l'impératif de réforme et l'incapacité de mettre celle-ci en œuvre. Une profonde modification de l'Etat hérité de la période du socialisme s'avérait et s'avère plus que jamais nécessaire pour l'adapter à un environnement économique et social devenu plus complexe, mouvant, incertain et où s'interpénètrent les niveaux local, national et mondial. Le modèle linéaire d'un Etat autoritaire, hiérarchisé devra progressivement se transformer en un Etat régulateur, plus décentralisé, participatif et proche des attentes des citoyens, qui associe aux prises de décision la diversité des acteurs de l'économie et de la société civile ; chacun de ces acteurs contribuera par son approche particulière des problèmes, par ses savoirs et son expérience propre à l'élaboration de choix collectifs mieux documentés et davantage concertés. L'échange d'informations, la discussion, la négociation, les accommodements réciproques, la recherche de consensus et de convergences avec une diversité de partenaires représenteront le style d'intervention privilégié de l'Etat en remplacement du mode autoritaire de commandement traditionnel. L'introduction de mécanismes plus souples de coordination et d'implication de partenaires multiples, groupes sociaux, institutions et personnes qualifiées constitue une condition nécessaire pour l'efficacité du pilotage par l'Etat d'actions collectives complexes. Les rapports verticaux, bureaucratiques s'opposent, dans leur logique même, à l'émergence de la société de la connaissance.
Le modèle bureaucratique divise, segmente, démultiplie les cloisonnements, du sommet à la base des institutions publiques, entre directions, départements et services. Ce modèle isole les intelligences, disperse les énergies, appauvrit la pensée et empêche les rapports transversaux de communication, freinant ainsi la création de synergies. La bureaucratie déresponsabilise et multiplie les formalismes, faisant perdre notamment au niveau des personnels institutionnels proches du terrain le sens des missions et objectifs de leur organisation. L'économie et la société de la connaissance sont en affinité avec un mode opposé de gouvernance qui privilégie les rapports horizontaux de coordination sur les rapports verticaux d'autorité. L'économie fondée sur le savoir appelle une réorganisation des rapports entre l'entreprise, la formation et la recherche et les autres institutions de l'Etat de façon à densifier les interactions entre elles et favoriser les innovations productives. Le nouveau management s'attache à relier, à faire coopérer les équipes et les personnes ayant des compétences diverses et à les insérer dans les multiples réseaux entrecroisés internes et externes à l'organisation afin de construire des synergies et faire atteindre la taille critique de compétitivité. La qualité et la vitesse des échanges entre les membres d'un collectif de travail font éclore une capacité cognitive, d'apprentissage et de création supérieure à la somme des capacités cognitives de chacun des individus. Dans le travail collaboratif, chaque personne s'enrichira de l'expérience et des savoirs de tous les autres membres du groupe et tendra à rechercher son domaine d'excellence pour s'y spécialiser et en faire bénéficier, en retour, le groupe. L'exemple des insectes sociaux illustre bien la notion d'intelligence collective. Les fourmis ont un système nerveux rudimentaire qui leur donne une intelligence limitée et les rend individuellement incapables d'accomplir les taches de survie les plus élémentaires lorsqu'elles sont isolées et perdent contact avec leurs congénères ; elles sont par contre collectivement capables de résoudre en relation avec la fourmilière les problèmes très complexes d'adaptation aux changements de leur environnement extérieur. Le travail collaboratif favorise l'émergence d'une intelligence collective qui est d'un ordre supérieur à celui des intelligences individuelles additionnées.
(A suivre)


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