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Dans le cimetière des fleurons de l'économie nationale
Entreprises publiques à l'abandon, travailleurs sur le carreau
Publié dans El Watan le 19 - 05 - 2009

C'est une affaire d'argent et de politique. C'est aussi une histoire banale et triste de dépôts de bilan et d'ouvriers mis à la porte après trente ans d'usine. C'est surtout l'incroyable effondrement de l'industrie algérienne. Les plus grandes usines algériennes ne sont plus que l'ombre d'elles-mêmes, infestées par le salpêtre et les rats. Dans la zone industrielle de Oued Smar, il ne reste plus que des carcasses, fragments d'une gloire passée.
« Avant, il était impossible de circuler sur cette route tant il y avait du monde », nous dit Saïd, qui a autrefois travaillé dans cette zone industrielle. Face à des entreprises algériennes à l'agonie, les dépôts des grandes marques automobiles semblent bomber le torse. Sur la droite, il est possible de deviner que des panneaux d'affichage ont été retirés. Ici, une unité de la Sonarem, une entreprise d'exploitation minière, est devenue un hangar pour Wolksvagen. Là, Amos, spécialisée dans la charpente métallique et qui disposait d'un matériel dernier cri, n'est plus qu'un dépôt de l'Anep. Les noms des entreprises aujourd'hui fermées défilent : OMRC du bâtiment, DNC, Ecomewa, Sovimos… et Sorecal. Les vestiges de cette entreprise du bâtiment témoignent encore de sa splendeur passée. Elle comptait plusieurs usines : l'une pour la charpente en fer, l'autre pour le béton, une autre encore pour les dalles, un coin pour la peinture… Il n'en reste plus que quelques bureaux d'archives pour les anciens travailleurs qui voudraient récupérer des papiers. Une partie de l'usine de dalles appartient désormais à l'entreprise publique d'aluminium EPLA, appartenant au groupe Ola de production aluminium. « Elle n'a de Sorecal que le nom », assure l'agent de sécurité d'EPLA. En face, le terrain qui servait de parc à Sorecal est un vaste chantier. L'entreprise Sorecal a définitivement fermé ses portes en 1998. Elle comptait 3500 travailleurs ayant construit leur vie autour de cette entreprise. Le bureau d'archives de Sorecal est un immense bric-à-brac. Les équerres, les règles et les rapporteurs, instruments nécessaires à l'établissement des plans de construction, sont toujours accrochés au tableau.
« J'ai perdu de vue la majorité des travailleurs de l'entreprise. Certains sont morts et d'autres envisagent de changer d'activité. Il est difficile de croire qu'une entreprise comme Sorecal, avec 15 centrales à béton, un important plan de charge et un matériel inimaginable, soit partie en fumée. Il y avait des anciens et des jeunes pleins d'avenir », narre l'un des responsables du bureau, ayant intégré Sorecal en 1978 lorsque l'entreprise s'apprêtait à construire plus de 30 000 logements. « Ce que font les Chinois et les Turcs aujourd'hui, on l'a fait y a vingt ans », affirme-t-il. En sa qualité d'entreprise publique, Sorecal ne répondait pas aux appels d'offres. L'Etat assignait des plans de charge pour construire vite, bien et pas cher. « On nous obligeait à construire à des coûts raisonnables. Le prix du mètre carré habitable appliqué était trop bas par rapport au prix réel. Tout ce qui importait à l'Etat, c'était d'assurer les livraisons. La société travaillait à perte. On s'endettait auprès des banques. Aucune entreprise chinoise ou turque n'aurait accepté cela », expliquent les anciens employés de l'usine. Alors que l'endettement commençait déjà à ronger la Sorecal, le Fonds monétaire international (FMI) et son plan d'ajustement structurel a sonné le coup de grâce. L'aventure a été tentée une nouvelle fois en 2000 avec la Générale algéroise de construction, Gealco. Un véritable flop. En trois ans, la nouvelle entreprise du bâtiment a dû mettre les clés sous la porte.
Un bégaiement de l'histoire : travail à perte, endettement, faillite, licenciement, comme si aucune leçon du passé n'avait été retenue. « Même si l'on voulait faire tourner l'entreprise une nouvelle fois, comment et avec qui le ferait-on ? La nouvelle génération n'y connaît rien. On a tenté de reprendre l'affaire en 2000, mais le secteur était trop déstructuré. On a hérité d'une main-d'œuvre qualifiée. Beaucoup de personnes ont été formées à l'étranger. Aujourd'hui, tout cela est parti », déplore, non sans une note d'amertume, l'ancien employé de l'entreprise. Les quelques travailleurs restés à Sorecal nous exhibent les photographies jaunies de l'usine dans ses plus belles années.
« Working man hero »
Ici, les travailleurs s'échinaient à peaufiner un projet pour l'ambassade de France. Là, c'est pour la clôture de l'université de Bab Ezzouar qu'ils se donnaient du mal. « Tout est parti, c'est tout une vie », susurre-t-on. Puis un brusque retour à la réalité : « Et Temmar, quand va-t-il se décider à nous verser nos salaires ? Cela fait treize mois qu'on n'a pas de quoi manger », lance un agent posté à la sortie de « l'usine »… du moins ce qu'il en reste. D'autres entreprises ont été sabotées sans l'aide du FMI. La politique économique et industrielle du pays suit parfois une logique que la logique a du mal à suivre. Le cas de Sonatro, entreprise de travaux publics, illustre parfaitement l'incohérence et l'absurdité de la gestion des entreprises publiques. Dans la zone industrielle de Rouiba, les travailleurs de Sonatro, qui observent chaque jour des sit-in devant le siège de leur entreprise, crient leur rage de voir un « fleuron national » sur le point de disparaître. Leurs mots contre les responsables de l'entreprise ne sont pas assez durs : « Nous sommes gérés par une maffia » « Ce sont des voleurs » « Certains DG nous ont menés à l'oued ». A Sonatro, les erreurs se sont accumulées et l'entreprise s'est effondrée en même temps que le moral de ses salariés. Aujourd'hui, tous les chantiers de Sonatro sont bloqués, d'Alger à l'extrême Sud.
Les quatorze postes de concassage et les neuf postes d'enrobage sont à l'arrêt. « Ce matin, mes enfants sont sortis sans même prendre leur lait. » « Je suis venu de Tizi Ouzou avec 30 Da dans la poche, laissant mes enfants affamés », lance l'un des travailleurs. Pour Sonatro, c'est un scénario noir qui se profile : les cadres supérieurs se disent marginalisés, les ingénieurs compétents sont partis, les dettes se sont accumulées (570 milliards de centimes, selon les ouvriers) et plus de 2000 travailleurs risquent de se trouver sur le carreau. « Nous voulons travailler pour que cette entreprise récupère sa place. L'ouverture imminente d'une commission d'enquête est nécessaire. Sonatro ne peut pas disparaître comme ça », disent les employés réunis sous une chaleur suffocante près du grand portail de l'entreprise. Victimes du grand « fantasme politique » des années 1970, les entreprises publiques payent aujourd'hui un lourd tribut pour le manque de vision des responsables algériens.
A l'Enpec, entreprise d'électrochimie et de production de tous types de batteries, personne ne prononce publiquement le terme. Uniquement en privé, les travailleurs évoquent les problèmes dans lesquels se débat leur entreprise. L'unité n'arrive plus à produire en raisin du manque de matières premières. Les inquiétudes s'accroissent. Les responsables de l'unité de production de Oued Smar, siège de l'entreprise Est à Sétif, ne souhaitent pas s'attarder sur les soucis de l'Enpec, estimant que ces derniers sont communs à toutes les entreprises publiques algériennes. « Tout le secteur industriel est en difficulté. Voilà ce qui arrive quand on ne donne pas à l'entreprise les moyens de se développer. Les Marocains et les Tunisiens ne sont pas meilleurs que nous. Nous leur avons tout appris », explique l'un des responsables de l'unité de Oued Smar, blouse bleue et sourire engageant. Ces mots sonnent comme une flèche décochée en direction de l'entreprise tunisienne d'électrochimie qui semblait intéressée par l'acquisition de l'Enpec. En 1983, l'Enpec (ex-Sonelec) comptait 350 travailleurs. La moitié ont quitté l'entreprise. Dans ses plus belles années, elle avait une capacité de production de 280 000 batteries pour automobiles par an. Elle n'en produit désormais que 90 000. Elle espère survivre malgré tout à la tourmente qui l'assaille.
Fermetures en chaîne
La visite des zones industrielles offre des spectacles de désolation. Districh est probablement l'entreprise qui rappelle le plus cette période, où les espoirs étaient permis et les utopies sociales et politiques admises. Mais à l'intérieur de l'usine de maroquinerie, les machines se sont tues depuis longtemps. La poussière s'est accumulée et la rouille a pris dans les matériels de production. L'unité Districh de Rouiba sert de lieu de dépôt pour les derniers produits, avant leur liquidation. A côté, Tameg, l'usine de tannage des cuirs, fait toujours semblant d'exister, même si des problèmes de trésorerie subsistent encore et qu'il n'est plus possible d'acheter les produits chimiques nécessaires à la tannerie. « Les unités ne tournent pas à plein régime. Il n'y a pas eu de licenciements mais beaucoup de travailleurs ont pris leur retraite anticipée. Il semble qu'il pourrait y avoir d'autres compressions. L'usine compte aujourd'hui 148 travailleurs. Il y en avait plus de 800 », explique l'un des travailleurs de l'usine. Autrefois, l'usine produisait 9000 peaux/jour et elle est parvenue à une production de 10 000 peaux/jour, dont une partie était exportée. Il n'en sort aujourd'hui que 1500 peaux par jour.
Dans la liste des usines « fantômes », les deux unités de production de levure fraîche Safa (filiale d'Eriad) figurent en bonne place. « L'usine est à l'arrêt depuis plus de huit ans. Les locaux portent des traces d'humidité et d'infiltrations d'eau. L'électricité a été coupée. Sur l'immense terrain qui appartient à l'entreprise, des mauvaises herbes, des égouts et des unités de fabrication de levure semblent neuves. Ils ont dépensé des millions pour acquérir ce matériel. A présent, il ne sert plus à rien », assure l'un des agents de sécurité, qui nous a servi de guide. Sur les 700 employés de l'entreprise, il n'y en a plus qu'une cinquantaine qui reçoivent leur salaire « une fois tous les trois mois ». Le géant français de la levure fraîche Lesaffre semblait très intéressé par la reprise de l'usine. Son directeur est venu à quatre reprises visiter l'usine. Puis, les travailleurs n'en ont plus jamais entendu parler. Les besoins nationaux en matière de levure fraîche sont estimés à environ 80 millions d'euros, et sont couverts à 100% par les importations. 80% proviennent justement de la compagnie française Lesaffre et 20% de Turquie. A présent que les machines ont cessé leur vacarme, ce sont les ports qui s'activent avec leur cortège de containers, quelques factures en plus et des milliers d'emplois en moins.


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