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Brève traversée du Sinaï
Publié dans El Watan le 27 - 01 - 2009

Pourtant, le chauffeur de taxi — hâbleur comme la plupart des gens de son métier quand un bon client se présente — nous assurait qu'il nous emmènerait jusqu'à Rafah sans problème. A la station de taxis d'Al Mourj, située dans l'un des faubourgs chaotiques du Caire, station spécialisée dans la desserte des villes d'El Ariche et de Rafah, c'étaient les enchères entre «taxieurs» : «Moi, je vous emmène jusqu'au ‘‘manfad'' (le point de passage)», renchérit un chauffeur de taxi carnassier en nous proposant la course à 350 LE (environ 5000 DA). Finalement, nous partirons dans un taxi Mercedes à neuf places avec, entre autres passagers, une famille palestinienne composée d'une vieille femme vêtue d'une «abaya» noire ainsi que deux jeunes filles et leurs enfants. «Nous allons à El Ariche. Nous avons de la famille à Ghaza. Plusieurs de nos proches ont été tués et leurs maisons détruites. Nous sommes en deuil. Hier encore (mercredi ndlr), nous avons enterré un proche, Istashhad (il est mort en martyr)», dit la vieille dame. «On ne peut malheureusement pas entrer à Ghaza et nos proches ne peuvent pas sortir. On se voit seulement de loin, de part et d'autre de la frontière qui sépare Rafah l'égyptienne de Rafah la palestinienne», se plaint-elle.
Au Canal de Suez
10h20. La Mercedes s'ébranle en direction d'El Ariche, ville située à 300 km à l'est du Caire. Rafah, elle, est 70 km plus loin, soit un peu moins de 400 km de la capitale égyptienne. Nous empruntons ainsi l'autoroute de Port Saïd. Tout le long de la route, une forêt de panneaux publicitaires se succèdent, le tout ponctué de palmiers au milieu d'un décor rustique. Au terme de quelque 150 km de trajet, nous arrivons au fameux canal de Suez qui relie la mer Rouge à la Méditerranée et qui a été construit en 1869 par Ferdinand de Lesseps. Un viaduc géant baptisé «Cobri Essalam Moubarak» (pont de la Paix-Moubarek) enjambe le canal. Une petite ville doit son nom à ce pont : El Qantara. Une longue queue de voitures s'est formée à l'entrée de l'énorme pont : des navires sont engagés dans le canal. A noter que le canal de Suez représente la troisième source en devises de l'Egypte. La nationalisation de la Compagnie du canal par Gamal Abdel Nasser le 26 juillet 1956 donna lieu à un affrontement avec l'Ouest, et qui atteignit son paroxysme avec l'agression franco-israélo-britannique du 29 octobre 1956 contre l'Egypte. 14h. Nous franchissons un imposant dispositif de contrôle et reprenons la route en direction d'El Ariche en frôlant la ville d'Ismaïlia. Au-delà du canal de Suez commence la péninsule du Sinaï proprement dite.
Le Sinaï : zone sensible
De forme triangulaire, elle est bordée au nord par la mer Méditerranée et enlacée par les deux bras de la mer Rouge. Sa partie nord-est fait frontière avec la bande de Ghaza. Vers le sud se trouvent les stations balnéaires de Sharm Al Cheikh et de Taba. Le caractère quasi-saharien du légendaire désert biblique tranche immédiatement avec les carrés verdoyants ayant poussé autour des lacs qui entourent le canal de Suez. Le paysage rappelle beaucoup celui de nos villes steppiques, en allant vers Djelfa, Laghouat ou Aïn Sefra.
Une cinquantaine de kilomètres après avoir franchi le canal de Suez et à peine ayant traversé la ville de Bir El Abd et pénétré la province du nord-Sinaï, nous arrivons à la hauteur d'un important barrage de police planté dans un no man's land au milieu de la vaste thébaïde. Là s'arrête notre course et pour cause : la police égyptienne assistée des «moukhabarate» juge notre présence encombrante. Un officier en civil muni d'un talkie-walkie bruyant donne aussitôt l'alerte. Il prend tous nos renseignements et nous signale à sa hiérarchie par téléphone. Au bout de quelques minutes, le verdict tombe. L'officier nous lance d'un ton affable : «Je suis navré, avec tout ce qui se passe, nous ne pouvons pas vous laisser continuer votre voyage. Ici, vous entrez en zone sensible. De toutes les manières, vous serez refoulé à Rafah, alors autant rebrousser chemin ici.» L'homme exhibe un modèle de l'autorisation que nous devions extirper des méandres de la bureaucratie sécuritaire cairote. Un journaliste japonais attendait à bord d'un 4X4 avec ses accompagnateurs égyptiens. Son attente sera de courte durée : il avait le fameux sésame. «Vous voyez, lui, il a l'autorisation, il est passé sans problème», argue l'officier, avant de détailler : «Il vous faut d'abord aller chercher le OK de votre ambassade, ensuite aller au centre de presse. Il nous faut aussi le visa de «amn adawla» (les moukhabarate, les services du général Omar Souleiman, le Toufik égyptien).» La famille palestinienne qui nous attendait dans le taxi nous jette un œil compatissant. Nous aurions compris l'attitude de la police égyptienne si elle nous avait intercepté aux frontières avec Ghaza. Or, là, nous n'étions même pas à El Ariche. A moins qu'il ne faille un visa particulier pour entrer dans le Sinaï et que celui qui nous avait été délivré n'était valable que pour Le Caire et l'Egypte touristique… Selon un communiqué du ministère des AE égyptiens paru dans Al Ahram de ce vendredi, on apprend que 115 journalistes ont pu accéder à Ghaza via Rafah. Curieusement, parmi eux, seuls un journaliste égyptien et un journaliste arabe dont la nationalité n'est pas précisée ont pu avoir cette «faveur». Pour Manar Hussein, médecin humanitaire engagée dans les opérations d'acheminement des aides médicales vers Ghaza et qui a été à Rafah dès les premiers jours de l'agression israélienne, il ne fait aucun doute que ce n'est pas faute de volonté qu'il y a si peu de reporters arabes en provenance d'Egypte à Ghaza : «Normal, nos régimes ne veulent pas que les journalistes arabes parlent d'eux. Il est évidemment impensable qu'il n'y ait qu'un seul reporter égyptien à vouloir rentrer à Ghaza. Que les journalistes des pays étrangers écrivent, cela ne leur fait ni chaud ni froid, mais pas notre presse», dissèque-t-elle avant d'ajouter avec ironie : «Vous auriez dû leur dire que vous étiez Français, vous seriez passé sans problème.» Et de poursuivre : «Tout le monde veut partir et dans le corps médical aussi. Mais nous subissons les mêmes contraintes. Les autorités égyptiennes ont eu une attitude honteuse. Même au plus fort du massacre, ils ne nous laissaient pas entrer à Ghaza et ce n'est qu'à l'approche du cessez-le-feu qu'ils ont desserré relativement l'étau.»
«Un pays très fliqué»
«L'Egypte est un pays très fliqué», s'indigne de son côté un confrère rencontré au Caire. Nous avons eu à le constater à une autre occasion. Le mercredi 21 janvier, il y avait une manifestation de femmes affiliées au puissant mouvement des «Ikhwan mouslimin», les frères musulmans, devant le siège du syndicat des journalistes. Elles revendiquaient la condamnation des responsables israéliens pour crimes de guerre. Les policiers formaient littéralement un mur d'uniformes noirs qui parquaient solidement les «sœurs musulmanes» contre le parvis du bâtiment pour empêcher tout débordement. En voulant couvrir la manif et à peine ayant pris quelques photos, qu'un officier est venu nous sommer de les effacer. «Cliquez sur delete s'il vous plaît, pas sur exit», intime-t-il en suivant de près l'opération de destruction des photos «compromettantes». Puis, il examine d'un œil torve les photos restantes et son attention se trouve vite interpellée par une image représentant un panorama du Nil et sur laquelle on pouvait reconnaître entre autres, le siège du ministère égyptien des AE, celui du très controversé Ahmed Aboul Gheit. «Pourquoi prenez-vous la photo des AE ? Vous allez photographier toute l'Egypte ou quoi ? Qu'est-ce que vous comptez faire avec cette photo ? Dans quel but ?», questionne le jeune officier. Nous avons dû lui expliquer que nous n'avions nullement l'intention de faire un usage subversif de cette photo. S'il faisait montre d'un peu moins de zèle, il eut deviné sans peine qu'on n'attaque pas un pays avec un appareil photos et que les satellites américains et israéliens qui suivaient notre discussion devaient se bidonner dans le ciel du Caire en faisant de gros plans sur la bouille renfrognée du flic.
En vérité, l'officier de police du Sinaï avait tout dit en parlant de «zone sensible». Depuis les récits bibliques et les démêlés de Moussa avec le Pharaon, le Sinaï a toujours été un territoire problématique. En novembre 2008, il y eut encore un soulèvement armé des «bédouins» (c'est le nom des habitants du Sinaï) qui, se considérant comme les mal-aimés de l'Egypte officielle, ont souvent maille à partir avec le pouvoir central.
La colère des Bédouins
Un groupe de bédouins armés avait cette fois enlevé une vingtaine de policiers pour protester contre la mort d'un de leurs proches abattus par la police égyptienne près de Rafah. Il était soupçonné de contrebande aux frontières. Il convient également de rappeler le rush des Palestiniens de Ghaza sur Rafah et El Ariche. En janvier 2008, ils étaient des centaines de milliers à casser le mur qui sépare Ghaza de l'Egypte, une manière pour eux de briser le blocus qui leur était imposé depuis juin 2007. Après ces événements, le nord Sinaï était devenu quasiment une zone militaire. Il faut au surplus souligner la tension exacerbée par les attentats terroristes de Taba et de Sharm Al Cheikh qui ont ébranlé l'Egypte ces dernières années. Autant d'éléments qui renseignent sur le «background» de la police égyptienne et sa nervosité devant toute présence étrangère qui n'arborât pas l'étiquette «touriste». Au barrage du nord Sinaï, les policiers égyptiens essayent de nous trouver une locomotion pour rentrer au Caire. Ce n'est pas évident. Le trafic est mou et tous les taxis qui passent sont bondés. Un homme d'un certain âge, un homme à tout faire, s'évertue à racheter l'hostilité de la flicaille et s'excuse presque du manque de coopération de la police de son pays : «J'ai honte qu'ils vous empêchent d'aller au ‘'qitaâ'' (la bande de Ghaza). Je voudrais tellement faire quelque chose pour vous, pour le devoir», dit-il avec humilité. L'homme résume toute la générosité de l'Egyptien lambda. «Intou ahssen nass wi agda nass» (Les Algériens sont les meilleurs et les plus braves), ajoute-t-il avec une courtoisie sincère avant d'aller nous préparer du thé. Pendant ce temps, les préposés au barrage échangent charades et devinettes dans l'immense solitude du Sinaï. Un barbu à son collègue : «C'est quelque chose qui est blanc comme la neige, noir comme la nuit. Il est licite de le boire et illicite de le manger. L'homme le fait trois fois par jour et la femme une fois l'an. Qu'est-ce que c'est ?» Et ainsi passe le temps au Sinaï. «Nous sommes un peuple au tempérament guilleret et rigolard.
Sans cela, on serait morts de peine», lance le vieil homme généreux au visage buriné par la misère et le soleil froid du Sinaï.


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