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«On ne croit ni au père Noël ni aux élections»
Publié dans El Watan le 11 - 04 - 2009

Comme si on les arrachait à une autre réalité bien lointaine, nos interlocuteurs nous disent après avoir repris pied sur la terre Algérie : «Cette élection est une photocopie des élections passées, pourquoi alors voter. Et puis les résultats sont connus à l'avance, on ne se sent pas concernés. On ne les connaît même pas ces candidats», nous disent-ils, en semblant vouloir replonger dans cette rêverie qui les attire de l'autre côté de la grande bleue. Dans un souffle, l'un d'eux nous affirme : «Nous sommes des harraga refoulés.» Il nous apprend qu'ils ont franchi en 2004 non pas le Rubicon mais la Méditerranée pour accoster en Espagne à la recherche d'une vie meilleure. Comble de l'ironie ils ont échappé à un deuxième mandat mais se voient rattrapés par le troisième. Ces jeunes, refoulés depuis deux mois de cette terre choisie pour asile, ont du mal à accepter leur sort marqué par un retour à la case départ. «On ne peut plus vivre dans ce pays», nous dit ce jeune homme de 25 ans qui n'a même pas la force d'accompagner ses paroles d'un sourire.
La réalité est trop amère. «Je suis toujours sous le choc», nous déclare-t-il en assurant qu'il fera tout pour repartir. «Nous ne repartirons pas comme harraga, mais nous repartirons quand même. Nous aspirons à vivre», lance-t-il comme un cri de détresse. «Vous croyez que je n'ai pas envie de faire un projet par le biais de l'Ansej et m'en sortir ? Vous croyez que je n'ai pas envie de trouver du boulot et échapper à cette situation, que je n'ai pas fait des demandes ? Mais la réalité est que je n'ai pas accès à ces dispositifs, je ne trouve pas accès à la vie normale. Je suis arrivé à la conclusion qu'on ne peut rien faire dans ce pays», nous
dit-il, en précisant qu'il a un diplôme en informatique qui ne lui a valu d'être embauché nulle part. Nous laissons nos interlocuteurs à la mer qui leur fait face et rencontrons un autre un jeune non loin de là. Il dit qu'il a 18 ans, mais paraît n'en avoir que 16, et nous lance : «Moi je vais voter pour Louisa Hanoune, car elle a promis de libérer les prisonniers. Mon frère a 22 ans et il est détenu, j'espère qu'il sortira.» Et d'ajouter : «Je sais qu'elle ne passera pas, mais je vote quand même pour elle.» Un vendeur de thé nous interrompt pour nous dire : «Moi si je vote c'est pour la paix.» Nous quittons les lieux pour nous rendre au centre de vote Massinissa à Bab El Oued. L'afflux des votants est très timide. Nous croisons des personnes âgées qui affirment venir accomplir leur devoir. Une femme âgée assure : «J'espère que cela servira à changer les choses.» Dans les bureaux, les agents de l'administration chargés de veiller au bon déroulement de l'opération de vote semblent s'ennuyer. «Nous avons eu 46 votants sur 324», nous communique-
t-on dans l'un des bureaux et «57 sur 358» dans un autre. Il était 14h30. Même constat au CEM Mohamed Bouras dans La Haute Casbah. Les électeurs ne se bousculent pas aux portillons. Nous rencontrons l'un d'eux qui nous indique : «Je comprends que ceux qui n'ont rien ne votent pas. Quant à moi, j'ai voté parce que j'ai l'habitude de le faire et c'est mon
devoir.»
«Comment voter alors que la pomme de terre est à 100 DA ?»
Nous nous rendons dans le quartier et c'est un autre son de cloche. «Voter pourquoi faire, avec ces prix affolants des légumes et denrées alimentaires ?», signale un citoyen qui assure :
«J'ai voté une fois dans ce pays et je ne le referai plus car ce pays est trahi et il n'y a plus rien à espérer.» De nombreux citoyens tiennent le même discours et s'accordent à dire : «Ils ont effacé les dettes des agriculteurs pour nous proposer la pomme de terre à 100 DA. Et aujourd'hui, ils veulent nos voix. Pour qui nous prennent-ils ? Qu'ils nous laissent en paix.» Nous remarquons un défilé de dizaines de militaires en civil sortir du ministère de la Défense en direction des bureaux de vote. Nous apprendrons plus tard qu'ils se sont dirigés vers les bureaux de vote de La Casbah pour accomplir l'acte électoral. Dans le quartier des Trois Horloges, notre arrivée sur les lieux coïncide avec la sortie des fidèles de la mosquée.
Nous abordons l'un d'eux qui affirme ne pas avoir voter. «Je ne veux pas voter, car je ne peux cautionner la misère du peuple alors que le pays est riche, je ne peux fermer les yeux sur la situation de ces hommes de 40 ans qui ne peuvent pas se marier, car sans emploi, sans logement, sans rien», nous livre-t-il. Et de continuer : «Il est bien connu qu'il existe des dictatures partout dans le monde arabe, mais là nous avons dépassé tout le monde, même la Tunisie dont la situation, il y a quelques années, était matière à ironie chez les Algériens.» Son ami prendra la parole pour révéler : «Nous n'avons pas d'Etat. Qui a autorisé le Président à effacer les dettes de la mafia agricole, nous a-t-il demandé notre avis ? Qu'a-t-il fait pour empêcher les jeunes de choisir d'être dévorés par les poissons plutôt que de vivre dans leur pays ? Je ne donnerai pas ma voix pour un tel résultat.» Dans les localités de Aïn Benian et de Baïnem, les centres de vote semblent désertés par les votants. Nous avons d'ailleurs été surpris de voir un bureau de vote assailli par une rangée d'électeurs. Renseignement pris, il s'agit d'un bureau spécial réservé aux agents des forces de sécurité et corps constitués.
Seul ce bureau, situé dans le centre de vote de la forêt de Baïnem, présente un tel spectacle d'engouement des votants, les autres bureaux sont à l'image des bureaux de l'Algérois, vides. 386 noms étaient inscrits dans la liste des électeurs dans ce bureau spécial. «Nous sommes venus accomplir notre devoir», nous assure un gendarme en civil qui attendait dans la file très disciplinée des votants débarrassés pour ce jour «spécial» de leur uniforme.
«Il aurait pu construire une ville avec l'argent dépensé»
Un représentant du candidat Abdelaziz Bouteflika dans un des bureaux nous lance : «Je ne suis pas vraiment fan de Bouteflika, mais je suis là parce qu'on me paye.» «Je suis contre toute cette mascarade, il aurait dû nous épargner ces dépenses inutiles et construire une nouvelle ville carrément ou bien créer de l'emploi pour les jeunes», assène-t-il en semblant souffrir du rôle de surveillant qu'il jouait. Nous nous dirigeons vers le centre de vote El Manar, à Aïn Benian, même constat sur le faible taux de participation. A 15h30, le nombre de votants était de 641 sur 2107 inscrits. Le bureau no24, réservé aux corps constitués, comptait à lui seul 241 inscrits, dont 182 votants. Un des surveillants du scrutin nous lance : «Bayen el film» (ou le film est joué, ndlr), en réponse à notre question sur l'absence des représentants des adversaires du candidat Bouteflika. Nous constatons plus loin, dans le centre de la localité de Aïn Benian, des bus de l'entreprise Tahkout stationnés aux abords des centres de vote.
Nous demandons aux personnes transportées qui elles sont et la réponse nous laisse perplexes : «Nous sommes des agents de l'administration et de l'APC.Nous avons quitté les bureaux de vote pour aller voter dans nos circonscriptions.» Mais quelle est donc cette logique qui oblige un chef de centre ou des agents chargés de veiller au bon déroulement du scrutin, de quitter les centres de vote et se déplacer ailleurs ?
Pendant ce temps qui doit surveiller les urnes ? De l'autre côté de la ville, dans la localité d'El Harrach. La foule n'est pas au rendez-vous dans les centres de vote. Même les représentants des candidats n'ont pas jugé utile de surveiller les urnes. Seuls les représentants du candidat Bouteflika sont au rapport. «C'est normal, seul le FLN a les moyens de régaler. Ils ont la ch'kara», assène un des surveillants du centre Aïssat Idir. Nous croisons un groupe de trois jeunes gens en train de chercher le bureau où ils sont inscrits. L'un d'eux, 20 ans, nous dit : «Je viens juste pour avoir le cachet sur ma carte d'électeur. Sinon, je ne connais aucun des candidats, je ne sais même pas ce qu'ils proposent.» Et son compagnon, 25 ans, de renchérir : «De toutes les manières, ça ne sert à rien de les connaître. Le jeu est clair. Je ne viens pas voter par conviction, c'est juste au cas où j'aurais besoin de cette carte pour retirer un papier officiel.» Le troisième du trio a presque honte de dire qu'il vient voter. «Je ne fais que les accompagner», indique-il pour se voir contredire par ses pairs. «Menteur», lui lancent-ils. Il finira par céder et attester : «Mon copain et moi sommes en train de constituer un dossier pour un emploi, on croit savoir qu'il faut présenter la carte de vote, ça fait bien dans le CV.»
«Ils nous ont humiliés»
Plus loin dans le sensible quartier de Bachdjerrah, nous décidons de nous rapprocher d'un groupe de jeunes. «Tu parles… moi voter ? Mais moi je n'ai pas reçu les milliards que ces candidats, dont personne n'entend parler, ont obtenus. Qu'ils me payent moi aussi pour voter», lance l'un d'eux. Et à un autre d'affirmer : «Les jeux sont faits. Je ne crois pas à cette histoire de
20 millions d'électeurs.» Une jeune fille aux allures masculines adossée au mur avec ce groupe d'amis nous lance tout de go et d'une voix cassée : «La pomme de terre est à 100 DA, qu'est-ce qu'ils nous veulent ? Qu'ils nous laissent tranquilles.» Le groupe grossit au fur et à mesure que nous discutons avec les jeunes. Un homme, la quarantaine, arrive et tonne : «Nous, on ne croit pas au père Noël, et celui qui croit au vote dans ce pays croit au père Noël.» Et d'ajouter : «On sait très bien que ça va être un raz-de-marée pour Bouteflika, inutile de voter. C'est le pays des mensonges. Qu'ils arrêtent leur cinéma». Il nous confie qu'il est ingénieur en génie mécanique mais qu'il est toujours sans travail. «Vous savez pourquoi je n'ai pas de boulot, parce qu'ils nous ont humiliés. La où je dépose mon CV, on refuse de m'embaucher parce que j'habite un quartier populaire. Nous sommes humiliés nous les habitants des quartiers populaires et on veut nous taxer de dangereux», assure-t-il avec l'approbation des jeunes du quartier.
Un vieil homme se joint à nous et lance : «Il leur reste une solution, qu'ils nous bombardent avec leurs MIG et qu'on en finisse.» Ce père de famille affirme : «Je ne vote pas, car ils ne nous veulent pas du bien. J'ai réussi à éduquer mes enfants et à en faire des diplômés de l'université, mais on leur refuse d'accéder à des postes de travail, pour la simple raison qu'ils viennent de quartiers dit chauds et qu'ils n'ont pas de piston.» Un jeune brandit un journal où les prix des légumes sont affichés : «Regardez, la pomme de terre à 100 DA, même la laitue jadis réservée aux tortues est à
100 DA, je ne vote pas.» Et de renchérir : «Tous ces milliards dépensés pourquoi ne pas les avoir donnés aux jeunes.» Un autre se manifeste : «Parlez-moi du football pas de cette mascarade.» Le cap du 9 avril est passé, et le troisième mandat est acquis, il reste à faire face aux attentes de cette jeunesse désemparée.


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