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Alger, entre «mansotiche» et «vote logement»
Un tiède jeudi électoral dans la capitale
Publié dans El Watan le 06 - 05 - 2017

Si la tendance lourde est à l'abstention à Alger, dans le cas de beaucoup de votants rencontrés à Bachdjerrah, Aïn Naâdja et ailleurs, le «cachet» et l'espoir de bénéficier d'un toit sont leur principale motivation.
Alger, jour de vote. 9h. La capitale est ville morte ce jeudi matin. Impression d'un vendredi mou ou d'un lent réveil ramadhanesque. Des 4x4 de la police patrouillent au long de la rue Didouche. Quelques restes d'affiches électorales et de banderoles continuent à pavoiser les façades d'immeubles haussmanniens. Un portrait géant de Bouteflika est brandi sur un panneau publicitaire, près de l'OPU, à la place Audin. Les portraits du Président sont, du reste, déployés sur toutes les grandes artères. Aux abords des centres de vote, comme à l'école Warda, au Telemly, très peu de mouvement, hormis les agents de police et ceux de la Protection civile mobilisés dès potron-minet.
A la bouche de métro de la Grande-Poste, habituellement plus sollicitée, très peu de monde en cette journée chômée et payée. Le métro est quasiment vide. Première halte : Belcourt. L'avenue Mohamed Belouizdad est passablement animée. Des fanions aux couleurs du CRB ornent le boulevard. Dans les bureaux de vote, c'est le calme plat. Nous prenons la température à l'école Makhlouf Zenati.
21 votants ont été enregistrés à 9h30 pour 1063 inscrits, selon la directrice de ce centre de vote. Pour trouver un votant à sonder, il faut patienter. Un mot revient sur toutes les lèvres : «Wech, sotite ?» (tu as voté, malicieusement détourné en «tu as sauté ?» ). Référence, évidemment, au podcast coup-de-poing de DZ Joker. Plus de 4,49 millions de vues sur YouTube aux dernières estimations, faisant de Chemsseddine Lamrani le «vainqueur» incontesté de ce scrutin.
«Ghammouna !»
11h passées. Bachdjerrah. Le marché grouille de monde. Les gens font leurs emplettes. Des bottes d'ail sont ostensiblement étalées ça et là. 120 DA le kilo. La banane se montre, elle aussi, moins arrogante. 330 DA tout de même ! Dans un coin du marché, au pied d'un petit immeuble, un groupe de jeunes, dans les 24-25 ans, tous au chômage, s'amusent à refaire le monde. Interrogés sur l'événement du jour, pour eux, cela n'en est vraiment pas un. L'un d'eux nous lance d'emblée en chambrant son copain : «Haw lik, sota» (Il a sauté, comprendre il a voté), avant de lâcher : «Il saute depuis minuit.» Puis, d'un ton plus sérieux : «Makache elli voti, (Personne n'ira voter) !» tranchent-ils.
«Tu votes pour le malade mental ou bien pour le voleur ?» interroge ironiquement l'un d'entre eux. Abdelhak, 26 ans, qui affiche un caractère bien trempé de leader naturel, laisse éclater sa colère : «Si ceux qui avaient voté avant nous, nos parents, nos grands-parents, avaient cueilli les fruits de leur vote, si l'Etat avait montré juste un petit peu de considération pour ce peuple, peut-être que j'aurais voté.
Mais ce qu'on voit, c'est que c'est toujours le peuple qui supporte tous les malheurs et toute la hogra de ce pays. Eux (les dirigeants, ndlr) se partagent tous les privilèges entre eux, et nous, on se sent exclus de tout. On a l'impression que nous n'avons pas notre part de ce pays.» Notre révolté abstentionniste estime que beaucoup parmi les candidats «itiriw bark (ils disent n'importe quoi)».
Seul DZ Joker trouve grâce à ses yeux. «Mansotich, c'est la meilleur vidéo jamais faite, chapeau kho !» s'incline Abdelhak, un avis partagé par ses potes. Le jeune homme au verbe acéré nous confie que faute d'emploi, il en vient parfois à vendre des «cachiate», des psychotropes, pour se faire un peu d'argent.
Son plan est clair : el harga. «Il y a un passeur dans le quartier qui prend 17 millions par personne», affirme un de ses amis. Abdelhak ne mâche pas ses mots : «Si on avait trouvé du travail, on n'aurait pas fait ça khouya. Il faut voir comment ils traitent les petits vendeurs, ici, au marché. Ils saisissent la marchandise du zawali avec brutalité et lui disent va te plaindre auprès des tribunaux, sans aucun papier.
Ils envoient des petits jeunes en taule pour un «garou zatla» alors que les barons de la drogue, qui contrôlent les frontières, ne sont jamais inquiétés. Chakib Khelil qui a pillé l'Algérie se pavane en toute impunité. Il n'y a aucune justice !» Abdelhak soulève son t-shirt et nous montre de longues et profondes cicatrices qui strient son buste sans dire un mot, submergé par l'émotion. «Gataâ roho. Il s'est lacéré le corps. Trop de pression. Ghammouna kho, ils nous ont étouffés !» glisse son acolyte.
«Je vote pour le cachet»
Ecole Si El Houès, pas loin du marché. Dans les couloirs du centre de vote, nous croisons plus de cadres badgés que de citoyens derrière l'isoloir. Le centre regroupe 11 bureaux de vote. «Nous avons enregistré 136 votants au sondage de 10h30», indique le chef du centre. On constate à vue d'œil que le gros des votants est constitué de personnes âgées, dont beaucoup de femmes.
«Peu importe les candidats, ils me plaisent tous, gaâ kif kif. Je veux voter, c'est tout !» s'exclame une vieille dame. Adlène, 22 ans, vendeur au marché de Bachdjarrah, débarque avec un de ses amis. Adlène dit que c'est la première fois qu'il vote. «Je vote pour le cachet, on ne sait jamais. Peut-être que j'aurais besoin de la carte de vote», avoue le jeune électeur.
Aïn Naâdja. Il est près de 13h. Une image nous interpelle d'entrée : une pancarte déclinant le hashtag # Mansotiche est accrochée sur la vitre d'un abribus à côté d'une affiche électorale, à quelques encablures du Commandement des Forces terrestres. Escale à l'école Aïcha Amari. Le centre de vote, qui relève de la commune de Gué de Constantine, compte 4477 inscrits répartis sur 10 bureaux de vote. «Nous avons enregistré 382 votants à midi», assure le chef du centre. A peine avions-nous franchi le seuil de l'école que nous sommes accostés par une électrice en détresse, Sihem Neguez. Sihem venait de glisser son bulletin dans l'urne. «J'ai voté blanc», dit-elle, une pile de documents à la main.
Et de nous raconter son cas, une situation qu'elle partage avec beaucoup d'électeurs du bidonville de Aïn Malha. «J'habitais avec ma famille dans une baraque à Aïn Malha. Nous avons été violemment expulsés alors que nous étions dans la liste des bénéficiaires. Nous avons introduit un recours et, jusqu'à présent, nous n'avons reçu aucune réponse», s'inquiète notre interlocutrice en précisant qu'elle est native d'El Biar en arborant son livret de famille.
«J'ai voté blanc et j'habite dans un garage»
Sihem, âgée de 33 ans, est infirmière à l'hôpital de Kouba. Elle est maman de deux petites filles, Manal (5 ans), et Rima (3 ans). «Je suis divorcée et j'habite dans un garage avec mes deux filles et mon frère, un militaire qui souffre d'une infirmité après avoir été grièvement blessé.» Sihem n'a que son salaire de paramédical qui s'élève à 30 000 DA pour payer le loyer et prendre sa famille en charge. «J'ai divorcé à cause de Zoukh», martèle la jeune infirmière.
«Mon mari ne supportait plus de vivre dans une baraque avec ma famille», explique-t-elle. «Les services de l'APC ont fait leur enquête, ils ont vu mes filles, ils m'ont dit vous êtes sur la liste. Le jour de la «rahla», on a été sauvagement recalés. On nous a dit : ‘‘Vous n'êtes pas sur la feuille de route.'' Après, ils nous ont ramené les gendarmes. Nos affaires ont été jetées à la rue. On nous a chassés avec des jets d'eau.
On est allés nous plaindre à la daïra, on a été tabassés. Et là, j'ai dû louer un garage, j'avais reçu un rappel de salaire qui m'a permis de louer, mais je n'ai pas les moyens de louer tout le temps.» Sihem veut simplement être fixée sur son sort : «Je veux juste qu'on réponde à mon recours. J'ai demandé audience à M. Zoukh, on ne m'a pas laissé le voir. J'ai été à la cellule d'écoute de la wilaya. Ils m'ont dit : ‘‘Faites une demande'', j'ai fait la demande et toujours rien.
Je m'inquiète surtout pour ma fille, je dois l'inscrire en préscolaire à la rentrée et je ne sais pas quoi faire, à quelle porte frapper.» Une candidate d'un parti politique, qui était venue voter dans la même école, a laissé son téléphone à Sihem en lui promettant de l'aider du mieux qu'elle le pourrait. «Je pense que vous êtes dans un autre quota. Vous n'avez pas trouvé le bon interlocuteur, voilà un grand problème : la communication avec l'administration», déplore la candidate. Un membre du personnel d'encadrement du centre de vote qui connaît la situation à Aïn Malha, s'indigne : «Pourquoi ces recours ne sont-ils pas pris en considération ?
Tu attends deux ans et tu n'as aucune réponse. C'est inacceptable ! Les gens qui n'ont pas de piston ou qui ne paient pas de tchipa végètent dans la rue.» Dans la foulée, il dénonce l'attitude désinvolte de nos gouvernants en citant la dernière «blague» de Sellal. «Bahdlouna ! L'Etat a perdu sa dignité», fulmine-t-il. «Et voilà la réponse du peuple. Les gens, wallah ils ne votent pas sauf ceux qui espèrent un logement !»
«Juste pouvoir dormir auprès de mes enfants»
A quelques dizaines de mètres de là, nous croisons Hichem, gardien de parking. Hichem est né en 1988, il est marié et père de deux enfants. «J'habite sous une tente avec ma famille à Haouch Mihoub, près de Baraki. Pourtant, je suis né et j'ai grandi à Aïn Naâdja mais ma commune m'a fermé ses portes», peste-t-il. Hichem a voté en espérant que cela l'aiderait. «Je me suis dit que peut-être ça va me servir, si tu ne votes pas, ils sont capables de te saquer», justifie-t-il. Depuis qu'il s'est marié en 2014, Hichem a déposé un dossier de logement et il attend.
Il espère également un travail plus convenable. «Je cherche un travail qui me garantisse la sécurité sociale. Je viens de dépenser 2000 DA pour des analyses pour mon fils, et 2800 DA pour des médicaments pour ma fille qui s'est brûlée.» «Tu vis sous une guitoune, après, on te dit Tayhia el Djazair. Que nos responsables viennent voir un peu ce qu'on endure, de préférence en hiver.» Hichem a tout essayé.
Il s'est même prêté à un long périple en haraga. «Je suis parti en 2011. Je suis allé en Turquie, puis j'ai fait la Grèce, la Bulgarie, la Roumanie, la Georgie, la Macédoine, la Serbie et j'ai été arrêté en Autriche. De là, j'ai été expulsé vers la Tunisie, puis on a fait escale au Qatar avant d'atterrir à Alger.» Cet échec migratoire ne l'a guère refroidi, lui qui est déterminé à retenter l'aventure pour «sauver mes enfants».
«Ici, on t'exploite à fond et tu n'as pas tes droits. Ils ont distribué les locaux commerciaux entre eux, les logements, les lots de terrain, les étals entre eux. On est toujours les éternels bannis. Jusqu'à quand ? Moi, je veux juste vivre avec dignité. Ma femme et moi sommes déchirés, éparpillés. Ça fait trois mois qu'on est comme ça. J'aspire juste à pouvoir dormir tranquillement auprès de mes enfants.»
Une abstention «traditionnelle» à Bab El Oued
Bab El Oued, 14h. Au centre de vote Kamel Aberkane, les votants ne se bousculent pas non plus en cette après-midi moite et chaude. L'école compte 3012 inscrits répartis sur 8 bureaux. «Jusqu'à midi, nous avons enregistré presque 400 votants, c'est faible», indique M. Ferrah, le chef du centre. Au bureau de vote n°20, à 13h, il y avait «50 votants sur 367», selon le chef de ce bureau de vote. «A Alger, c'est la tendance traditionnelle. C'est toujours entre 9 et 13% de participation.»
Certains électeurs trépignaient devant le bureau du chef de centre. Ce sont d'anciens habitants de Bab El Oued qui ont été relogés dans de nouvelles cités, notamment du côté de Ouled Mendil, dans la commune de Douéra. «Ils n'ont pas trouvé leur nom, ni ici ni là-bas», nous dit-on. M. Ferrah rassure : «Nous avons un fichier informatisé, on vérifie sur le micro, si le concerné est inscrit sur la liste, on lui donne un papier avec son numéro et il vote sans problème. Ceux qui ont été relogés sont automatiquement supprimés du fichier électoral d'ici. Ils doivent s'inscrire dans leur nouvelle commune.»
Abdelghani, réparateur d'appareils électroménagers dans un petit atelier qui voisine avec l'école Kamel Aberkane, a fait le choix, lui, de ne pas voter. Il n'a voté qu'une fois dans sa vie. «C'était en 1999, je passais mon service militaire à l'époque», précise-t-il. «Pour le moment, personne n'est venu me dire ‘‘hak'' (tiens), mais pour t'accabler d'impôts, ils ne se font pas prier», lâche-t-il. Abdelghani dit qu'ils sont six frères, avec leurs familles, à partager un seul appartement. «J'ai l'un de mes frères qui a quitté la maison il y a deux jours pour aller habiter dans un garage à Frais-Vallon, avec sa femme et ses enfants», confie-t-il.
«Toutes nos demandes de logement ont été vaines. Ma chefna oualou ! Eux, ils ont voté, mais pas moi. Je ne peux pas voter pour des gens que je ne connais pas. Je ne veux pas me rendre complice de personnes malhonnêtes. J'espère qu'il viendra un temps où ce sont les plus méritants qui seront élus !»


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