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Un printemps au parfum de gaz lacrymogène
Publié dans El Watan le 25 - 04 - 2010

Plutôt qu'un survol sommaire des événements d'avril 1980, le journaliste propose une plongée en apnée et en profondeur dans la première insurrection citoyenne post- indépendance. L'ambition de ce livre, prévient son inspirateur, «n'est pas d'écrire l'histoire d'un mouvement qui a imposé un indéniable point d'inflexion à un régime autiste, mais de fixer quelques repères de l'insurrection citoyenne, à travers les histoires multiples, profondément humaines et dans une subjectivité assumée de quelques acteurs». Les mœurs d'un pouvoir «dopé à l'intolérance d'une idéologie hybride, le socialisme arabo-islamique» sont mises à nu. Les acteurs : des insurgés en herbe, échantillon de la première génération d'émeutiers, se lâchent complètement.
Des témoignages inédits qui sentent le grésil des geôles du sous-sol du commissariat central, des centres de tortures de la SM à Bouzaréah, à Poirson où sont parqués les manifestants. Que du lourd dans ce que racontent les animateurs du mouvement 80 : la haine, le racisme, le déni identitaire, la torture, les brimades, les humiliations, etc. Le livre donne à lire des récits enflammés de quelques-uns des insurgés les plus emblématiques d'avril 80. Des témoignages inédits d'El Kadi Ihsen, Saïd Khelil, Mouloud Lounaouci, Ferhat Mehenni, Arezki Aït Larbi, Azziz Tari, Méziane Ourad… etc.
Un printemps au parfum de gaz lacrymogène, un énorme incendie qu'un bout de bois de Mouloud Mammeri a allumé. L'écrivain et anthropologue, dont la conférence sur les «poèmes kabyles anciens» à l'université de Tizi Ouzou a été interdite, «sera invité par l'histoire pour allumer la flamme à l'origine du grand brasier». Saïd Khelil, pharmacien biologiste à l'hôpital de Tizi Ouzou (il deviendra secrétaire national du FFS), était parmi les 24 détenus de Berouaghia. Une des chevilles ouvrières du mouvement 80. Trente ans après, il se livre, raconte, non sans pudeur, les affres subies dans les cachots du pouvoir. «Prétendre résumer en quelques lignes plusieurs semaines de détention dans ce centre de la SM, ce serait faire injure à la souffrance humaine».
L'effet Mammeri
La décision d'interdire la conférence de Mammeri a eu ses effets catalyseurs, mobilisateurs. «Nous étions le dos au mur : la situation exigeait une réponse à la mesure de la violence du déni ; la seule réaction envisageable était une réaction de masse», souligne Mohand Ousalem, enseignant au département économie à l'université de Tizi Ouzou (inaugurée en 1978, le centre universitaire était l'épicentre du mouvement). Ousalem plante le décor dès la première partie du livre, décrit avec minutie les événements ayant précédé l'insurrection d'avril, les comités autonomes, les premières manifs, la grève générale du 16, l'emballement, etc. Aziz Tari, étudiant en sciences exactes CU de Tizi Ouzou, restitue l'atmosphère insurrectionnelle qui s'est emparée de la Kabylie, d'Alger. «Après des décennies d'apartheid, nous ne supportons plus d'être les oubliés de l'histoire.»
Le 20 avril, à 5h du matin, «l'opération Mizerana». «Avril 80» : une «blessure profonde (qui) restera gravée dans ma mémoire. Ce 20 avril, la brume matinale et un sourd bruit de bottes symboliseront pour toujours le visage d'une dictature lâche, qui frappe dans le noir (…)». «Des CRS, nourris dès le biberon au racisme antikabyle, mènent une opération commando d'une rare violence dans les cités universitaires et à l'hôpital de Tizi Ouzou. Ils massacrent sans discernement les étudiants, professeurs, infirmiers, médecins. Bilan : 500 blessés», témoigne Méziane Ourad. La rumeur donnait 32 morts. Deux éléments essentiels caractérisent, selon l'ethnolinguiste Salem Chaker, le «Printemps berbère».
Massives et populaires, les protestations rompent avec le caractère «élitaire» du combat identitaire. C'est aussi la première fois que la presse internationale, les ONG des droits de l'homme braquent leurs projecteurs sur l'Algérie pour dévoiler son «anti-berbérisme doctrinal et institutionnel». Ferhat Mehenni, le «maquisard de la chanson kabyle», actuel président du Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie était aussi dans l'antre du diable. Ses chants révolutionnaires, ses galas en Kabylie, à Alger, en France, sa figure légendaire ont galvanisé les «masses kabyles».
Trois décades après, Ferhat porte un regard froid, un jugement implacable sur cette «explosion politique», son héritage, ses anciens camarades de lutte, Saïd Sadi en tête, dont le témoignage pourtant capital a été volontairement éludé par l'auteur du livre. «Avril 80 n'échappe pas à la logique des lorgnettes.» Pour lui, les événements du «Printemps noir» de 2001-2003, plus sanglants (127 morts), plus massifs ont «laissé moins d'acteurs à la mentalité de rentiers des "anciens combattants'', que n'en a laissé le 20 avril 80». La désillusion est paroxysmique pour l'ex-chantre de la berbérité, mué, en chantre de la «kabylité» (…). «Aujourd'hui, il serait bon de revisiter l'itinéraire du fleuve kabyle pour le remettre dans le lit de l'histoire», écrit-il.
Les officiels, tendres… tontons-flingueurs !
La troisième partie du livre, autre plus-value de l'ouvrage, produit les témoignages inédits de trois «acteurs-clés» d'avril 80. Le wali de Tizi Ouzou, Hamid Sidi Saïd, le directeur général de la sûreté nationale, El Hadi Khediri et Abdelhak Brerehi, ministre de l'enseignement supérieur accepteront de déposer, non sans se confondre avec Ponce Pilate, prompt à s'en laver les mains. D'autres hauts dirigeants, directement concernés par la gestion de la crise, manquent cruellement à l'appel à témoins lancé par Arezki Aït Larbi. Il en est ainsi du patron de la Sécurité militaire, Yazid Zerhouni, du commandant de la gendarmerie nationale, Mustapha Cheloufi, du Premier ministre, Benahmed Abdelghani, de Mohamed Salah Yahiaoui, coordonnateur du FLN, du chef de la 1re Région militaire, le général Attaïlia, et du président Chadli Bendjedid dont la responsabilité est, secret de Polichinelle, amplement engagée. Dans sa contribution à la «connaissance de l'un des épisodes les plus saillants de l'histoire récente de l'Algérie», Hamid Sidi Saïd, le «wali du Printemps berbère» —- il se définit ainsi — campe, avec aplomb, le rôle de simple exécutant.
La décision d'interdire la conférence de Mammeri n'émanerait pas de lui mais de la «direction nationale du parti». Idem pour ce qui est de l'assaut donné au campus universitaire de Tizi Ouzou. Le 19 avril, une réunion a été convoquée au siège central du FLN par le premier ministre, y ont assisté les trois responsables des corps de sécurité, le ministre de l'enseignement supérieur et le coordonnateur du FLN. «Le mouhafedh et moi-même avions fait un exposé de la situation, en réaffirmant notre volonté de mobiliser pour un retour au calme. Après notre intervention, nous fûmes invités à nous retirer et à attendre dans l'un des salons du palais Zighout Youcef.
Nous n'avions pas pris part aux débats qui se sont prolongés jusqu'à 23h, heure à laquelle Yahiaoui nous reçut pour nous annoncer la décision d'évacuer le centre universitaire le 20 avril au matin. Il nous précisera que les services de sécurité avaient été instruits pour prendre les dispositions nécessaires». L'assaut était «mal préparé», «engagé dans la précipitation», et fût «dramatique». «Dieu merci, pas de mort». La palme du revirement spectaculaire revient incontestablement à Abdelhak Brerehi, ministre de l'enseignement supérieur de 1979-1988. Le témoignage du crypto-opposant, ronronnant et décousu, est un chef-d'œuvre de transmutation. Le 23 avril 1980, le ministre déclarait à la télévision que les événements de Tizi et d'Alger visaient à «saper l'unité nationale», qu'ils obéissaient à «un plan tramé par les milieux impérialo-réactionnaires hostiles à la Révolution algérienne»
Trente ans après, l'homme fait amende honorable. «Avril 80 : un détonateur démocratique», qualifie-t-il. «Sans exagération aucune, ce fut pour moi un séisme, un choc dont les ondes me font frémir à chacun de ses anniversaires». La performance de l'actuel SG du CCDR mérite d'être relevée. Autre acteur-clé : le DGSN, El Hadi Khediri. Dans son récit, le pape de la répression policière apparaît sous ses apparats des grands jours : sympathique, un brin tendre à vous arracher une larme sans même être soumis à la «Question». La police qu'il dirigera de 1977 jusqu'à 1987, il aurait aimé la réformer. «Je ne voulais pas d'une police obscure» mais une «institution transparente qui agit dans la légalité». A propos du «particularisme kabyle», il dit ne pas comprendre la «méfiance que suscitait cette région (la Kabylie) chez certains responsables qui multipliaient les mises en garde contre le danger qu'elle puisse représenter». «J'étais choqué et malheureux de découvrir à quel point le pouvoir et sa police étaient haïs par la population». L'interdiction de la conférence de Mammeri, «une erreur monumentale».
La torture, un point noir
Dès l'éclatement des premières manifs, le DGSN affirme avoir «tout fait pour limiter les brutalités», en usant «exclusivement des moyens classiques de maintien de l'ordre». Parallèlement, il recevait des délégations des universités d'Alger et de Tizi Ouzou pour «dénouer la crise par le dialogue». «Après la manifestation du 7 avril à Alger et l'occupation du campus de Tizi, le Premier ministre a prôné le recours aux "méthodes" musclées (…) pour faire rentrer la Kabylie dans les ‘‘rangs''. En tant que chef de la police, j'étais pris entre deux feux : les délégations de contestataires dont je comprenais la colère et ce groupe de furieux au sein du pouvoir». «L'idée qu'un étudiant puisse trouver la mort durant l'assaut était mon pire cauchemar», ajoute-t-il. Le patron de la police n'est pas à un aveu près. Khediri ose ce qu'aucun autre haut responsable n'a osé auparavant : reconnaître la pratique de la torture. «Parmi les points noirs de toute ma carrière, la question de la pratique de la torture continue d'interpeller ma conscience. Elle a été pratiquée de tout temps, et singulièrement durant le "printemps berbère'' et "octobre 88'' . Après les tortures d'avril 80 dont j'ai été informé bien plus tard, j'ai veillé à en limiter les dégâts».


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