Après avoir animé des conférences magistralement suivies par la communauté universitaire dans les campus de Béjaïa, puis à Oran, les deux chercheurs internationaux en mathématiques, Cédric Villani et Ngô Bao Châu, tous deux médaillés Fields – la plus haute distinction mondiale dans la discipline des mathématiques – ont clôturé leur périple entamé en Algérie avec une rencontre à Alger organisée au profit des étudiants de l'université d'Alger Benyoucef Ben Khedda. L'événement, initié par la direction de la recherche scientifique du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, s'est déroulé dans le cadre de l'hommage rendu à Maurice Audin, en présence de l'épouse du martyr de la liberté et de son fils. L'amphithéâtre Ampère, là même où Maurice Audin dispensait ses cours en 1953, était plein à craquer. Dans son mot de bienvenu, le recteur de l'université a rappelé quelques dates concernant les années passées par Maurice Audin à la faculté d'Alger, en tant qu'étudiant, puis assistant, dispensant des cours de mathématiques. «Maurice Audin, cet homme épris de paix et de justice, a été ravi aux siens une nuit de juin 1957. Au-delà de ses idéaux, cette personnalité a su transmettre l'amour des mathématiques qui constituent un instrument irremplaçable de formation à la rigueur et au raisonnement. Cette discipline participe au développement de l'intuition, de l'imagination, de l'esprit critique, voire aux rêves (..)», a indiqué le recteur. Cédric Villani, professeur à l'université de Lyon et membre de l'Académie des sciences de Paris, de l'Academia Europea et président de l'Office parlementaire scientifique français, a choisi comme intitulé pour sa conférence : «L'art vivant des mathématiques». Une conférence a travers laquelle le médaillé international a merveilleusement expliqué ce qu'est la discipline des mathématiques, relevant avant cela, «le travail considérable qui a été fait pour que l'Etat français reconnaisse sa part de responsabilité incontestable dans le sort tragique du mathématicien martyr Maurice Audin». Pour lui, ce tragique sort a permis, en même temps, aux deux Etats, de «regarder en face les événements douloureux qui ont fait des victimes des deux côtés». Ce dossier, dans lequel il s'est impliqué «en tant que mathématicien et député», affirme le conférencier, «n'est qu'un pas parmi tant d'autres visant la coopération tournée vers le futur, la jeunesse et les échanges scientifiques». Abordant le vif du sujet, à savoir la portée réelle des mathématiques, Cédric Villani dira que cette discipline, étant à ses yeux la plus belle de toutes les disciplines scientifiques, est celle de la rigueur, mais surtout de l'imagination, de l'intuition, voire des rêves. Selon lui, les mathématiques sont, certes, une science abstraite, mais «présente dans la vie de tous les jours». Et de rappeler avec insistance que les mathématiques servent à mieux se «débrouiller dans la vie de tous les jours, mais surtout à se familiariser au maniement de l'abstraction, comprendre mieux le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui, largement forgé, selon lui, par les mathématiques». Rappelons qu'à l'université d'Oran, Cédric Villani est revenu, dans une conférence présentée à l'auditorium de l'USTO, sur son livre Théorème vivant – Quand la science se fait aventure. Dans ce livre, paru en 2012, le mathématicien médaillé Fields raconte ses années de recherche de 2008 à 2010. Quant à l'université de Béjaïa, le mathématicien français s'est attardé, dans sa conférence sur la problématique de l'enseignement des maths au XXIe siècle, relevant d'abord l'enjeu de cette discipline qualifiée de «langage scientifique dans la recherche des idéaux, et par laquelle les contraintes de la physique sont devenues franchissables». Selon lui, l'enseignement des mathématiques devrait «sortir des abstraits X et Y que l'on connaît, pour faire un lien direct avec les disciplines concrétisées, telles que le monde de la robotique, la mécanique, l'électronique et autres». A noter enfin que les deux sommités scientifiques ont été reçues, lundi, par le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Tahar Hadjar. Cette audience, qui a eu lieu au siège du ministère, a constitué «une opportunité d'examiner les voies et moyens à même de consolider et promouvoir la coopération dans les domaines de la formation en mathématiques, qui connaît un progrès notable», a indiqué le ministre. «La visite des deux chercheurs en Algérie tend à diffuser la connaissance en milieu universitaire, en premier lieu, à travers la tenue d'une série de conférences, et à tirer profit de l'expérience des deux chercheurs qui ont obtenu des prix mondiaux dans le domaine des mathématiques», a-t-il ajouté. «Cette visite vise également, poursuit le ministre, à diffuser la connaissance au grand public, notamment en ce qui a trait au domaine des mathématiques, dont les applications rendent de grands services à l'humanité». A son tour, Cédric Villani a précisé que sa visite aux différents établissements d'enseignement des mathématiques en Algérie a pour but d'informer «les étudiants et les personnes intéressées des nouveautés survenant dans le domaine de la recherche scientifique spécialisée en la matière (mathématiques), au niveau international, outre l'examen des défis auxquels est confronté l'enseignement de cette matière, devant le progrès technologique, ainsi que le rôle des mathématiques dans la promotion de l'humanité». M. Ngô Bao Châu s'est félicité, pour sa part, de «l'intérêt» que portent les autorités algériennes à l'enseignement des mathématiques, faisant part à cet égard de sa gratitude pour l'accueil qui lui a été réservé depuis sa présence en Algérie. Cette audience a été rehaussée par la présence de membres de la famille du mathématicien, enseignant à l'université d'Alger et militant de la guerre de Libération nationale, Maurice Audin.
