Les services des ministères tunisiens de l'Intérieur et de la Justice ont précisé, avant-hier, que deux Bosniaques sont les auteurs de l'assassinat de l'ingénieur en génie mécanique et ancien membre du Hamas, Mohamed Zouari, le 15 décembre 2016 à Sfax. Les détails de l'enquête montrent qu'il s'agit d'un travail de professionnels aguerris. Le Maghreb devient infesté par les services spéciaux étrangers. Une déstabilisation est à craindre. Une conférence de presse a été tenue, avant-hier, au siège du ministère de l'Intérieur à Tunis, pour donner des éclaircissements sur l'état d'avancement de l'enquête sur l'assassinat de Mohamed Zouari. Les services de renseignement tunisiens sont certains que deux Bosniaques, Alen Camdzic et Elvir Sarac, sont les auteurs de l'assassinat de Mohamed Zouari, le 15 décembre 2016, devant son domicile à Sfax. Les éléments de l'enquête révèlent que les préparatifs de cet acte terroriste ont débuté en 2015. Une douzaine de personnes étaient impliquées dans ses préparatifs, sans qu'elles ne se rendent compte de l'objectif final de leurs agissements, à savoir l'assassinat de Mohamed Zouari. Les deux présumés assassins ont été arrêtés, suite au mandat émis par la Tunisie à Interpol en rapport avec l'assassinat. Mais leur pays, la Bosnie, refuse leur extradition. Les deux suspects sont néanmoins poursuivis par la justice bosniaque, en attendant une extradition, estimée très difficile en raison de l'absence d'une convention en la matière entre la Tunisie et la Bosnie. Lors de la conférence de presse d'avant-hier, le directeur de la brigade de recherches a précisé que les deux assassins étaient arrivés en Tunisie le 8 décembre 2016. Ils ont résidé dans un hôtel à Monastir, en se faisant passer pour des investisseurs venus prospecter des opportunités en Tunisie dans l'agroalimentaire. Au début de leur séjour, les deux Bosniaques ont fait une excursion dans le Sud tunisien en compagnie d'un guide. Ils ont, entre-temps, demandé à deux Tunisiens, auxquels ils ont ordonné, en ligne, d'acheter deux voitures à leurs noms, de les déposer dans un endroit déterminé à Sfax. Les sommes nécessaires ont été transférées à ces personnes pour les achats. Toutefois, les deux Tunisiens ont refusé d'exécuter, de peur d'une éventuelle utilisation criminelle des voitures, enregistrées à leurs noms, surtout qu'on leur avait proposé un voyage au Brésil, en compensation de cet acte. Suite à ce refus, les deux Bosniaques sont passés au plan B. Ils ont demandé à une autre collaboratrice tunisienne de leur louer deux voitures, dont une Mitsubishi avec une porte latérale coulissante, soit les mêmes types que les voitures achetées. Pour éloigner la Tunisienne de leur champ d'action, les deux Bosniaques lui ont offert un voyage en Autriche, en lui fixant rendez-vous à Vienne, alors qu'ils étaient en Tunisie pour exécuter leur forfait. Le 13 décembre 2016, ils se sont rendus à Sfax où ils ont récupéré les voitures louées par leur collaboratrice tunisienne, qui n'avait pas été mise au parfum de l'acte terroriste présumé. Pis encore, les enquêteurs pensent que les terroristes avaient en tête de l'éliminer. La fille a été contactée pour rentrer d'urgence à Tunis. Travail minutieux L'enquête a également révélé qu'après avoir récupéré les voitures, les deux Bosniaques se sont installés, le 13 décembre 2016, dans un hôtel à Kairouan (135 km de Sfax), où ils ont réservé jusqu'au 17 décembre. Le lendemain, pour justifier leur déplacement à Sfax, le 14 décembre, ils se sont rendus à Agareb (20 km de Sfax), sous prétexte d'acheter de l'huile d'olive. Le jour même, les deux assassins ont pisté leur victime, pour explorer le terrain et le circuit qu'elle empruntait, en exploitant un téléphone piraté qui lui a été remis comme cadeau en Turquie en 2015. Un présumé investisseur autrichien avait contacté la victime, en 2015, en vue de négocier avec lui la vente de ses brevets d'invention et lui avait offert ledit téléphone, qui donnait tous les renseignements sur sa position, en marge de leur rencontre en Turquie. Les deux terroristes ont donc attendu la victime devant chez elle, pour la tuer de quatre balles tirées à bout portant et sont repartis en changeant deux fois de voitures, pour brouiller les pistes. Ils ont pu quitter le pays sans encombres. Forte de ces détails, la Tunisie accuse les deux Bosniaques d'avoir «organisé et commis des actes terroristes, d'être membres d'une organisation terroriste et d'avoir porté atteinte à l'ordre public et à la sécurité internationale». Ont-ils travaillé pour un grand service étranger ? Personne ne le sait encore. Une chose est sûre, la Tunisie a émis sept requêtes judiciaires internationales à leur encontre, en Bosnie, Belgique, Turquie, Cuba, Liban et Egypte. Il s'agit en gros des zones où il y a des traces de leur passage et de leurs actes nuisibles à la sécurité internationale. L'enquête minutieuse des services tunisiens a montré la facilité avec laquelle des services et des gangs étrangers peuvent recruter et activer dans notre région. Le mouvement islamiste Hamas avait déjà annoncé, en 2016, que Mohamed Zouari était l'un de ses militants et accuse le Mossad d'être derrière cet acte terroriste. Les Tunisiens n'ont rien révélé à ce sujet. Ils disent même n'avoir aucune idée sur cette appartenance.