Visiblement, la cité de Boushaki, à Bab Ezzouar, est l'un des endroits les plus surveillés d'Alger depuis que des heurts ont éclaté, lundi dernier, entre Algériens et Chinois. Jusqu'à hier, le quartier est patrouillé par les véhicules de la police judiciaire qui guettent le moindre mouvement qui risque de replonger le « quartier chinois » dans la violence. On dirait un état de siège. D'habitude la cité, qui abrite des magasins et des commerces de gros, grouille de monde, mais depuis trois jours, point de commerce, point de clients, les ruelles sont désertes. Les locaux de commerce, appartenant en majorité à des Chinois, ont baissé rideau. Ils ne sont pas en grève, mais contraints de le faire, sinon ils risquent de les voir saccager par leurs voisins algériens. Non seulement leurs locaux restent fermés, mais eux aussi ne sortent pas de leur domicile. Ils vivent « un couvre-feu » permanent, car ils « encourent le risque d'être agressés », assure un habitant du quartier. La tension reste vive et les esprits sont loin d'être calmés. Même la virée du consul de l'ambassade de la République de Chine en Algérie, avant-hier au « Chinatown » de Bab Ezzouar, n'a pas réussi à ramener le calme ni celle du maire de la commune de Bab Ezzouar d'ailleurs. Rappel des faits : lundi dernier, une altercation entre un Algérien et un ressortissant chinois tourne à une rixe. Une bataille rangée en a suivi, opposant quelques dizaines de personnes dans chaque camp. Elle a provoqué des blessés de part et d'autre ; certains d'entre eux évacués en urgence vers l'hôpital Zmerli d'El Harrach. Et depuis, le « quartier chinois » s'est installé dans une zone de tension. Les raisons de ces affrontements restent à déterminer, une enquête de la police judiciaire est en cours. Certains habitants vont jusqu'à exiger le départ des Chinois du quartier, évoquant « l'impossible cohabitation entre Algériens et Chinois après ce qui s'est passé lundi ». Mais tous les riverains ne sont pas forcément de cet avis. L'un d'entre eux n'a pas hésité à faire porter le chapeau de ce qui s'est passé à un commerçant algérien. Il assure que « ceux qui sont à l'origine de cette violence ne sont pas les Chinois, il s'agit d'un commerçant algérien qui avait provoqué un Chinois devant son domicile et ensuite ça a tourné au vinaigre ». « Depuis que les Chinois se sont installés dans la cité, nous n'avons jamais eu de problèmes avec eux, bien au contraire, grâce à eux la cité et tout Bab Ezzouar a connu un essor commercial », ajoute-t-il. Un autre habitant, qui a l'habitude de travailler avec les Asiatiques, abonde dans le même sens et affirme que ces derniers « respectent les mœurs des habitants du quartier et ils sont d'une conduite exemplaire, contrairement à ce qu'on raconte ». Et d'ajouter : « C'est grâce à la présence des Chinois que beaucoup de gens d'ici ont pu construire leurs logements et monter des commerces. » En somme, les versions diffèrent et divergent, mais tous sollicitent l'intervention des pouvoirs publics pour faire régner la loi et mettre ainsi un terme définitif aux escarmouches au risque de voir le « Chinatown » de Bab Ezzouar « s'embraser ». Comme ils sont d'accord aussi pour éviter l'irréparable et faire la paix pour peu que chacun trouve son « compte ». Mais si l'origine des heurts reste à déterminer, il n'est pas exclu que l'élément central qui a allumé la mèche sont les rivalités entre commerçants. Il est vrai en effet que les Chinois pratiquent des prix défiant toute concurrence. Certains articles sont cédés à un prix cinq fois moins chers que ceux de leurs concurrents algériens. « Si ça continue comme ça, nous serons contraints de fermer nos boutiques. Nous sommes incapables de faire la concurrence avec eux », témoigne un habitant de la cité.