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L'intellectuel en action
Publié dans El Watan le 10 - 03 - 2011

Sa mère, issue d'une «famille française jacobine» pour citer ses mots, était une partisane de la «France libre» à un moment où la plupart des Français d'Egypte ne faisaient pas mystère de leurs sympathies pétainistes (2). Comme il le souligne dans ses Mémoires, la politisation de ses parents, médecins doublés d'actifs militants sociaux, a été décisive dans sa formation personnelle et intellectuelle. En 1947, il s'est installé en France pour poursuivre ses études secondaires. A l'université, il a suivi des cours de droit, de sciences politiques, de statistiques et d'économie, tout en militant dans des organisations de gauche, notamment le Parti communiste français et des collectifs anticolonialistes.
Après la soutenance d'un doctorat en économie en 1957, il est rentré en Egypte qu'il quittera trois ans plus tard pour le Mali. A Bamako, il travaillera comme consultant pour le gouvernement jusqu'en 1963, il entamera par la suite une carrière de professeur d'université, en France et au Sénégal. Entre 1970 et 1980, Samir Amin a dirigé l'Institut de développement économique et de planification (IDEP, ONU) basé dans la capitale sénégalaise. Il a joué un rôle central dans la fondation, en 1975, du Forum du tiers-monde (3) dont il assure la présidence.
Un itinéraire intellectuel militant
L'émergence de la Chine comme nouvel acteur d'envergure internationale après la victoire des partisans de Mao Tsé Toung en 1949 a réorienté les choix politiques du jeune économiste. Il s'est rapproché du courant critique envers l'Union Soviétique, plus impliqué que la gauche traditionnelle dans la solidarité avec les mouvements anticoloniaux.En France, ce courant englobait des groupes dits «maoïstes» qui prendront une part active aux contestations de mai 1968. Pour eux, la Chine, en tournant le dos à son passé féodal, mais aussi à l'avenir capitaliste que lui proposait Chiang Kaï-Chek, devenait un exemple à suivre pour nombre de nations, qui, en en dépit de leur indépendance formelle, restaient gouvernées par des régimes assujettis aux grandes puissances.
La formation politique de Samir Amin au sein de la gauche radicale déterminera son évolution intellectuelle. Il prolongera son engagement par un travail de recherche de longue haleine, mené avec d'autres économistes, dans un contexte foisonnant de modèles de libération nationale et sociale (les indépendances, les guérillas contre les dictatures d'Amérique latine…).
Théoricien de la «dépendance» et du «système monde»
Un des fruits de cette recherche a été la «théorie du développement inégal», exposée dans Le développement inégal et L'échange inégal et la loi de la valeur (parus tous deux en 1973). On pourrait la schématiser comme suit : le «centre» (les Etats industrialisés du «Nord») a grand besoin de continuer d'exploiter la «périphérie» (les Etats sous-développés du «Sud») car sa croissance en dépend ; si la périphérie est intégrée dans l'économie mondiale, elle l'est en tant qu'ensemble de fournisseurs de matières premières qui ne peuvent édifier des systèmes économiques indépendants ; cette inégalité explique que les salariés du centre puissent accéder au statut de classes moyennes consommatrices, tandis que ceux de la périphérie sont réduits à un état de permanente survie.
Elargie au champ des études sociales et historiques, la théorie du développement inégal porte le nom de «Théorie de la dépendance» (la pauvreté et l'instabilité dans le Sud sont le produit de processus complexes mis en place par le Nord). Enrichie par Samir Amin et d'autres chercheurs à la lumière des chamboulements géopolitiques des années 1970 et 1980, celle-ci a évolué vers la «Théorie du système monde» (4) qui pose l'existence d'un Centre dominant, d'une périphérie dépendante et d'une «semi-périphérie» que représenteraient les «Etats émergents» (Chine, Inde, etc.) Le sous-développement est toujours défini comme une donnée structurelle, sans révolution majeure, un pays de la semi-périphérie n'a aucune chance de rejoindre le centre : «Les rapports de forces internationaux, la domination du capital financier, de l'impérialisme collectif des Etats-Unis, de l'Europe et du Japon ne (lui) permettront pas de jouer à égalité, sur la scène mondiale, avec les vieilles puissances (5)».
Fort ancrage arabe et africain
L'apport de Samir Amin aux recherches en économie et en histoire économique s'est effectué par deux voies principales. La première est celle de l'étude des rapports dominants-dominés qui régissent l'économie planétaire. La seconde est celle de la description des sociétés non encore complètement capitalistes, comme celles d'Afrique de l'Ouest et, à un degré moindre, celles du Proche-Orient et du Maghreb.
Bon connaisseur de l'Afrique depuis qu'il était étudiant à Paris, où il avait eu de solides attaches dans les milieux politiques et syndicaux de l'émigration africaine, il a consacré nombre d'ouvrages aux expériences de développement dans ce continent. Nous ne citerons que Trois expériences africaines de développement : le Mali, la Guinée et le Ghana (1965), Histoire économique du Congo : 1880-1968 (1970, avec C. Coquery-Vidrovitch) et L'Afrique de l'Ouest bloquée (1971). Il a fait le bilan de ces expériences dans Le néocolonialisme en Afrique de l'Ouest (1973) et, un peu plus récemment, dans La faillite du développement en Afrique et dans le tiers-monde (1989). La pensée universelle de l'auteur de L'échange inégal a un autre fort ancrage dans le «monde arabe», qui a fourni leurs thèmes à plusieurs de ses œuvres : L'économie arabe contemporaine (1980), L'Egypte nassérienne (1964), Irak et Syrie : 1960 – 1980 (1982), etc. Sa réflexion n'a pas négligé non plus le Maghreb, parent pauvre des études qui se fixent un cadre géopolitique arabe (L'économie du Maghreb, 1966, et Le Maghreb moderne, 1970).
Samir Amin a étudié le monde arabe dans un cadre global, le cadre mondial, le considérant comme une des périphéries dépendantes des centres capitalistes. Ses écrits sur les expériences arabistes de l'Egypte (sous le règne de Gamal Abdelnasser) et de l'Irak et de la Syrie (sous le règne du parti Baâth) se sont doublés d'une réflexion théorique sur le nationalisme arabe en tant que doctrine politique : La nation arabe (1976) et Critique du discours arabe contemporain (2009).
Pour lui, si les éléments d'unité de l'ensemble dit «arabe» sont réels, les nationalismes spécifiques (algérien, égyptien…) n'en ont pas moins des racines lointaines (qui, parfois, plongent dans l'histoire préislamique) ainsi que de solides fondements contemporains (puissants mouvements indépendantistes, véritables marchés intérieurs, etc.). «Nier (ce fait) au bénéfice de l'affirmation de l'arabité serait se bercer d'illusions (6)» Samir Amin ne critique pas la seule «illusion panarabiste (7) ». Il critique encore plus sévèrement ce qu'il préfère appeler «l'Islam politique» pour mieux souligner qu'il s'agit moins d'un mouvement de renouveau théologique que d'organisations visant à s'emparer du pouvoir (8). Il conçoit l'idéologie islamiste comme un simple germe de dictatures théocratiques futures, lui déniant toute dimension émancipatrice.
Pour lui, elle ne peut être comparée à la «Théologie de la libération» qui a mis l'église catholique à l'avant-garde des luttes contre les dictatures d'Amérique latine. Elle est même pire qu'une doctrine rétrograde ordinaire, en ce sens qu'à ses yeux, elle justifie l'état de soumission aux grandes puissances dans lequel se trouvent la plupart des Etats musulmans : «Les auteurs de manuels sur l'économie politique islamique (…) n'ont réussi qu'à camoufler les préceptes les plus banals du libéralisme américain sous une couche d'aspect religieux (9)»
Une figure de l'alter-mondialisme
Les opinions tranchées de Samir Amin sur la faillite de l'arabisme et le danger mortel de l'islamisme provoquent souvent des polémiques en Egypte et dans le monde arabe. Ses adversaires lui rappellent que les processus de libération économique du Sud peuvent prendre la forme de processus de libération de type national voire «ethnique» et citent volontiers l'exemple des Zapatistes au Mexique. Sa position envers l'islamisme est rejetée par une partie de la gauche arabe qui estime que sous le label «islamisme», on ne peut ranger les «idéologies de pouvoir» adoptées par les «régimes islamiques» d'Arabie Saoudite ou du Pakistan (10). La radicalité de certaines de ces critiques n'empêche pas qu'il soit reconnu, par ses disciples et ses détracteurs réunis, comme un des rares intellectuels qui ont mis leur savoir au service d'une cause humaine, celle des laissés-pour-compte de toutes conditions. Son parcours est une éloquente démonstration de ce que la fusion de la théorie et de l'action n'est pas une pure chimère, et qu'à 80 ans, on peut écrire sur la «question paysanne» tout en organisant des forums sociaux, vivre entre Dakar et le Caire et faire partie des penseurs de l'humanité.


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