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Tunisie : la parole est à l'opposition
Publié dans El Watan le 23 - 10 - 2009

Ils sont avocats, journalistes, médecins... Certains vivent en Tunisie, mais pour la plupart, ils ont été contraints à l'exil. Alors que l'élection présidentielle de ce dimanche 25 ne laisse aucun doute sur la réélection de Ben Ali, El Watan Week-end a ouvert ses pages aux opposants. Et organisé une table ronde avec Radhia Nasraoui, militante des droits de l'homme, Slim Bagga, fondateur du mensuel L'Audace , suspendu en 2001 et Moncef Marzouki, fondateur du Centre national des libertés en Tunisie.
En quoi cette élection est-elle différente des précédentes ?
Radhia Nasraoui : Le climat est plus tendu. C'est une véritable terreur. Nous vivons depuis longtemps sous une dictature, mais là c'est pire. Le régime a arrêté Zouheir Makhlouf, un défenseur des droits de l'homme, dont le seul tort est d'avoir filmé dans un quartier populaire. Montrer la misère n'est pas du goût de Ben Ali, qui veut donner une image paradisiaque de la Tunisie. Notre collègue Sihem Bensedrim a été agressée et la journaliste du Monde, Florence Beaugé, que les Tunisiens trouvent encore trop modérée, a été expulsée, ses articles n'auraient pas plu apparemment. Et tout ça en une seule et même journée.
Slim Bagga : Ceci n'est pas différent. Nous avons fait le deuil de la Constitution le 16 mai 2002. Ben Ali a organisé un référendum pour s'octroyer l'impunité et l'éternité au pouvoir. En 2004, ce n'était déjà plus des élections. Le président devait se limiter à trois mandats. Mais nous sommes orphelins de Constitution depuis 2002.
Moncef Merzouki : En rien, c'est toujours le même rituel et la même farce ridicule pour les acteurs et offensante pour les spectateurs.
Si blocages de la part du régime tunisien il y a, quels sont-ils ?
R. N : Ca dépasse l'imagination. Les journalistes occidentaux sont là pour couvrir la campagne et le régime, au lieu de faire preuve de tolérance, attaque. Mon domicile est encerclé par des dizaines de policiers. J'ai été convoquée avec mon mari par la police criminelle, qui s'occupe normalement des grosses affaires, des crimes de sang, et nous apprenons par la presse qu'un citoyen aurait soi-disant porté plainte contre nous ! Ma fille a été terrorisée, les policiers l'ont forcée à ouvrir la porte de notre maison. Mon mari a quitté le domicile, après son agression sauvage à l'aéroport. J'ai moi-même été insultée dans un vocabulaire ordurier, on m'a traitée de « prostituée », alors que mes pneus étaient crevés au même moment...
S. B : La loi attribue des subventions aux journaux, aucun de ceux tenus par l'opposition n'a vu cet argent ! Les manifestations sont interdites. Invitez deux personnes chez vous et vous voyez débarquer 40 policiers… Les moyens financiers et humains font défauts, on saisit les biens des opposants. Leurs familles sont agressées. Moi-même, avant mon mariage en janvier, on a menacé ma femme. Alors que mon seul tort est d'être un journaliste qui a tenu tête à la mafia au pouvoir.
M. M. : Regardez le dernier scandale du régime… cet Imed Trabelsi, fils ou neveu de la régente de Carthage que les tribunaux français réclament pour vol et recel d'un bateau subtilisé en Corse. Rappelons qu'en 1991 le frère du dictateur, un certain Moncef Ben Ali, fut condamné par la justice française à 11 ans de prison pour trafic de drogue. Il ne les fera jamais car il a été trucidé rapidement par on ne sait trop qui. Puis il y a l'espoir des familles un certain Sakhr Marti, époux de la fille. Il vient d'acquérir pour un million de dollars une villa au Canada. Tout est à l'avenant. La tête du régime est constituée de bandes maffieuses et ces gens-là feraient des réformes, autoriseraient la soi-disant opposition à leur ravir la clé du coffre ou même à leur en contester la propriété. Il y a quelque chose de surréaliste dans la politique en Tunisie. D'un côté sexe, argent, trafics en tout genre, polices secrètes, torture ; répression aveugle et systématique... En face des bobos qui protestent d'avoir été exclus de fausses élections et d'autres encore plus étranges réclamant la réconciliation nationale, voire les réformes. Non décidément, cette pauvre Tunisie ne mérite ni ses gouvernants ni ses « opposants ».
A la veille du scrutin présidentiel, est-ce que la campagne (notamment de l'opposition) s'est faite dans les normes ?
R. N. : Pas du tout ! Je parlais de terreur, c'est très significatif. On demande juste aux Tunisiens de se taire, qu'ils soient contents ou non. Les centaines de prisonniers d'opinion qui subissent des conditions de détentions moyenâgeuses en sont la preuve.
S. B. : L'opposition est matée, les candidats sont éliminés. Ahmed Ben Brahim, par exemple, passe à la télévision, on lui accorde même 40 minutes ! Mais il faut voir à quelle heure il passe : à 16h, quand tout le monde est au travail et en plus sur une chaîne secondaire, alors que Ben Ali et sa femme ont tribune libre au journal de 20h sur la chaîne nationale. Leïla Ben Ali ne se comporte pas en femme de président, mais bien en présidente. D'ailleurs, ces derniers temps, on la voit souvent à la télévision. Elle a l'air méchant, énervée par le livre qu'elle a tenté d'interdire, La Régente de Carthage…
M. M. : Le mot opposition n'a de sens que dans une démocratie qui, pour fonctionner, exige un gouvernement et une opposition. Ce qu'on appelle opposition sous une démocratie frelatée ou une dictature honteuse comme celle qui sévit en Tunisie, se compose de Beni – oui oui, et de Beni non oui. Sous une dictature comme l'a montré si souvent l'histoire, il n'y a de solution que dans la résistance armée ou civile. Je plaide pour la civile bien sûr et je rejette tout aussi fortement la violence que cet ersatz d'opposition qu'on trouve en Tunisie ou dans d'autres joumloukia (« joumhouria – mamlaka » : république monarchique) arabes.
Qui soutient l'opposition en Tunisie ? Le régime ? Les adhérents ? Des organisations internationales ?
R. N. : Il existe deux oppositions : l'une légale et l'autre non reconnue par le pouvoir. Mais aucune n'est plus puissante que l'autre. La majorité des formations politiques a décidé de boycotter ces élections. Avec le mouvement des ouvriers du bassin minier, on peut dire que la population a rejoint l'opposition. On est passé de l'indifférence totale de beaucoup des citoyens à l'exaspération. Dans les années 1990, personne n'osait même nous regarder. Aujourd'hui, les gens suivent notre combat, nous saluent dans la rue. Certains même nous aident, discrètement. A côté, les organisations internationales nous apportent leur soutien à chaque fois que nous sommes réprimés.
M. M. : Je vous ai dit d'oublier ce terme et les quelques malheureux acteurs devant un parterre vide. Le port du voile face à un Etat qui a fait de la lutte contre l'islamisme son beurre, le sabotage du travail à tous les niveaux, les grèves perlées, les mouvements massifs comme ceux qui ont secoué le bassin minier, c'est cela qui compte. La résistance est bien réelle. Hélas ! elle est plutôt passive, dispersée et non encore politisée. Quand va-t-elle devenir active, politique et planifiée ? C'est aux résistants de faire que l'énergie potentielle que le peuple renferme devienne une force de destruction de la dictature maffieuse et de construction de la République et de l'Etat démocratique.
Participer au scrutin, n'est-ce pas devenir « alibi démocratique » du régime de Ben Ali ?
R. N. : Tout à fait ! Je suis de ceux qui appellent au boycott. Malgré cela, je défends les deux vrais candidats d'opposition qui se présentent. Ils ne peuvent pas se réunir, le régime a tenté de modifier leurs programmes, on voudrait leur choisir leurs mots !
S. B. : Absolument ! Je ne reconnais ni ce pouvoir ni ces élections et je considère que c'est une erreur de l'opposition. En 2002, les institutions ont été piétinées, elles ne sont plus légitimes. L'opposition est trop légaliste, donc trop permissive.
M. M. : Bien évidemment ; mais allez dire cela à des politiciens qui ont besoin de ce genre de happening pour se donner l'illusion d'exister.
On ne peut pas s'empêcher de se demander pourquoi les opposants se prêtent au jeu d'élections déjà truquées… Pourquoi ne dénoncent-ils pas les dérives mafieuses ? Pourquoi les opposants n'arrivent-ils pas à avancer en rangs serrés ?
R. N. : Les journaux des deux candidats d'opposition ont été saisis. Les manifestations et les réunions sont interdites, l'encerclement est total. Par ailleurs, tous les Tunisiens savent que ce ne sont pas de vraies élections. Ils ne s'y intéressent même pas. La cherté de la vie, la corruption, le chômage et la répression passent avant ces élections sans enjeu.
S. B. : L'opposition est déchirée par les ego. Ben Ali l'a divisée en 1988, avec son Pacte National, conçu soi-disant pour englober les islamistes. En fait, un an après, il récupérait les officiers mis en retraite par la RDA avec la chute du Mur de Berlin, et procédait au quadrillage de la société. Ces officiers ont créé des postes de délateurs, des citoyens espions. Cette participation au Pacte National s'est retournée contre les démocrates.
M. M. : De nouveau, demandez-leur, moi je suis un résistant, je ne suis pas un opposant. Ceci étant dit, d'où tenez-vous que le système n'a pas détruit les partis d'opposition ? Il les a infiltrés, bloqués, corrompus, divisés et cela pour les partis reconnus. Les autres, les non reconnus, leurs membres sont chassés à courre. Ils sont soit en prison, soit en exil.
Comment s'exprime l'opposition en Tunisie ? Prend-elle forme aujourd'hui à travers d'autres canaux que la politique ? Une intelligentsia ? Une opposition populaire ?
R. N. : Des communismes aux islamistes en passant par les nationalistes arabes, aucun n'a voulu prendre part à ces élections, servir de faire-valoir, de « chouhoud dhour » (« faux témoins »). Pendant longtemps en Tunisie, notre seul moyen de pression a été la grève de la faim, puisque l'opposition ne peut ni manifester ni se réunir. La multiplication des grèves, des sit-in, des manifestations de soutien est la preuve que les Tunisiens commencent à bouger. Le cercle des protestataires s'élargit.
M. M. : La résistance populaire, ce sont les combats pour la survie dans des endroits rarement visités par la presse. Pour les jeunes, c'est la parole libre sur Internet et Facebook. C'est la lente assimilation des messages explicites et implicites des chaînes satellitaires. C'est le mépris affiché des malfrats qui se prennent pour la famille régnante. Tout bout dans la marmite du diable. A quand l'explosion ? Nul ne le sait.
Les dés sont-ils déjà jetés pour le scrutin à venir ? L'opposition peut-elle un jour prendre le pouvoir ?
R. N. : Tout le monde sait que ces élections sont une mascarade et que Ben Ali va encore gagner avec 99% des voix. Ils vont peut-être baisser un peu cette année, mais ça ne changera rien au final.
S. B. : C'est une véritable mascarade. Nous assistons à la montée en puissance du clan de Leïla Ben Ali, en vue de la succession. Ce n'est pas un scoop, son gendre sera le prochain président de l'Assemblée nationale, issue des ces « élections » et c'est lui qui reprendra le pouvoir, conformément à la Constitution en cas de vacance. C'est un putsch maquillé.
M. M. : Quels dés ? Des dés qui donnent 6 chaque fois que vous les jetez même si vous jouez avec le tricheur pendant mille ans ? Non l'opposition ne prendra jamais le pouvoir. D'ailleurs, elle est tellement molle qu'elle n'en rêve même pas. Non c'est un autre sauveur qui va sortir du chapeau des services secrets locaux et occidentaux. Sauf que maintenant nous sommes prévenus – et lui aussi- que le Ben Alisme a marché une fois mais ne marchera pas deux. Quant à notre combat à nous les fils de la Tunisie martyrisée, il n'est pas près de finir. Tellement long est le chemin vers la liberté, mais avons-nous d'autre choix que de continuer à combattre, si ce n'est pour nous, au moins pour nos enfants pour qu'ils ne vivent plus dans leur patrie comme des sujets mais comme des citoyens… pour qu'ils puissent enfin être fiers de leur pays et non plus en avoir honte et ne désirer rien de plus que de le quitter.
Adlène Meddi, Ahmed Tazir , Mélanie Matarese, Sarah Ben


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