Le Caire (Egypte) De notre envoyé spécial A la guerre comme à la guerre « Mais pourquoi diable avez-vous brûlé le drapeau égyptien ? » Cette question saugrenue a été posée à votre serviteur par un vieil égyptien en galabieh qui tentait de me fourguer des papyrus supposés être d'authentiques pièces de collection. Un Egyptien ordinaire, parfait représentant d'une couche sociale défavorisée qui tente de gagner sa vie péniblement sur les bords du Nil en alpaguant les touristes et qui a entendu vaguement dire que ces satanés Algériens sont allés jusqu'à brûler l'emblème de son cher pays comme ils le feraient du drapeau sioniste ou américain. Sachant qu'il avait affaire à un représentant du « bilad el milioune chahid », la question perfide est sortie spontanément de ses lèvres desséchées. Voilà le degré d'intoxication de l'opinion publique auquel est arrivée une certaine presse égyptienne pour essayer de galvaniser des troupes un peu trop tièdes à son goût. Au train où va la guerre psychologique et d'ici le 14 novembre, les Algériens risquent de se voir accusés d'avoir cassé le nez du Sphinx ou d'avoir volé la momie de Toutankhamon. Zidane contre les stars égyptiennes des années 1990 Reprenant le quotidien français L'Equipe, le journal caïrote Echourouk annonce la présence de Zinedine Zidane au stade du Caire le 14 novembre pour encourager les Verts. L'ex-meneur des Bleus aurait décidé d'écourter ses vacances à Berne, en Suisse, pour apporter son soutien à son pays d'origine. Pour contrebalancer ce soutien de poids, Echourouk annonce que les anciennes stars égyptiennes des années 1990, celles-là même qui se sont qualifiées pour la Coupe du monde de 1990 organisée en Italie au détriment de l'Algérie, ont apporté leur soutien à l'équipe des Pharaons aux entraînements desquels ils assistent régulièrement et qu'ils seront présents à leurs côtés le jour du match. Pour le quotidien El Ahram, véritable institution au pays du Nil, l'annonce de l'arrivée de Zidane au Caire est farfelue et ne serait qu'un épisode dans la guerre psychologique que se livrent les deux pays par médias interposés. La FIFA et la douche froide égyptienne Le fax de la Fifa avertissant l'Egypte et l'Algérie contre d'éventuels troubles causés par des supporters des deux camps et la décision d'envoyer des observateurs bien avant le match du 14 continuent de faire couler beaucoup d'encre et de salive au bord du Nil. Et pour cause, l'avertissement de la Fifa est vu comme une véritable épée de Damoclès sur la tête de l'Egypte qui risque de perdre le match sur tapis vert, si ce n'est, bien sûr, contre les Verts, au cas où elle ne parviendrait pas à discipliner ses troupes. Il est vu également comme un sérieux frein à la chaleur et à la spontanéité des supporters égyptiens qui doivent ainsi faire très attention à leur comportement. En bref, c'est une véritable douche froide pour tous ceux qui tentent depuis des semaines de galvaniser « gamahir masr el âzima ». Ce lundi, les médias égyptiens, dans leur ensemble, étaient unanimes à pointer du doigt le travail de coulisses de Mohamed Raouraoua, qui serait arrivé à ses fins. Ah ce Raouraoua ! Il semble beaucoup plus malin que le pourtant très rusé et très influent Samir Zaher, son homologue égyptien. Saâdane superstar De toute l'équipe nationale algérienne, staff technique et joueurs compris, c'est le « Captain » Rabah Saâdane qui semble inquiéter le plus l'opinion publique égyptienne. Sa bonne bouille de grand-père tranquille est souvent présente à la une des journaux et des magazines. Il n'est ni trop causant ni expansif et cette placidité qu'il affiche ne dit rien de bon aux Egyptiens, qui sont nombreux à penser que sous la casquette du « Moâlim Saâdane » se trament des tactiques diaboliques qui risquent de faire s'envoler leur rêve sud-africain. Talismans pharaoniques La presse cairote ne reprend de son homologue algérienne que ce qui peut bien servir sa cause. Ainsi, le quotidien Rose El Youcef reprend en grosses manchettes un journal algérien qui accuse les Egyptiens de se servir de vieux talismans pharaoniques pour porter la poisse à nos Fennecs, qui auraient connu ces derniers temps une série de blessures sans précédent. Nos vaillants renards du désert seraient victimes d'un mauvais œil particulièrement pernicieux puisque sa date de péremption court toujours, après 5000 ans. Il faut tout de même convenir que la légèreté, pour ne pas dire la stupidité de certains écrits journalistiques donne beaucoup de grain à moudre au moulin égyptien. Des chanteurs au stade du Caire C'est la dernière trouvaille des spin doctors qui, sous la férule de Samir Zaher, le président de la Fédération égyptienne de football, cogitent pour trouver la meilleure façon de supporter à l'unisson. Il est question que des chanteurs égyptiens bien connus se déplacent au stade du Caire pour jouer les chefs d'orchestre face au public. Pour rappel, à l'occasion de ce match, les femmes qui, d'habitude, sont très présentes dans les gradins, sont priées de rester sagement dans leur cuisine et de céder leur place aux voix viriles chargées de faire trembler la pelouse sous les pieds des Algériens.
