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« La génération post-Octobre 1988 fait avancer la société »
Docteur Rachid Tlemçani. Enseignant-chercheur à l'Institut d'études politiques d'Alger
Publié dans El Watan le 26 - 11 - 2009

Le Dr Rachid Tlemçani, enseignant-chercheur à l'Institut d'études politiques d'Alger, revient avec sa perspicacité habituelle sur l'événement de la semaine : la qualification de l'équipe nationale au Mondial 2010 et la grande joie qui l'a suivie. Avec lucidité, il analyse aussi cette crise diplomatique entre l'Algérie et l'Egypte suscitée par une simple compétition sportive.
Comment expliquez-vous cette explosion de joie qui s'est emparée des Algériens à la fin du match d'appui opposant l'Algérie à l'Egypte ?
De par le monde, la qualification d'une équipe de football au Mondial est un grand événement national. Le football est devenu le sport fétiche de tous, même les Américains se mettent à jouer au « soccer ». Les Algériens ne font pas exception à la règle. L'explosion de joie qui a eu lieu à la fin du match est une réaction naturelle, saine. Le peuple algérien n'est pas un « peuple malade », contrairement à un certain discours émanant des milieux politiques. Certes, les Algériens sont un peuple brimé, mais en bonne santé. Toutefois, ce qui est vraiment extraordinaire, c'est lorsque des millions de personnes à travers le territoire national ont spontanément accaparé, en quelques secondes, l'espace public. Les Algériens n'ont demandé à personne l'autorisation pour faire la fête. Tout le monde, groupes politiques et individus, y compris le président de la République et le chef de la police politique voulait faire une vraie fête. Les Algériens en ont assez de l'état de siège, du cycle violence-répression, du terrorisme d'Al Qaîda au Maghreb islamique, de l'Islam politique, des prêches incendiaires des vendredis, des grèves récurrentes, du contrôle identitaire à chaque coin de rue, des émeutes, de la surveillance des caméras, du retrait du permis de conduire, de l'ENTV, de la « tchipa », des programmes scolaires archaïques, de la fraternité officielle des peuples, de la « harga », de la malvie, de la « hogra »... Les Algériens veulent être un peuple ordinaire, comme tous les autres êtres humains : travailler, rire, s'amuser et faire la fête, tard dans la nuit s'il le faut.
Le drapeau national a flotté partout à travers le territoire national ces derniers mois, comme ce fut le cas en 1962. Les jeunes Algériens ont-ils renoué avec le nationalisme de leurs aînés ?
Je ne suis pas vraiment d'accord avec cette explication que je trouve un peu de type journalistique. Les Algériens ne sont ni plus nationalistes ni moins nationalistes que les autres jeunes du monde. La jeunesse algérienne, comme toutes les autres jeunesses, est apolitique. Elle n'adhère d'ailleurs à aucun parti politique ou à aucune structure formelle. Elle est contre les carcans bureaucratiques et institutionnels. C'est pourquoi d'ailleurs elle se sent étrangère aux cérémonies protocolaires ringardes. Elle veut s'épanouir pleinement, elle veut être libre. Ce qui s'est donc passé ces derniers jours est plus fort que le nationalisme révolutionnaire du siècle passé. Le FLN, à son apogée, n'avait pas atteint une telle mobilisation. Le football a réussi à fédérer toutes les générations, sans distinction de sensibilité politique ni de sexe. La qualification à la prochaine Coupe du monde a donné un grand moment de bonheur et de solidarité partagée ; un moment historique, phénoménal. La jeunesse algérienne, en s'emparant pacifiquement de la sphère publique, vient de définir les contours d'une modernité au diapason avec son temps. Il appartient désormais aux élites de la conceptualiser et de la mettre en pratique. En quelques jours, la génération post-Octobre 1988 a considérablement fait avancer la société, elle a fait reculer, du moins pour un laps de temps, des intégrismes sectaires imposés par des hommes politiques sans vergogne. Le message qu'elle a envoyé aux pouvoirs publics est clair et sans ambiguïté de langage : les casseurs d'hier sont les bâtisseurs de demain, il faut désormais compter avec eux.
Les régimes autoritaires ont tendance à manipuler le sport, particulièrement le football. Quelle relation faites-vous entre le football et la politique ?
Effectivement le football, comme sport favori de la jeunesse, est souvent instrumentalisé à des fins de politique politicienne par les régimes autoritaires. Il peut devenir dans certaines circonstances un vecteur de forte mobilisation populaire, plus fort que la religion. Chez nous, le football a été de tout temps un facteur de mobilisation, il est même plus fort que l'Islam politique et les autres discours violents. « One, two, three, viva l'Algérie », un mot d'ordre qui a fait vibrer tout un peuple au-delà des frontières nationales, est neutre. Il n'a aucune connotation politique. Il n'y a eu aucun slogan politique ni pour ni contre l'Etat. Dans les rues d'Alger comme dans les villages les plus reculés du pays, les foules ont spontanément chanté à tue-tête et dansé à ce mot d'ordre durant plusieurs jours. La liesse populaire est indescriptible. Les étrangers ont d'ailleurs du mal à expliquer un tel comportement pour un match de football. La chose la plus extraordinaire, c'est qu'il n'y avait pratiquement pas de violence et de casse durant ces jours. La jeunesse algérienne a montré, une fois de plus, aux bureaucrates qu'elle a l'âge de raison et qu'elle n'a pas besoin, pour s'exprimer, de tuteur politique.
Comment expliquez-vous cette crise diplomatique entre l'Algérie et l'Egypte suscitée par une simple compétition sportive ? Cette crise va-t-elle s'étendre à d'autres secteurs ? Quelle lecture faites-vous des mises en garde du président Moubarak à l'encontre de l'Algérie ?
La crise diplomatique actuelle entre l'Algérie et l'Egypte est passagère, éphémère. Tout va rentrer rapidement dans l'ordre. Les intérêts financiers entre le groupe égyptien et des éléments du pouvoir sont énormes. Très attendu par la classe politique et l'opinion publique, le discours du raïs égyptien prononcé devant le Parlement a finalement recadré cette crise. Les relations diplomatiques entre les Etats arabes, rappelons-le, ont toujours évolué en dents de scie. Par contre, la leçon qu'on peut en tirer est associée à la qualité de la « fraternité arabe » que les discours officiels ont construite depuis les indépendances nationales. Cette fraternité s'est rapidement avérée superficielle, un simple coup de ballon l'a envoyée en l'air. Les Algériens qui ont visité les pays arabes ont un arrière-goût bien amer de cette fraternité dès leur descente d'avion. Quel est le citoyen Algérien qui n'a pas passé un mauvais quart d'heure lors du contrôle de passeport ? L'on constate ces dernières années que plus le discours sur l'arabité est fort, plus les frontières deviennent plus hermétiques, alors qu'en Europe elles deviennent virtuelles pour leurs concitoyens. Par contre, ce qu'il faut rappeler à juste titre, c'est que lorsque les régimes autoritaires traversent une crise profonde, tous mettent en œuvre les stratagèmes dont ils disposent pour tenter de s'en sortir à bon compte. Une compétition internationale telle que la Coupe du monde est alors une excellente aubaine. Comme l'Egypte avait été battue par 3 à 1 au match aller, il fallait s'attendre à un déploiement de tous les moyens pour remporter le match retour pour se qualifier au Mondial 2010. Les médias publics et privés doivent jouer un rôle privilégié dans la manipulation des foules. Ainsi, une campagne de propagande a été orchestrée depuis la défaite à Blida pour atteindre un anti-algérianisme jamais égalé auparavant. Le silence de la vénérable institution Al Azhar est complice à plus d'un titre. Elle aurait dû appeler à l'apaisement, le lendemain du caillassage du bus des joueurs algériens. La famille Moubarak, au pouvoir depuis trois décennies, voulait à tout prix une telle qualification pour créer l'union sacrée autour du raïs pour pouvoir introniser son fils, Gamal, à la magistrature suprême du pays. Comme second objectif, elle aurait permis de détourner l'attention de 75 millions de concitoyens qui sont au bord des émeutes de la faim. Tout compte fait, la politique de « l'agresseur qui crie à l'agressé » n'a pas fonctionné. Le président Bouteflika n'a pas réagi à la provocation. Je me demande quelle aurait été la réaction égyptienne si la qualification des Verts s'était faite par la « main de Dieu », comme lors du match opposant la France à l'Irlande...
Comment expliquez-vous cette réaction haineuse à l'égard d'un Etat frère qui a toujours soutenu l'Egypte au sein du concert des nations, comme ce fut le cas récemment lors de l'élection au poste de directeur général de l'Unesco ?
Je pense que les Egyptiens, en perte de vitesse, n'ont pas admis que les Algériens, ayant une « arabité douteuse » à leurs yeux, se permettent de donner le coup fatal à leur hégémonisme dans le monde arabe et en démystifiant par la même le slogan que l'Egypte n'a été « Oum Edounia » (la mère du monde) que pour les Pharaons. Déjà en 1959, la glorieuse équipe du FLN n'avait pas été autorisée à jouer au Caire de crainte de ne pas contrôler totalement la politique extérieure du FLN-ALN. En dépit de tout cela, des médias algériens ne devaient pas réagir à la provocation en alimentant, à leur tour, la désinformation et la propagande. Il est regrettable que les règles élémentaires du journalisme, telles que la vérification de l'information, n'aient pas été respectées. D'habitude, les Algériens, très lucides en pareilles circonstances, se sont laissés cette fois-ci emporter rapidement par la propagande, comme si on était en situation de guerre.
Face à cette propagande médiatique égyptienne, l'Algérie s'est-elle bien défendue ?
D'abord, je tiens à préciser que l'Etat a été, au-delà des manœuvres et de la récupération, à la hauteur de l'événement. Il a rapidement organisé un pont aérien pour transporter en 48 heures plus de 10 000 personnes. Il a montré une grande capacité organisationnelle et logistique. Cette action nous laisse espérer que le pouvoir est prêt à jouer fair-play, à l'image de l'équipe nationale. Toutefois, les médias publics, notamment la TV, ont montré une fois encore qu'ils sont déconnectés de la réalité. Les Algériens n'ont pas vu, par exemple, le « caillassage » du bus des joueurs via la chaîne nationale, mais sur les télévisions étrangères, notamment les chaînes françaises. La pauvreté des médias publics est hallucinante, ils n'ont manifesté aucune spontanéité pour s'accrocher à l'événement. Pendant que les chaînes égyptiennes tentaient de faire croire à l'opinion locale et internationale que les Algériens avaient fomenté ce scénario, la télévision algérienne s'était concentrée sur les activités gouvernementales et animait des tables rondes avec des experts maison.
Est-ce que les pouvoirs publics seront en mesure de tirer les leçons de cet événement ?
Pour cela, la transition démocratique doit être relancée sur une nouvelle base, sans « tricherie ». La levée de l'état de siège et le déverrouillage du champ médiatique doivent être perçus comme des préalables à ce nouveau départ. Autrement, les trois millions de jeunes qui étaient décidés à aller jusqu'à Khartoum pour supporter leur équipe pourraient, le cas échéant, canaliser leur énergie pour un autre objectif. Pour être écoutée, la jeunesse a crié cette fois-ci haut et fort. On ne peut rester sourd à son désir de vivre en harmonie avec son temps.
Pensez-vous que l'Algérie pourrait remporter la prochaine Coupe du monde de football ?
Comme tout Algérien, je souhaite évidemment que l'Algérie remporte cette Coupe. Cela permettrait aux Algériens de continuer la fête. On a vraiment besoin d'une grande victoire pour reprendre confiance en nous-mêmes et nous attaquer aux grands défis auxquels on fait face. On peut facilement remporter la CAN, la coupe d'Afrique des Nations ; l'Algérie a une dimension régionale. Mais je ne suis pas certain qu'elle ait une dimension internationale. Je pense qu'il faut être sérieux, on n'improvise pas du jour au lendemain une victoire mondiale, c'est un travail de longue haleine. Une politique sportive animée par le bricolage de circonstance n'est pas en mesure de produire une élite capable de remporter des trophées mondiaux. Les éléments structurants de la crise dans ce secteur sont toujours présents en dépit de cette qualification. Pour preuve, le budget alloué à tout le secteur est englouti pratiquement dans une seule discipline qui n'a remporté jusqu'à aujourd'hui aucune distinction internationale. Je ne serai pas surpris si les Américains, ces nouveaux venus dans le football, remportaient la Coupe sud-africaine 2010. Ils ont mis en place toute une stratégie pour la promotion de ce sport qui a commencé à prendre de l'importance chez les jeunes.


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